Comment protéger le design d’un produit ?

De nos jours le design des produits constitue une réelle source de valeur ajoutée pour les entreprises.

Elle constitue un élément crucial de la réussite d’un produit sur le marché puisque c’est elle qui va attirer ou non l’attention du consommateur et l’inciter à l’acheter. En effet, dans un monde où cohabitent des milliers de références qui offrent des fonctionnalités similaires, l’apparence du produit constitue le premier contact du consommateur avec celui-ci et c’est elle qui peut faire toute la différence.

Il est donc crucial pour les entreprises de savoir comment protéger le design de leurs produits.

 

Qu’entend-on par « design » d’un produit ?

 

Le design d’un produit est un processus créatif qui vise la conception du produit en prenant en compte à la fois les aspects fonctionnels, d’utilisabilité et esthétiques de celui-ci. Il peut porter sur tous types d’objets : de la forme d’un fauteuil, au packaging d’un flacon de parfum, en passant par la carrosserie d’une voiture, à la coupe d’un vêtement ou encore à la forme d’une tablette de chocolat ou d’une vis.

Pour ce type de produits, le travail du créateur se concentre sur l’aspect visuel extérieur du produit, son apparence, son esthétisme, et non pas sur la qualité du produit lui-même.

C’est de la protection de cet aspect visuel que traite le présent article.

 

Pourquoi protéger le design de son produit ?

 

La protection de l’apparence d’un produit peut s’avérer être un véritable atout stratégique pour les entreprises, surtout lorsque la question du design de leur produit est majeure pour se distinguer et favoriser les ventes. En effet, il peut être essentiel pour les entreprises de protéger les designs de leurs produits afin de :

  • Créer un monopole d’exploitation sur le design, en empêchant la copie du design par des concurrents pour leurs propres produits
  • Instaurer une différenciation des produits de la marque sur le marché vis-à-vis des consommateurs
  • Préserver un avantage concurrentiel durable pour l’entreprise
  • Créer une image de marque forte et unique, propre à l’entreprise, autour de designs emblématiques
  • Protéger son investissement

 

Comment protéger le design de son produit ?

 

Penser à la protection par le dépôt de dessins et modèles

 

Trop souvent négligée, la protection par le dépôt de dessins et modèles peut s’avérer être un véritable outil de protection de vos designs. En effet, bien que conditionnée, l’objectif principal de cette protection est d’assurer à son déposant un véritable droit de propriété industrielle, pendant 5 ans renouvelables jusqu’à 25 ans, lui permettant de s’opposer à tout usage et copie non autorisée de l’apparence de son dessin et modèle.

Concrètement, le Code de la propriété intellectuelle entend par « dessin et modèle » la protection de l’apparence d’un produit, tels que ses lignes, contours, couleurs, formes, texture, motifs etc. Ce qui est protégé est véritablement l’apparence extérieure du produit.

Le modèle à proprement parler désigne une forme en 3 dimensions (un objet), tandis que le dessin désigne une forme en 2 dimensions (un motif).

Pour bénéficier d’une telle protection, le design que l’on souhaite protéger doit remplir plusieurs conditions :

  • Être « nouveau » dans le sens où aucun dessin et modèle identique antérieur n’a été divulgué au public. Plus précisément « un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants» (cf. en ce sens l’article L 511-3 du code de la propriété intellectuelle). Autrement dit, le design, pour être déposé, ne doit pas d’ores et déjà avoir été divulgué, et donc avoir été gardé secret, et doit se distinguer de manière significative des designs existants,
  • Présenter un « caractère propre» dans le sens où l’impression globale qu’il produit sur le consommateur doit différer des dessins et modèles antérieurs. Autrement dit, le design ne doit pas faire naitre une impression de « déjà vu » dans l’esprit du consommateur.
  • Être « visible », dans le sens où il doit être apparent aux yeux du consommateur. Autrement dit, même si l’objet est incorporé dans un produit plus complexe, il doit être visible lors d’une utilisation normale de ce produit. Ainsi par exemple, une pièce de carrosserie peut être protégée car elle sera en tout ou partie visible, mais la pièce automobile enfouie sous le capot n’étant pas visible lors d’une utilisation normale de la voiture ne peut pas, en principe, être protégée par le droit des dessins ou modèles.

