La marque BOOKING.COM : distinctive pour des services de « booking » ?

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 4 juin 2025, l’EUIPO, l’Office européen pour la protection des marques notamment, a rejeté la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne « BOOKING.COM » pour des services en classes 35, 39, 41, 42 et 43.

 

Contexte : la demande d’enregistrement de la marque « BOOKING.COM » pour des services liés à la réservation d’hôtels en ligne

 

La société Booking.com a souhaité déposer la marque de l’UE « BOOKING.COM » pour les services qu’on lui connaît bien, à savoir globalement les services de réservation ainsi que les services annexes, notamment des services de publicité pour le voyage, de partage d’informations sur les voyages, déplacements, transports, etc., en classes 35, 39, 41, 42 et 43.

Après objection et après examen des observations du déposant, l’EUIPO a finalement refusé l’enregistrement de ladite marque.

 

Solution : le refus d’enregistrement de la marque « BOOKING.COM »

 

Le défaut de distinctivité du signe « BOOKING.COM » pour les services de réservation en ligne 

 

L’Office a estimé que la marque « BOOKING.COM » était descriptive des services visés au dépôt et donc dépourvue de caractère distinctif et ne pouvait en conséquence remplir les conditions de validité d’une marque.

Il a rappelé que ne pouvaient être enregistrées les marques composées de signes pouvant servir à désigner les produits ou les services proposés. Bien que le déposant ait tenté de se défendre en indiquant que personne n’utilisait le terme « booking.com » pour rechercher une plateforme qui fournit des services de réservation de voyages mais bien pour désigner sa société, l’Office a estimé que le signe était descriptif des services visés car pouvant être perçu dans sa signification, à savoir : « réservation en ligne ». Ainsi, les éléments composant le signe, à savoir « booking » et « .com », était purement, selon lui, descriptifs, « .com » permettant d’indiquer que les services visés peuvent être obtenus en ligne.

Le déposant arguait également du fait que la marque éponyme était enregistrée au niveau national dans plusieurs autres pays, ou sous forme figurative, mais l’EUIPO lui a rappelé qu’il n’était pas lié par les décisions rendues par les offices nationaux, et que la protection par la marque de l’UE est une protection autonome.

S’agissant des services visés, l’Office n’a pas examiné individuellement ceux-ci mais les a traités comme appartenant à une catégorie homogène plus large : il a considéré qu’ils étaient tous accessoires au domaine de la réservation en ligne.

En conclusion, l’Office a estimé que le signe était impropre à indiquer l’origine des services en cause.

 

Le refus de l’acquisition de la distinctivité par l’usage

 

Le déposant tentait par ailleurs de faire valoir que la marque « BOOKING.COM », si elle n’était pas distinctive à l’origine, avait acquis indubitablement une distinctivité par l’usage, tant elle était connue des consommateurs de l’UE.

Toutefois, l’Office a considéré que les preuves – bien que très étayées – fournies par le déposant (copies de sites internet, d’articles, de magazines, palmarès des marques connues dans certains pays, classement des meilleurs sites, utilisation massive du logo coloré, avis de clients, rapports, etc.) ne constituaient pas des preuves directes permettant de démontrer qu’une partie significative du public concerné, notamment à Malte et en Irlande (pays anglophones) et les pays dans lesquels le public possède une maîtrise suffisante de l’anglais, identifierait les services comme provenant de l’entreprise du demandeur. Il aurait fallu selon lui rapporter des éléments tels que les parts de marché, le chiffre d’affaires, des déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou encore d’autres associations commerciales et professionnelles.

Pas suffisamment de preuves pour l’acquisition de la distinctivité par l’usage donc.

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Site internet non conforme au RGPD : la résolution aux torts du prestataire prononcée

avocat contrat informatiqueDans un arrêt du 13 mai 2025, la Cour d’appel de Bordeaux a eu l’occasion de se prononcer dans le cadre d’une action en résolution d’un contrat de création d’un site internet non conforme à la réglementation sur la protection des données personnelles (RGPD).

 

Contexte : une demande de résolution d’un contrat de fourniture de site internet

 

Un réparateur de véhicules automobile a conclu un contrat avec une société prévoyant une prestation de fourniture d’un site internet ainsi que sa promotion via une campagne de référencement, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels ainsi que des frais d’adhésion.

