Le 27 janvier 2025, la cour d’appel de Bordeaux a rendu une décision intéressante (n°20/03220) en matière de contrefaçon de logiciel open source.
Contexte : un conflit en contrefaçon entre deux sociétés spécialisées dans les logiciels libres
Une société, spécialisée dans le développement de logiciels, plus particulièrement de logiciels libres (aussi appelés logiciels open source), avait notamment développé un logiciel de messagerie collaborative.
Parmi les différents composants de ce logiciel, figuraient notamment deux modules sous open source dont l’un avait été développé par un salarié de la société, au cours de ses heures de travail mais de sa propre initiative.
Le salarié ainsi qu’un dirigeant de la société l’avaient ensuite quitté pour créer une entreprise concurrente, laquelle a commencé à exploiter deux ans après sa création un logiciel libre de messagerie collaborative.
Lui reprochant des actes de contrefaçon des deux modules logiciels précités, ainsi que des actes de concurrence déloyale en raison d’un débauchage de ses salariés, elle avait assigné sa nouvelle concurrente devant le tribunal judiciaire.
Ce dernier avait rejeté ses demandes, estimant que les modules logiciels n’étaient pas originaux et que, partant, ils n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur.
Solution : une contrefaçon résultant du non-respect du terme de la licence d’un module logiciel
1/ L’absence de titularité sur le module logiciel développé par un salarié
La société poursuivie estimait tout d’abord que la demanderesse en contrefaçon n’était pas titulaire de droits d’auteur sur le module logiciel qui avait été développé par son salarié.
En effet, si les logiciels font l’objet d’un régime spécifique qui conduit à transférer de plein droit à l’employeur les droits d’auteur sur un logiciel développé par un salarié, ce transfert n’intervient qu’à la condition que le logiciel ait été développé par le salarié « dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de leur employeur » (article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle).
La cour d’appel de Bordeaux a ici relevé que, si le logiciel avait été développé par le salarié au cours de ses horaires de travail, ce critère seul était insuffisant. Le salarié démontrait par ailleurs avoir placé le logiciel sur son espace personnel et avoir divulgué le logiciel sous son nom, sans objection à l’époque de son employeur qui en était informé.
En conséquence, c’est bien l’ancien salarié et non la société demanderesse qui était titulaire des droits d’auteur sur ce module.
2/ L’originalité reconnue du second module logiciel
La demanderesse fournissait un rapport indiquant que le développement du second module logiciel avait exigé des conceptions spécifiques de la part de ses salariés et que, si une autre équipe de programmateurs devait développer ce module sans aucune documentation, ni contact avec les équipes de la demanderesse, le programme qui en résulterait serait totalement différent.
Prenant le contrepied du tribunal judiciaire, la cour d’appel de Bordeaux a ici considéré que de tels éléments démontraient l’originalité du module logiciel.
3/ La contrefaçon du logiciel sous licence libre
Si un logiciel libre peut, par nature, être utilisé par un tiers sans nécessité d’un accord préalable de son auteur, cette utilisation doit toutefois être faite selon les conditions prévues par la licence. À défaut, l’utilisation devient une contrefaçon.
En l’occurrence, la demanderesse reprochait à sa concurrente d’avoir supprimé son nom d’une partie des fichiers composant le logiciel libre, portant ainsi atteinte à son droit à la paternité sur l’œuvre et ne respectant pas les termes de la licence, qui interdisait la modification des fichiers.
La cour d’appel de Bordeaux a relevé que cette suppression constituait, quel que soit le nombre de fichiers concernés, une atteinte au droit moral de l’auteur, qu’elle considère comme particulièrement protégeable en matière de logiciels open source puisque, du fait de la nature libre du logiciel, son auteur renonce à toute valorisation patrimoniale de son travail.
La contrefaçon a donc été reconnue.
En résumé, dans « licence libre », il y a « libre » mais aussi « licence » ! Il faut donc être vigilant et respecter les termes de cette dernière, sous peine de réaliser une contrefaçon.
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