Le déposant doit donc veiller à ce que ces trois conditions soient remplies par son design avant de le déposer.

De plus, sont excluent de la protection par le droit des dessins et modèles, les designs dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique de l’objet. Pour en savoir plus sur les critères de protection vous pouvez consulter le site de l’INPI.

Contrairement au droit d’auteur, la protection s’acquiert par un dépôt devant les offices de propriété intellectuelle nationaux (INPI), européens ou internationaux, qui vise certaines catégories de produits, classés dans la classification de Locarno. Il faut être vigilant aux reproductions que l’on dépose, qui doivent représenter tout le produit, mais rien que le produit, sous toutes ses faces et sans ajouts de détails surabondants.

Il existe une protection de 3 ans pour les dessins et modèles européens non-enregistrés à compter de leur divulgation qui ne nécessitent donc pas à proprement parler d’enregistrement (cf. plus de détails sur les Dessins et modèles non enregistrés qui bénéficient cependant d’un périmètre de protection plus restreint).

Des procédures simplifiées existent également pour les entreprises dont les produits ont une courte durée de vie et ont vocation à être renouvelés régulièrement (notamment dans le milieu de la mode), permettant de déposer plusieurs dessins et modèles et de ne publier que tout ou partie des ceux-ci, au plus tard 30 mois après le dépôt (pour savoir plus le dépôt de dessin et modèle simplifié).  On peut ainsi ne faire porter les coûts que sur les produits qui marchent commercialement.

Le dépôt confère alors au déposant un monopole d’exploitation de son dessin et modèle et lui permet de s’opposer à toute fabrication, offre, mise sur le marché, utilisation d’un produit incorporant le dessin et modèle ainsi qu’à tout dessin ou modèle pour lequel le consommateur perçoit une impression visuelle identique.

Récemment, ont ainsi pu être jugées constitutives de contrefaçon de modèle la fabrication et la commercialisation sans autorisation de modèles communautaires de câbles USB déposés (Cour d’appel de Paris, 13 octobre 2023, n°22/09339).

 

La protection par le droit d’auteur

 

La protection par le droit des dessins et modèles n’exclut pas la protection par le droit d’auteur cumulativement. Cependant la protection par l’un n’engendre pas de protection par l’autre automatiquement, les conditions n’étant pas les mêmes.

En effet, avec ou sans dépôt en parallèle, le design d’un produit peut être considéré comme une œuvre  de l’esprit et peut à ce titre être susceptible de bénéficier de la protection par le droit d’auteur, à condition qu’il soit original. Il faudra donc être en mesure de rapporter la preuve de choix créatifs libres emprunts de la personnalité du créateur. Le critère de protection est ici moins objectif et plus subjectif.

Contrairement à d’autres droits de propriété intellectuelle, le bénéfice du droit d’auteur est automatique dès lors que le design est original. Il confère à son titulaire des droits pour la durée de sa vie et à ses ayants droits pendant 70 ans après son décès.

Le titulaire disposera alors du droit d’interdire la reproduction et la représentation non autorisée de son design sur tout support par des tiers (de même pour le dépôt comme dessin et modèle par un concurrent par exemple).

Tout l’enjeu en droit d’auteur est de pouvoir rapporter la preuve de la paternité de son œuvre. Il est donc bon de conserver toutes les versions de son travail et de faire un dépôt probatoire du design par exemple auprès de l’INPI (dépôt e-soleau) afin de donner date certaine à sa création et prouver sa paternité.

 

La possible protection du design d’un produit par le droit des marques

 

Même si cela est plus rare en pratique, les marques peuvent également être utilisées pour protéger le design d’un produit. En effet, il est possible de déposer à titre de marque des formes en 3 dimensions : on parle de « marque tridimensionnelle ».