Après la signature du procès-verbal de livraison et de conformité, la société a adressé la facture des loyers. Quelques mois plus tard, alors en pleine crise sanitaire, le réparateur a sollicité la résiliation du contrat en raison de difficultés financières.

S’en sont suivis des échanges infructueux entre les parties.

Le client a donc fini par assigner la société devant le Tribunal de commerce de Bordeaux afin que notamment, il déclare la résolution du contrat pour absence de délivrance conforme aux motifs que le site livré n’était pas conforme au RGPD.

Par jugement du 18 avril 2023, le Tribunal de commerce de Bordeaux a débouté le réparateur de l’ensemble de ses demandes. Ce dernier a donc interjeté appel.

 

Solution : résolution du contrat de fourniture de site internet pour non-respect de la réglementation sur la protection des données personnelles

 

Une résolution du contrat fondée sur l’absence de délivrance conforme

 

Le réparateur soutenait que la société avait manqué à son obligation de délivrance d’un produit complexe puisque le site n’était pas conforme à la réglementation sur la protection des données personnelles et qu’elle n’avait pas justifié de l’exécution de son obligation de référencement du site internet.

Un constat d’huissier réalisé à la demande du réparateur sur le site internet montrait plusieurs irrégularités au regard de la réglementation sur la protection des données personnelles et notamment une absence de bandeau ou d’autre support sur la page d’accueil relativement aux cookies alors même que deux cookies se sont installés sur l’ordinateur de l’huissier sans son consentement. Le constat de l’utilisation du module de protection type reCAPTCHA alors que l’utilisateur du site n’était pas amené à donner son consentement à la mise en œuvre de ce module.

Selon la Cour d’appel et compte tenu du constat d’huissier, la société n’a pas satisfait à son obligation de délivrer un site internet conforme à la réglementation relative à la protection des données personnelles. Ainsi, la résolution du contrat est justifiée au regard du manquement de la société à son obligation de délivrance conforme.

 

Absence d’obligation de moyen du prestataire et inefficacité du procès-verbal de livraison pour pallier la fourniture d’un site non conforme au RGPD

 

Face à l’argumentaire du réparateur et du constat d’huissier du site internet qu’elle a fourni, la société soutenait qu’elle n’était tenue que par une obligation de moyens en ce qui concerne la fourniture d’un site conforme au RGPD et qu’en tout état de cause, sa prestation a donné lieu à la signature d’un procès-verbal de livraison et de conformité.

Selon la Cour d’appel, s’agissant tout d’abord de l’obligation de fournir un site conforme au RGPD, la société ne peut prétendre qu’elle est seulement tenue par une obligation de moyens alors qu’elle disposait des compétences nécessaires en qualité de spécialiste.

De plus, poursuit la Cour d’appel, malgré la signature du procès-verbal de livraison et de conformité du site internet, la conformité au RGPD n’était pas apparente pour le réparateur et la seule production de ce procès-verbal ne rapporte pas la preuve que la société avait bien exécuté par la suite son obligation de référencement dans les moteurs de recherche.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en informatique du cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tient à votre disposition.

 

Puis-je utiliser librement des photographies sur Internet ?

Avocat droit d'auteur NantesLorsqu’on crée ou modifie son site Internet, l’utilisation de photographies est un plus indéniable. On ne peut toutefois pas utiliser n’importe quelle photographie trouvée en ligne.

 

Les conditions de protection des photographies

 

Une photographie est une œuvre qui peut être protégée par le droit d’auteur. Contrairement à une marque ou un brevet, pour bénéficier de droits d’auteur, il n’y a aucune formalité particulière de dépôt à réaliser auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Il en ressort qu’aucun registre ne peut être consulté pour déterminer si, oui ou non, une photographie est protégée à ce titre.

À cela, s’ajoute le fait que le critère légal qui déterminera l’existence ou non d’un droit d’auteur sur une photographie, l’originalité, est très subjectif. On considère en effet qu’est protégée une photographie qui porte l’empreinte de la personnalité du photographe, donc dans laquelle on pourrait percevoir des partis pris et choix esthétiques du type jeux de lumière, cadrages, contrastes, etc.

