Vous avez développé une gamme de produits innovants mais vous n’avez procédé à aucun dépôt. Dans cette situation, si vous êtes confrontés à la reprise et/ou la commercialisation par un concurrent de copies de vos produits, vous vous demandez comment il serait possible de réagir face à ce concurrent indélicat.
Rappel des actions de dépôts qui auraient pu être faites auprès d’un office de la propriété intellectuelle tel que l’INPI en France
Classiquement, il est recommandé en matière de produits de procéder auprès d’un office au dépôt de l’élément sur lequel vous entendez obtenir une protection, au titre :
- D’un brevet, s’il s’agit de la protection d’une innovation technique, sous couvert que soient réunies les conditions de nouveauté (l’invention ne doit surtout pas avoir été divulguée au public avant le dépôt, il faut veiller à la conserver secrète), d’activité inventive (elle doit apporter une solution technique à un problème sans en être une solution évidente) et d’applicabilité industrielle (elle doit être utilisable industriellement),
- D’un dessin et modèle, s’il s’agit de la protection d’un design, de l’apparence d’un produit, sous couvert que soient réunies les conditions de nouveauté (il ne doit pas non plus avoir été divulgué et donc avoir été gardé secret, nonobstant un délai de grâce de 12 mois accordé au créateur ou à son ayant-droit qui permet de divulguer le modèle 12 mois avant le dépôt), de caractère propre (il ne doit pas faire naître une impression de déjà-vu chez le consommateur), de visibilité (pour être protégé, le design doit être apparent),
- Le dépôt d’une marque tridimensionnelle est également possible si la forme du produit constitue en tant que telle un signe de ralliement de clientèle. En la matière, la forme devra cependant se démarquer significativement des standards habituels et il peut s’avérer difficile de remplir ce critère.
Le dépôt vous permet d’obtenir un véritable titre de propriété, opposable à tous, sur le périmètre protégé, et ce durant 20 ans pour les brevets, 10 ans indéfiniment renouvelables pour les marques, et de 5 à 25 ans pour les dessins et modèles.
À défaut, quelles sont les solutions potentielles pour vous défendre contre la copie de tiers ?
La protection par le droit d’auteur ?
Tout d’abord, toute création originale (issue de choix libres et créatifs arbitraires portant l’empreinte de la personnalité de son auteur), octroie à son auteur, à compter de sa création, des droits d’auteur opposables à tous et ce durant toute la durée de sa vie et 70 ans après sa mort.
Cette protection potentielle ne nécessite pas de dépôt quelconque. La protection est automatique, sous réserve de pouvoir démontrer l’originalité de la création, ce qui peut ne pas être chose aisée. Dans ce cas, le titulaire disposera d’un monopole d’exploitation sur son œuvre qui lui confère le droit exclusif d’interdire la reproduction et la représentation de celle-ci par des tiers.
Il est à noter, qu’hormis en présence de logiciels créés dans l’exercice de fonctions salariées, le fait que la création ait été réalisée dans le cadre d’une commande ou d’un contrat de travail n’a pas d’incidence sur la titularité des droits : en l’absence de clause de cession de droit dans les contrats, le commanditaire ou l’employeur ne détient pas les droits sur l’œuvre et l’auteur peut en conséquence s’opposer à son utilisation.
Attention cependant au cas où la création s’intègre dans un projet initié et guidé sous la direction, les instructions et le contrôle d’une personne morale ou physique, lorsque le créateur n’a que peu de marge de manœuvre créatrice : on est ici dans le cas de l’œuvre collective et les droits remontent automatiquement à l’employeur.
Très concrètement, vous pourrez donc invoquer des potentiels droits d’auteur sur vos produits sous réserve de justifier que vous vous êtes fait céder les droits de vos prestataires et/ou sous réserve que le processus créatif des produits concernés s’insère dans la définition de l’œuvre collective.
La protection par la concurrence déloyale ?
Dans le cas où votre produit ne serait pas éligible à la protection par le droit d’auteur (parce que jugé non original) et/ou que vous ne disposez pas de titre de propriété intellectuelle, il peut être envisagé l’action en concurrence déloyale ou en parasitisme, sur le fondement de la responsabilité civile.
En effet, si la jurisprudence considère que le principe dans les relations entre concurrent reste la liberté de commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits peut être librement reproduit et commercialisé, elle sanctionne les comportements commerciaux déloyaux jugés fautifs.
Ainsi est sanctionné par :
- la concurrence déloyale : le fait de reproduire des éléments distinctifs d’un concurrent (ex : un nom similaire ou identique, des copies serviles ou quasi-serviles de ses produits ou créations, la reproduction de son site internet, etc.), à la condition de démontrer que cela crée un risque de confusion dans l’esprit du consommateur,
- le parasitisme : le fait de « se placer dans le sillage» d’autrui afin de s’approprier son travail, ses efforts, son savoir-faire, sa notoriété ou ses investissements, sans bourse déliée, afin de réaliser des économies injustifiées.
Dans une affaire, il a ainsi été jugé fautif le fait pour la société But, après avoir lancé un appel d’offre pour créer des présentoirs à lit, d’avoir reproduit le prototype proposé par l’un des candidats non retenus et s’être ainsi économisé les frais de conception et de développement du meuble.
Attention néanmoins, si les caractéristiques essentielles de votre produit sont contraintes par la fonction technique de celui-ci, la jurisprudence considèrera que la commercialisation par un tiers de produits similaires n’est pas fautive car il ne peut être accordé un monopole sur des éléments purement contraints.
Concrètement, comment agir à l’encontre du concurrent pour faire cesser les agissements litigieux ?
Si vous vous apercevez de la reprise d’un de vos éléments distinctifs, préalablement à toute mesure précontentieuse ou contentieuse, assurez-vous bien que votre concurrent ne dispose pas d’une antériorité qu’il pourrait vous opposer en retour (tel un dépôt de marque, brevet, dessin et modèle, etc. ou encore s’il n’exploite pas lui-même le produit depuis une date antérieure à votre utilisation, même sans droit).
À défaut, vous risqueriez de vous retrouver dans la situation de l’« arroseur arrosé », ce qui pourrait être très dommageable si jusqu’ici votre concurrent ne vous avait pas identifié.
Il est primordial ensuite de se préconstituer des preuves de l’usage considéré comme fautif. Pour ce faire, en sus de captures d’écran, vous pouvez notamment diligenter un constat d’huissier en ligne ou une saisie contrefaçon si vous avez des droits d’auteur.
Une fois ces préalables réalisés, vous pourrez envoyer un courrier de mise en demeure à l’auteur des actes fautifs lui enjoignant de cesser ces agissements et, à défaut de réponse satisfaisante, intenter une action en justice à son encontre.
Remarque : si vous disposez de droits privatifs mais que ceux-ci sont faibles (par ex : potentielle nullité du titre ou absence d’originalité pour le droit d’auteur), vous pouvez intenter une action en contrefaçon à titre principal et, à titre subsidiaire, s’il est considéré que vos droits ne sont pas valables (ex : défaut d’originalité), demander la condamnation sur le terrain de la concurrence déloyale.
Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en concurrence déloyale ainsi qu’un avocat droit d’auteur du cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tiennent à votre disposition.