Cependant elle doit remplir les mêmes conditions de validité que les marques plus classiques, à savoir : remplir à un rôle de marque c’est à dire constituer un signe distinctif capable d’être compris comme l’indication de l’origine commerciale des produits et services visés par la marque (condition qui sera observée de façon encore plus stricte par les juges s’agissant d’une marque tridimensionnelle) ; être licite ; et disponible c’est-à-dire qu’il n’existe pas déjà de droits antérieurs similaires ou identiques pour des produits et services similaires ou identiques détenus par un tiers.

Les offices sont très attentifs sur les conditions de validité des marques tridimensionnelles et excluent de la protection : les signes insusceptibles de remplir leur fonction essentielle d’origine; les signes dont la forme résulte exclusivement de la nature du produit ; ou est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique (ex : les Rubik’s Cube Tribunal de l’Union européenne 24 octobre 2019 T601/17 Rubik’s Brand Ltd/EUIPO).

Très récemment, la protection vient cependant d’être accordée pour la forme d’un bonhomme LEGO (TUE, 6 décembre 2023 – T-298/22) ou encore le bâtonnet Mikado (Cour d’appel de Versailles, 2 novembre 2023, n°21/01236),

Une fois accordée, la protection par le droit des marques confère un monopole d’utilisation sur le signe déposé, pour les produits et services visés, pendant une durée de 10 ans renouvelables (nota : il faut pour cela bien penser à renouveler sa marque), qui permet à son propriétaire de s’opposer à toute marque qui créerait un risque de confusion pour le consommateur sur l’origine commerciale des produits.

 

La protection du design d’un produit par la concurrence déloyale

 

Une autre option en cas d’utilisation par un concurrent d’un de votre design est l’action en concurrence déloyale ou en parasitisme, sur le fondement de la responsabilité civile. Cette protection a l’avantage de ne pas être conditionnée à l’existence de droits privatifs sur les produits copiés.

Est ainsi sanctionné le fait de commercialiser des copies serviles ou quasi-serviles de produits de concurrents, lorsqu’il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

Par ailleurs, peut être sanctionné au titre du parasitisme le fait de se placer dans le sillage d’un autre opérateur économique afin de profiter indûment de ses efforts humains, financiers, de sa notoriété en reproduisant ou en imitant un design, un motif notoire d’une autre entreprise.

Ont ainsi pu être jugées constitutives d’actes de concurrence déloyal, par exemple, la fabrication et la commercialisation sans autorisation par la société But de présentoirs de lits identiques au projet de présentoir présenté par une société lors d’un appel d’offre (Cour d’appel de Douai, 29 septembre 2022, n°21/02435).

Besoin d’en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter.

Concurrence déloyale : le revers de la médaille

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisDans un arrêt du 16 janvier 2024, la Cour d’appel de Pau s’est prononcée sur l’existence ou non de faits de concurrence déloyale et de parasitisme commercial dans le cadre de la fabrication et la commercialisation de médailles religieuses.

 

Contexte : une action en concurrence déloyale et parasitaire portant sur des médailles religieuses

 

Cette affaire opposait une société spécialisée dans la fabrication et la vente d’articles religieux, en particulier relatifs à la ville de Lourdes et une autre intervenant dans le négoce de souvenirs, bijouterie et bimbeloterie (dont des articles religieux).

Considérant que la seconde commercialisait des médailles identiques, la première  l’a assignée en concurrence déloyale et agissements parasitaires, ainsi que son fournisseur, devant le tribunal de commerce pour que soient notamment ordonnées l’interdiction de fabriquer et commercialiser lesdites médailles ainsi que leur destruction. Déboutée en première instance, elle a interjeté appel devant la cour d’appel de Pau.

 

Solution : les actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial ne sont pas établis

 

La liberté du commerce de médailles religieuses prévaut sur la concurrence déloyale

 

L’appelante reprochait à la société intimée de commercialiser des médailles identiques ou quasi identiques à ses modèles, se livrant ainsi à des actes de concurrence déloyale, par imitation et recherche de confusion.