Il n’est en résumé pas toujours aisé de déterminer si une photographie est protégée par des droits d’auteur.

Si la photographie est considérée comme originale, alors toute utilisation de celle-ci sans l’autorisation du photographe est une contrefaçon, pouvant entrainer une condamnation notamment au paiement de dommages et intérêts.

Si elle ne l’est pas, pas de condamnation sur le fondement de la contrefaçon possible. Ceci étant, attention tout de même car la reprise d’un cliché pourrait être considérée comme appropriation indue du travail d’un tiers et donner lieu également à réparation sur le fondement de ce que l’on appelle le parasitisme.

 

Les vérifications préalables à mener pour utiliser une photographie trouvée sur Internet

 

Le conseil en la matière sera le suivant : il est préférable de ne pas utiliser de cliché trouvé via une recherche sur des moteurs type Google image dans la mesure où vous n’avez alors pas nécessairement les informations requises sur le titulaire des droits et surtout sur une autorisation éventuelle de le réutiliser et sous quelles conditions. En l’absence d’information, mieux vaut donc partir du principe qu’il est interdit de reproduire la photographie concernée !

Pour se procurer des photographies que vous êtes certains de pouvoir reproduire sur votre site Internet, mieux vaut privilégier :

  • Les photographies bénéficiant d’une licence « libre» (ou « open source ») : ces photographies bénéficient en effet d’une autorisation préalable de leur auteur de les reproduire et de les diffuser gratuitement. Attention tout de même car il existe des licences libres très différentes, qui conditionnent parfois l’exploitation de la photographie (ex : mentionner le nom du photographe ou ne pas utiliser la photographie à des fins commerciales). Les droits concédés sur une photographie via une licence libre ne sont par ailleurs bien souvent pas assortis de garanties : vous serez donc responsable si la photographie en question porte atteinte aux droits d’un tiers (ex : si la personne qui l’a diffusée avait elle-même repris les clichés d’un tiers).

 

  • Les photographies issues de bases de données dédiées : des banques de photographies permettent d’acheter des clichés et le prix sera généralement fonction de l’utilisation qui en sera faite. Sous réserve de bien lire les conditions d’utilisations, passer par ce type de plateforme est relativement sécurisant.

 

  • Les photographies générées via un outil d’IA : l’IA permet de générer des photographies relativement aisément. Le sujet central en matière de droits d’auteur est toujours de connaître ses sources. Comme les outils d’IA génèrent des clichés sur la base d’éléments préexistants et qu’il est rare que les sources soient disponibles, la vigilance est de mise en la matière. Les conseils que nous pourrions vous donner : retouchez systématiquement les photographies générées et faites des recherches Google image sur les éléments principaux de la photographie pour tenter d’identifier leur provenance. Cela permettra de réduire le risque de réclamation de tiers. À noter qu’à l’avenir, il sera sans doute obligatoire de mentionner si un contenu a été généré via l’intelligence artificielle.

 

  • Les photographies commandées auprès d’un photographe : solution souvent plus onéreuse, il peut toutefois être intéressant de recourir aux services de photographes professionnels pour obtenir des photographies personnalisées (et bénéficier aussi d’une exclusivité sur les photographies, vous assurant ainsi de vous distinguer de vos concurrents). Pensez néanmoins à conclure un contrat de cession des droits d’auteur avec le photographe, avec un acte écrit qui contienne les mentions requises. En effet, le simple fait de payer pour acquérir une photographie n’entraine pas de transmission automatique des droits d’auteur. Et faute de cession, le photographe pourrait ensuite potentiellement vous reprocher un usage de la photographie. En la matière le maître mot est donc : contrat de cession.

 

Les bons réflexes à avoir face à une revendication de droits sur une photographie

 

Comme vous l’aurez compris, l’avènement d’Internet a permis d’accéder à toujours plus de photographies, mises en ligne par les photographes directement ou avec leur autorisation par des tiers, directement intégrées dans des sites ou revendus dans des banques d’image.

Face à la difficulté pratique de contrôler les usages qui sont fait d’une photographie une fois que cette dernière a été divulguée en ligne, de nombreux prestataires (ex : PICRIGHTS, SUCRE SALE) ont développés des services de surveillance, scannant de manière automatisée le web et repérant les usages non-autorisés.