La société intimée et son fournisseur faisaient de leur côté valoir que les médailles religieuses étaient libres de droit et qu’aucune preuve tenant à la recherche de confusion et la désorganisation de l’entreprise n’était rapportée. Elles invoquaient également le principe de libre concurrence et, en particulier, la liberté de choisir son fournisseur.

Sur le fondement habituel des articles 1240 et 1241 du Code civil, la Cour d’appel a conclu à l’absence de concurrence déloyale.

Elle a en effet retenu que la comparaison des médailles litigieuses ne permettait pas de caractériser une faute des intimées, dès lors qu’elles avaient l’aspect de médailles religieuses sans signe distinctif ni originalité et n’étaient pas protégées par des droits spécifiques.

Par conséquent, la commercialisation de médailles religieuses qui se ressemblent ne suffisait pas à caractériser des actes de concurrence déloyale.

Les juges ont rappelé que la liberté du commerce permet à plusieurs entreprises de coexister sur le marché de la vente de ce type de produits dans un lieu de pèlerinage religieux. La société appelante n’avait donc pas l’exclusivité de la fabrication et de la vente de ces produits à Lourdes.

 

Le défaut de parasitisme commercial

 

L’appelante reprochait également à la société intimée des actes parasitaires, en ce qu’elle aurait profité indûment de ses investissements et de sa notoriété en faisait imiter ses médailles par son nouveau fournisseur.

La Cour d’appel a d’abord rappelé que le parasitisme est un acte de concurrence déloyale défini comme l’ensemble des comportements par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

Elle a ici retenu que les médailles de l’appelante se déclinaient de façon similaire avec d’autres modèles de différents fournisseurs, de sorte qu’aucun acte de parasitisme commercial n’était établi.

Si vous souhaitez en savoir plus, un avocat en concurrence déloyale se tient à votre disposition.

 

 

 

La marque « Perfecto » reconnue distinctive pour des vêtements

Avocat droit des marques NantesDans un arrêt du 15 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le rejet par le directeur général de l’INPI de la demande d’enregistrement de la marque verbale « PERFECTO » pour désigner des vêtements pour défaut de distinctivité.

 

Contexte : le signe « PERFECTO » pour désigner des vêtements remplit-il la condition de distinctivité posé par le droit des marques ?

 

Dans cette affaire, par décision du 21 mai 2022, le directeur général de l’INPI a rejeté partiellement la demande d’enregistrement de la marque verbale « PERFECTO » n°204617017 déposée le 23 janvier 2020 par la société américaine Schott (également titulaire d’autres marques sur la célèbre marque PERFECTO), pour désigner notamment les « vêtements », en considérant que faisaient défaut la condition de distinctivité et de non descriptivité de la marque.

 Le déposant a donc interjeté appel de la décision de rejet du directeur général de l’INPI devant la juridiction parisienne aux fins de la faire annuler.

 

Solution : le signe « PERFECTO » jugé distinctif pour désigner des vêtements

 

Le signe « PERFECTO » est jugé non descriptif pour des vêtements

 

Au titre de ses prérogatives, le directeur général de l’INPI a le pouvoir de contrôler la validité des demandes d’enregistrement de marque et doit à ce titre vérifier que le signe proposé à l’enregistrement remplit bien les conditions posées à l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle, et notamment qu’il est bien distinctif pour les produits et services qu’il vise, et qu’il n’est pas exclusivement composé d’éléments descriptifs désignant dans le commerce une caractéristique des produits ou services visés.

Dans cette affaire, selon le directeur général de l’INPI, le terme « perfecto » était, à la date de la demande d’enregistrement, un nom commun couramment utilisé pour désigner « un blouson en cuir présentant une fermeture à glissière dont la particularité est d’être décentrée ». Il soulignait ses propos en citant de nombreux sites internet commercialisant ce type de veste en cuir sous la dénomination de « perfecto ».

Au contraire, la demanderesse soutenait que ce terme n’est pas descriptif de ce type de vêtements et pour preuve : les dictionnaires Larousse et Le Robert identifient le terme « perfecto » comme étant un nom déposé à titre de marque et pas seulement comme un nom commun.

La Cour d’appel fait droit à la position de la société Schott, et annule la décision de rejet du directeur général de l’INPI. Elle estime en effet que le public pertinent ne percevra pas le terme « perfecto » comme un nom commun désignant un blouson en cuir mais bel et bien comme une marque déposée par la société Schott et qu’en conséquence la descriptivité du terme « perfecto » pour ce type de vêtement n’est pas démontrée.

La Cour en déduit donc que le signe « PERFECTO » est bien distinctif pour ces produits et, partant, retient sa validité à titre de marque.

Vous souhaitez obtenir de plus amples informations en la matière, notamment en ce qui concerne la protection par une marque, un avocat Marques du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition si nécessaire.

 

Droit d’auteur : l’accessoire en pleine lumière

La Cour d’appel de Paris a rendu, le 27 septembre 2023 (n°21/12348), une décision éclairante sur l’application de la théorie de l’accessoire en matière de droits d’auteur.

 

Avocat droit d'auteur NantesContexte : l’utilisation d’une création mobilière dans des photographies

 

Le litige opposait un sculpteur-plasticien, créateur d’un modèle de lampe nommée « Lyre », et un architecte d’intérieur renommé.

Pendant une dizaine d’années, l’architecte avait passé commande de plusieurs modèles de différentes tailles pour la lampe Lyre, notamment pour décorer un hôtel situé en Suisse.

Le sculpteur reprochait à l’architecte d’avoir publié plusieurs photographies, sur différents réseaux sociaux, où celui-ci se mettait en scène avec ses lampes, sans avoir cité son nom en tant que créateur.

Condamné en première instance pour atteinte au droit moral de l’auteur, l’architecte a fait appel, amenant le litige sous le feu des projecteurs de la Cour d’appel de Paris.

 

Solution : la théorie de l’accessoire écartée, l’atteinte aux droits d’auteur reconnue

 

Une lampe originale justifiant sa protection par le droit d’auteur

 

Classiquement, l’architecte contestait tout d’abord l’originalité de la lampe Lyre, choix éclairé s’il en est puisqu’à défaut de droit d’auteur, il ne peut pas y avoir d’atteinte à un quelconque droit moral.

La Cour d’appel confirme toutefois la position retenue par le juge de première instance.

Elle relève ainsi que l’auteur définissait de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il alléguait, en explicitant clairement les choix faits dans sa démarche de création, par lesquels il était parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe à une représentation toute personnelle de la lyre, « donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses ».

Ces choix créatifs, qui ne relevaient pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, mettent au contraire en pleine lumière l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Sa création est donc confirmée comme bénéficiant d’une protection par le droit d’auteur.

 

Une inclusion de la lampe qui n’était ni fortuite ni involontaire

 

Pour contester toute atteinte aux droits de l’auteur, l’architecte invoquait le bénéfice de la théorie de l’accessoire, une exception au monopole dont peut se prévaloir un auteur, dégagée par la jurisprudence.

Selon cette exception, la reproduction d’une œuvre peut être licite sans l’autorisation de son auteur lorsque l’œuvre en question n’apparaît qu’à titre accessoire (l’exemple type étant le bâtiment protégé apparaissant en arrière-plan d’une photographie).

L’architecte indiquait ainsi que la lampe Lyre n’était pas le sujet des communications litigieuses, qui portaient davantage sur sa propre personne.

A la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le sujet, la Cour d’appel rappelle que la notion d’inclusion fortuite, sur laquelle est basée la théorie de l’accessoire, doit s’entendre comme une représentation accessoire et involontaire de l’œuvre protégée par rapport au sujet traité ou représenté.

Elle relève ensuite que la présence de la lampe Lyre dans les photographies résultait manifestement d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, ce dernier se mettant littéralement en scène avec la lampe.