Il s’agit aujourd’hui de la principale source de revendications liées à des photographies sur Internet, puisque ces prestataires vont adresser pour le compte des photographes des courriers de mise en demeure réclamant la suppression des photographies concernées ainsi qu’une indemnisation, qui peut parfois être élevée.

Si, en règle générale, de tels courriers réclament dans un premier temps le paiement de quelques centaines d’euros, le montant demandé peut rapidement augmenter en cas de silence, car le prestataire continuera à adresser de multiples relances successives. Il n’est à cet égard par rare que la personne qui reçoit la première demande pense qu’il s’agit d’un courrier indésirable.

Si vous recevez un courrier de la part de ce type de société, nous vous recommandons de réagir comme suit :

  • Premièrement, supprimez la photographie concernée et ce, dès la réception du premier courrier. Cela permet à tout le moins d’éviter, si jamais une contrefaçon devait être reconnue à votre égard, que le préjudice causé au photographe – et l’indemnisation en découlant – continue à augmenter.

 

  • Deuxièmement, vérifiez que les droits qui vous sont opposés sont réels. Si le courrier reçu ne mentionne rien sur le sujet, demandez à la société qui l’a envoyé de justifier de ses droits sur la photographie (qui doivent donc, en principe, lui avoir été cédés par le photographe) et de démontrer en quoi la photographie en question serait originale.

 

Comme vu précédemment, apprécier l’originalité d’une photographie est une tâche compliquée, car il s’agit d’un point éminemment subjectif et l’appréciation d’un juge pourrait diverger de la vôtre. Un bon réflexe à avoir sur ce point est de rechercher si d’autres photographies très proches existent (pas uniquement en termes de sujet traité, mais surtout de manière de le traiter : angle de vue, colorimétrie, lumière, etc.). Si l’originalité n’est pas la nouveauté, il sera plus difficile de prétendre qu’une œuvre est originale s’il en existe des dizaines du même style.

Les prestataires proposant leurs services de surveillance sur n’importe quelle photographie : il est en pratique courant qu’ils envoient des courriers sur la base de photographies peu originales voire banales pour lesquelles une protection par le droit d’auteur porte dans les faits à discussion.

 

  • Troisièmement, en fonction de l’analyse menée quant à l’originalité de la photographie, choisir quelle réponse apporter. Si une photographie vous paraît originale, mieux vaut dans le doute payer les sommes demandées (ou une partie au moins). Dans le cas contraire, un simple courrier rejetant les allégations de contrefaçon et mettant en avant l’absence de droits d’auteur peut être pertinent, le risque d’une condamnation apparaissant moins probable.

 

Il faut également garder en tête que tous les prestataires ne réagissent pas de la même manière lorsque l’on n’accède pas à leurs demandes. Certains acceptent des paiements partiels, tandis que d’autres continueront à adresser des relances tant qu’ils n’auront pas reçu l’entier paiement des sommes demandées. Certains, passé un certain nombre de relances, engageront une action en justice à votre encontre tandis que d’autres ne saisissent que très rarement le juge et se concentrent sur un règlement amiable de la situation.

 

En résumé, il ne suffit pas de trouver des photographies sur Internet pour pouvoir les utiliser sans risque. Mieux vaut s’assurer d’abord de la provenance de ces photographies et d’avoir le droit de les reproduire sur votre site Internet. À défaut, le risque est fort de recevoir des courriers fort peu agréables de la part de sociétés surveillant l’usage fait de certaines photographies et vous réclamant une indemnisation. Si tel est le cas, le maître mot est la réactivité. Nos avocats en droit d’auteur pourront bien sûr vous assister pour déterminer la meilleure réponse à apporter.

 

 

Droit d’auteur : l’upcycling invité à aller se rhabiller

Avocat droit d'auteur NantesLe tribunal judiciaire de Paris a rendu, le 10 avril 2025 (RG n°22/10720), un jugement très intéressant venant, sauf erreur de manière inédite en France, confronter la pratique de l’upcycling au droit de la propriété intellectuelle.