La reproduction et la représentation de la lampe Lyre n’ont donc pas été effectuées de manière accessoire, et la Cour d’appel retient tout comme le juge de première instance une atteinte portée au droit à la paternité de l’auteur de cette lampe.

Fait notable, si seul le préjudice moral de l’auteur est indemnisé, les condamnations sont toutefois relativement conséquentes puisque l’architecte est condamné à lui payer une somme de 25.000 euros (comme en première instance) et ce, bien que les photographies aient été très vite retirées de ses réseaux par l’architecte.

Pour motiver un tel montant, le juge indique notamment que les mises en scène photographiées traduisaient une volonté délibérée de l’architecte d’apparaître comme le concepteur de la lampe.

 

En résumé, cette décision apporte un éclairage intéressant, et sécurisant pour les auteurs, sur l’application de la théorie de l’accessoire : exception à la protection dont bénéficie l’auteur, cette notion doit en effet demeurer restreinte aux véritables inclusions fortuites d’une œuvre.

 

 

Comment protéger un logiciel ?

L’informatique occupe aujourd’hui une place prépondérante dans notre quotidien, de sorte que la protection des logiciels est un enjeu crucial. Que l’on soit développeur en freelance ou une société de plus grande envergure, la propriété intellectuelle est un sujet à ne pas négliger. Le logiciel peut en effet être source de valeur très importante qu’il est essentiel de sécuriser dans un environnement technologique toujours plus complexe.

 

Qu’est-ce qu’un logiciel ?

 

Un logiciel est en ensemble de programmes informatiques, scripts et données qui permettent de donner des instructions à une machine pour qu’elle exécute des tâches précises et déterminées (ex : logiciel de gestion de la comptabilité utilisé par une entreprise, application mobile pour commander de la nourriture, système de relevé de la glycémie de patients intégré dans un boîtier).

Les logiciels sont en principe rédigés dans un premier temps par des développeurs informatiques, dans un langage de programmation (ex : Python, Java), compréhensible par l’homme. C’est ce que l’on appelle le code source, qui est constitué d’une suite d’algorithmes destinés à donner des instructions  à la machine (ex : ordinateur).

Il n’est pas rare que le développeur annote son code afin de permettre à d’autres de comprendre sa logique de programmation.

Ensuite, le code source est converti en ce que l’on appelle le code exécutable, qui lui est compris par la machine et peut être exécuté par elle. Ce processus de transformation du code source en code exécutable est généralement connu sous le nom de « compilation ».

Aux codes s’ajoutent également d’autres éléments :

  • Le matériel de conception préparatoire qui est visé dans le code de la propriété intellectuelle. Concrètement légalement aucune définition formelle du matériel de conception préparatoire n’existe mais opérationnellement ce matériel englobe divers éléments tels que notamment les analyses fonctionnelles, les maquettes, les spécifications ainsi que l’architecture fonctionnelle.
  • L’interface graphique du logiciel ;
  • Les algorithmes sous-jacents utilisés. Un algorithme détaille une série d’opérations à exécuter afin de résoudre un problème précis ou d’accomplir une tâche déterminée. Les algorithmes trouvent leur application dans divers domaines tels que les mathématiques et plus particulièrement en informatique.
  • Les fonctionnalités proprement dites du logiciel concerné.

 

Pourquoi protéger un logiciel ?

 

La protection de votre logiciel est essentielle pour plusieurs raisons, à savoir notamment pour vous assurer :

  • De sa valorisation commerciale: pour beaucoup d’entreprises, le logiciel peut constituer un actif commercial majeur (ex : société d’édition de logiciel). Il faut donc s’assurer de sa protection afin par exemple de disposer d’un monopole d’exploitation qui permettra d’assurer un retour sur les investissements engagés pour sa conception et son développement et de préserver le cas échéant un avantage concurrentiel. Cela vous permettra en outre, si c’est le cœur de votre business, de tirer des revenus pérennes de son exploitation.
  • D’éviter des agissements illicites : protéger son logiciel permet de décourager une grande partie des contrefacteurs ou concurrents indélicats et donc de préserver la légitimité des licences d’utilisation que vous octroyez à des tiers.
  • De garantir sa stabilité et fiabilité: la protection contribue à maintenir la stabilité et la fiabilité du logiciel en évitant les altérations non autorisées pouvant en compromettre le bon fonctionnement.

En résumé, si protéger son logiciel n’est pas une fin en soi, cela permet de préserver la valeur, l’intégrité et la légitimité du logiciel dans un environnement numérique en constante évolution.

 

Comment obtenir une protection sur un logiciel ?

 

La protection d’un logiciel peut être assurée par plusieurs moyens. Voici quelques-unes des principales mesures et instruments juridiques que vous pouvez envisager pour protéger votre logiciel .

 

1/ Protection d’un logiciel par le droit d’auteur

 

Le droit français (notamment) admet que le logiciel puisse être, en tant qu’œuvre de l’esprit, protégeable par le droit d’auteur, sous réserve d’être original.

En réalité, ce sont les différents éléments suivants de votre logiciel qui sont protégeables, sous réserve d’être originaux : le code source et le matériel de conception préparatoire (l’interface graphique ou encore les éléments qui le composent type son, texte, image, vidéo, etc., peuvent aussi indépendamment bénéficier d’une protection).

Contrairement à d’autres droits de propriété intellectuelle, le bénéfice du droit d’auteur est automatique dès lors que le logiciel original est créé et fixé sur un support tangible.

Il n’est donc pas nécessaire de procéder à un dépôt devant l’office de la propriété intellectuelle (INPI en France), contrairement à une marque ou un brevet.

La protection est donc acquise dès la création du logiciel, en France pour 70 ans après le décès du développeur (des règles différentes peuvent s’appliquer selon la titularité), étant précisé que le droit d’auteur ne protègera pas les procédures, idées ou fonctionnalités du logiciel (uniquement l’effort personnalisé décelable dans le code source, outre le matériel préparatoire). Ainsi un algorithme ne sera pas protégé par le droit d’auteur car considéré comme un idée « de libre parcours ».

De  la même manière, la protection des fonctionnalités par le droit d’auteur a été refusée par les juges qui ont estimé que « l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive » (Cour de justice de l’Union européenne, grande chambre, 2 mai 2012, C-406/10).

Le propriétaire du logiciel disposera, pendant cette durée, du droit exclusif de l’utiliser, le reproduire, le distribuer, le modifier, d’en concéder des licences pour permettre son usage à d’autres personnes sous conditions, etc.

En cas de violation du droit d’auteur, le titulaire des droits sur le logiciel pourra initier une action en contrefaçon.

Un sujet important en matière de droits d’auteur, principalement lorsqu’une action est initiée, c’est d’être en capacité de prouver que l’on est bien à l’origine du logiciel depuis une date donnée et de démontrer comment il était matérialisé à cette date.

Pour ce faire, plusieurs possibilités, à savoir entre autres :

  • Vous pouvez envisager un dépôt de votre logiciel auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP). Elle propose plusieurs types de dépôts qui permettent entre autres d’horodater et de conserver sous scellés les éléments composant votre logiciel. Il est ainsi par exemple possible de déposer les sources de la première version d’un logiciel puis de réitérer en cas d’évolution majeure.
  • Vous pouvez déposer votre logiciel (travail de conception préparatoire, copies d’écran de l’interface, code source, etc.) auprès de l’INPI via un dépôt e-Soleau.

Ces dépôts permettent de se préconstituer des preuves, notamment pour bénéficier d’une présomption de titularité sur votre programme ou encore de justifier de votre antériorité en cas de litige.

 

2/ Les possibilités de protection d’un logiciel par le droit des brevets

 

Bien que la brevetabilité d’un logiciel soit admise dans certains pays, en France et dans l’Union européenne, les programmes d’ordinateur en tant que produits finis ne sont, pour l’instant, pas en eux-mêmes brevetables.