 

Contexte : une société fondée sur l’upcycling de produits issus du luxe

 

En 2021, une personne a créé une boutique en ligne vendant des vestes en jean comprenant un carré de tissu issu de foulards en soie d’Hermès, les acheteurs pouvant choisir le motif parmi plusieurs tissus licitement acquis en seconde main.

Il s’agissait donc de vêtements dits « upcyclés » ou « surcyclés », à savoir de vêtements reposants sur un produit récupéré et revalorisé, sans passage par un processus de destruction industrielle (par opposition donc au recyclage), une pratique gagnant récemment en popularité notamment eu égard à son opposition à la surconsommation vestimentaire.

La boutique ayant bénéficié d’une certaine promotion, Hermès en a eu vent et a engagé une action judiciaire devant le tribunal judiciaire de Paris pour lui interdire de continuer à vendre des vestes contenant ses tissus.

Elle estimait en effet que ces ventes caractérisaient une contrefaçon ainsi que du parasitisme.

 

Solution : la pratique de l’upcycling condamnée

 

1/ L’upcycling considéré comme une contrefaçon injustifiée de droits d’auteur

 

Le Tribunal commence, logiquement, par vérifier si chacun des 24 dessins utilisés par Hermès dans ses foulards de soie et objet du présent contentieux, sont originaux.

En l’espèce, tous sont considérés originaux, le tribunal s’étant attaché pour chacun d’eux à caractériser les choix esthétiques qui s’y exprimaient : Hermès bénéficiait en conséquence de droits d’auteur sur ces motifs.

Pour se défendre de toute contrefaçon, la défenderesse invoquait notamment l’épuisement des droits, mettant en avant qu’elle avait licitement acheté les morceaux de tissus, lesquels avaient donc déjà été commercialisés une première fois ce qui empêcherait le titulaire des droits de s’opposer à des reventes ultérieures.

Le tribunal a toutefois considéré que les découpes de ces tissus ont eu pour effet de les transformer de foulards en empiècement des vestes auxquelles ils étaient incorporés, de sorte que le support initial des dessins avait été remplacé (quand bien même il s’agit, physiquement, du même tissu) et que chaque veste constituait une nouvelle reproduction illicite – donc une contrefaçon.

De manière assez originale, la défenderesse sollicitait également une mise en balance des atteintes aux droits d’auteur de la société Hermès avec, d’une part, la liberté de création et, d’autre part, la protection de l’environnement.

La première est assez simplement évacuée par le tribunal, la défenderesse ne démontrant pas un caractère artistique à ses vestes autre que celui conféré par les foulards.

S’agissant ensuite de la protection de l’environnement, le tribunal rappelle que s’il s’agit d’un objectif d’intérêt général susceptible de justifier d’une restriction à l’usage du droit de propriété, aucune disposition communautaire ou légale n’érige l’upcycling comme justifiant une restriction aux droits de propriété intellectuelle.

Il considère également que, dans la mesure où le surcyclage des foulards s’inscrivait dans le cadre d’une activité commerciale, il y avait lieu de considérer que le but poursuivi était lucratif et non la protection de l’environnement (ce qui relève d’une logique contestable et condamne dans les faits tout upcycling commercial).

Le tribunal vient ensuite préciser que, même si la protection de l’environnement était l’objectif recherché, l’atteinte aux droits d’auteur serait en l’espèce disproportionné car, d’une part, les foulards présentaient toujours une valeur économique sur le marché de la seconde main, et d’autre part car les foulards n’étaient pas endommagés au point de perdre toute attractivité et de ne plus pouvoir être revendus tels quels au consommateur.

Il pourrait donc, à l’inverse, en être déduit que si ces deux conditions étaient réunies la protection de l’environnement aurait pu justifier une atteinte aux droits d’auteur.

 

2/ Des condamnations supplémentaires au titre du droit des marques et du parasitisme

 

La défenderesse est par ailleurs condamnée pour contrefaçon de la marque « HERMES », puisqu’elle utilisait ce signe à de nombreuses reprises sur son site Internet pour faire référence aux foulards mais également sur ses réseaux sociaux (notamment en tant que hashtag).