Par exception, le logiciel peut indirectement être protégé par un brevet s’il est inclus dans un procédé/produit qui remplit les trois conditions de brevetabilité, à savoir nouveauté, activité inventive et application industrielle.

Dans ce cas, c’est l’invention dans son ensemble qui sera brevetée, et non uniquement le logiciel. Ce sera par exemple le cas d’un logiciel intégré à un procédé de traitement d’images d’une IRM.

Contrairement au droit d’auteur, pour disposer d’un brevet, il faut déposer la demande correspondante auprès de l’office compétent (INPI en France, OEB en Europe, etc.), qui examinera si les critères de brevetabilité de l’invention sont satisfaits.

Une fois la protection accordée, elle l’est pour 20 ans maximum (tous les ans, des annuités sont à payer) et permet au titulaire du brevet de disposer d’un monopole d’exploitation de l’invention. Cela signifie que d’autres personnes ne peuvent légalement utiliser, fabriquer, vendre ou distribuer l’invention sans son autorisation, à savoir sans bénéficier d’une licence prévoyant généralement le paiement de royalties.

Une fois la protection obtenue, comme en matière de droits d’auteur, il est possible d’initier des actions en contrefaçon s’il on se rend compte qu’une personne exploite l’invention protégée, sans droit.

 

3/ La protection de son logiciel par l’action en concurrence déloyale

 

La protection d’un logiciel peut aussi passer par une action à l’encontre de pratiques commerciales déloyales de la part, notamment, de concurrents.

Il faudra dans ce cas démontrer que les logiciels présentent de très fortes similitudes (entres autres par exemple des éléments graphiques ou du parcours utilisateur – fonctionnalités).

S’il est par ailleurs prouvé que la société attaquée a, par sa copie ou l’appropriation du savoir-faire d’un autre acteur, économisé du temps et de l’argent, des actes de parasitismes pourront également être poursuivis. C’est le fait, sans engager de frais, de profiter des investissements d’un autre.

Ainsi par exemple, le Tribunal Judiciaire de Paris a pu retenir l’existence d’un parasitisme lorsqu’une société s’est appropriée, par l’intermédiaire d’un ancien salarié de la société titulaire du progiciel copié, des « informations privilégiées pour la mise en place du progiciel Usi-Don afin d’obtenir de manière rapide et à peu de frais un progiciel susceptible de répondre aux besoins de ce client », estimant que ces agissements lui ont permis de gagner du temps dans la réalisation du progiciel et de tirer profit indument du travail de la société titulaire du logiciel copié, et qu’en conséquence il lui appartenait d’indemniser ce préjudice (Tribunal Judicaire de Paris, 3 décembre 2015, n°14/13805)

Pour éviter ce type de comportements, plusieurs mesures peuvent potentiellement être mises en place (si applicable) afin de protéger encore mieux votre logiciel :

  • Signer des contrats de confidentialité: intégrez de clauses de confidentialité dans les contrats avec vos employés, partenaires ou fournisseurs afin d’éviter la divulgation non autorisée d’informations qui seraient relatives à votre logiciel.
  • Construire une image de marque: n’hésitez pas à déposer le nom de votre logiciel à titre de marque, protéger les logos ou autres signes distinctifs qui s’y rapportent pour construire une solide image de marque. Cela rendra éventuellement plus difficile pour un concurrent de créer une confusion entre son produit et le vôtre.

Une fois que vous avez mis en place ce qui est nécessaire pour vous assurer une protection efficace de votre logiciel, menez une veille concurrentielle active : il faut en effet surveiller les activités de ses concurrents pour, s’il y a copie ou autres pratiques déloyales en lien avec votre logiciel, vous assurer de réagir vite.

Vous souhaitez en savoir plus et être assisté dans votre démarche de protection de votre logiciel, un avocat droit du numérique du Cabinet SOLVOXIA Avocats se tient à votre disposition.