Le parasitisme est également reconnu, pas pour la vente des produits upcyclés en elle-même mais pour l’utilisation, sur la page Instagram de la société poursuivie, de photographies issues de campagnes publicitaires de la société Hermès.

En tout et pour tout, la société est condamnée à un peu plus de 20.000 euros de dommages et intérêts (auxquels s’ajoute toutefois une condamnation quasi-équivalente au titre des frais irrépétibles), soit une somme légèrement supérieure au chiffre d’affaires généré par la revente des vestes (une vingtaine d’exemplaires seulement ayant été commercialisés).

 

En résumé, ce jugement privilégie de manière nette les intérêts des titulaires de droits face à la pratique naissante de l’upcycling, à tout le moins lorsque ce surcyclage consiste à s’appuyer sur la transformation de produits issus du luxe. On peut néanmoins se demander si le tribunal se serait montré aussi ferme face à un upcycling mené davantage pour de véritables objectifs environnement que pour tirer partie de la notoriété de grandes maisons de luxe.

 

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Droit des marques pour les nuls ?

 

Avocat droit des marques NantesDans un jugement rendu le 29 janvier 2025 (RG 23/05038), la Cour d’Appel de Versailles s’est prononcée sur le refus de l’enregistrement de la marque « LE DROIT POUR MOI » par le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle, pour défaut de distinctivité.

 

Contexte : le refus partiel du dépôt de la marque « LE DROIT POUR MOI » par le Directeur de l’INPI

 

Une société, exploitant des sites internet d’information en matière juridique et créant des contenus en ligne destinés au public sur le droit (notamment modules d’e-learning, vidéos pédagogiques et vidéos sur-mesure) a, le 14 octobre 2015, déposé la marque n°4217685 « LE DROIT POUR MOI », pour des services en classe 35, 38, 41 et 42.

Le 21 juin 2023, le Directeur de l’INPI a refusé la demande d’enregistrement pour une partie de ses services pour défaut de caractère distinctif et caractère descriptif.

La société déposante a donc formé un recours contre cette décision le 21 juillet de la même année, devant la Cour d’appel de Versailles.

 

Solution : confirmation qu’il s’agit d’un signe qui n’est pas distinctif et est descriptif et ne peut donc être adopté à titre de marque

 

Inaptitude du signe à distinguer les services de ceux des concurrents

 

La Cour a commencé par rappeler le principe selon lequel, pour qu’une marque soit valable, elle doit notamment, en application de l’article L.711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, permettre de distinguer les produits et services d’un opérateur de ceux des autres opérateurs du même marché. Le signe doit ainsi remplir cette fonction essentielle de la marque d’identification de l’origine des services.

En l’espèce, la Cour a noté que le signe « LE DROIT POUR MOI » visant des services ayant pour but la formation et l’information juridique pour des professionnels du droit, même s’il était destiné à un public averti, ne permettrait à ce dernier d’identifier l’origine des services visés.

Elle fait en effet ici un parallèle avec les slogans, considérant que le signe reprend le domaine dans lequel les services visés sont proposés selon un mode « formule » de sorte qu’il sera perçu comme un slogan plus que comme un signe de ralliement de clientèle.

La marque n’est donc pas distinctive.

 

Descriptivité du signe par rapport aux services en cause

 

De la même manière que précédemment, la Cour d’appel de Versailles a rappelé le principe applicable, à savoir qu’un signe est considéré comme dépourvu de caractère distinctif s’il permet de désigner une caractéristique des services, notamment leur espèce, qualité, quantité, destination, valeur, etc.

En l’espèce, les juges du fond estiment que l’expression « LE DROIT POUR MOI » renvoie à l’objet des services, à savoir leur lien avec le domaine juridique et à la manière dont ils sont fournis, à savoir de manière personnalisée.

L’expression renvoie par ailleurs au fait que le consommateur s’appropriera les règles qui s’appliquent à sa situation spécifique.

Il y a donc un « rapport direct et concret avec les services visés ».

La marque est en conséquence descriptive.

En résumé, l’opportunité du dépôt d’un signe à titre de marque doit toujours être appréciée à l’aune des conditions de validité d’une marque : elle doit être perçue par le consommateur comme un signe de ralliement de clientèle et ne doit pas décrire les caractéristiques des produits/services visés.

 

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