Comment protéger un logiciel ?

L’informatique occupe aujourd’hui une place prépondérante dans notre quotidien, de sorte que la protection des logiciels est un enjeu crucial. Que l’on soit développeur en freelance ou une société de plus grande envergure, la propriété intellectuelle est un sujet à ne pas négliger. Le logiciel peut en effet être source de valeur très importante qu’il est essentiel de sécuriser dans un environnement technologique toujours plus complexe.

 

Qu’est-ce qu’un logiciel ?

 

Un logiciel est en ensemble de programmes informatiques, scripts et données qui permettent de donner des instructions à une machine pour qu’elle exécute des tâches précises et déterminées (ex : logiciel de gestion de la comptabilité utilisé par une entreprise, application mobile pour commander de la nourriture, système de relevé de la glycémie de patients intégré dans un boîtier).

Les logiciels sont en principe rédigés dans un premier temps par des développeurs informatiques, dans un langage de programmation (ex : Python, Java), compréhensible par l’homme. C’est ce que l’on appelle le code source, qui est constitué d’une suite d’algorithmes destinés à donner des instructions  à la machine (ex : ordinateur).

Il n’est pas rare que le développeur annote son code afin de permettre à d’autres de comprendre sa logique de programmation.

Ensuite, le code source est converti en ce que l’on appelle le code exécutable, qui lui est compris par la machine et peut être exécuté par elle. Ce processus de transformation du code source en code exécutable est généralement connu sous le nom de « compilation ».

Aux codes s’ajoutent également d’autres éléments :

  • Le matériel de conception préparatoire qui est visé dans le code de la propriété intellectuelle. Concrètement légalement aucune définition formelle du matériel de conception préparatoire n’existe mais opérationnellement ce matériel englobe divers éléments tels que notamment les analyses fonctionnelles, les maquettes, les spécifications ainsi que l’architecture fonctionnelle.
  • L’interface graphique du logiciel ;
  • Les algorithmes sous-jacents utilisés. Un algorithme détaille une série d’opérations à exécuter afin de résoudre un problème précis ou d’accomplir une tâche déterminée. Les algorithmes trouvent leur application dans divers domaines tels que les mathématiques et plus particulièrement en informatique.
  • Les fonctionnalités proprement dites du logiciel concerné.

 

Pourquoi protéger un logiciel ?

 

La protection de votre logiciel est essentielle pour plusieurs raisons, à savoir notamment pour vous assurer :

  • De sa valorisation commerciale: pour beaucoup d’entreprises, le logiciel peut constituer un actif commercial majeur (ex : société d’édition de logiciel). Il faut donc s’assurer de sa protection afin par exemple de disposer d’un monopole d’exploitation qui permettra d’assurer un retour sur les investissements engagés pour sa conception et son développement et de préserver le cas échéant un avantage concurrentiel. Cela vous permettra en outre, si c’est le cœur de votre business, de tirer des revenus pérennes de son exploitation.
  • D’éviter des agissements illicites : protéger son logiciel permet de décourager une grande partie des contrefacteurs ou concurrents indélicats et donc de préserver la légitimité des licences d’utilisation que vous octroyez à des tiers.
  • De garantir sa stabilité et fiabilité: la protection contribue à maintenir la stabilité et la fiabilité du logiciel en évitant les altérations non autorisées pouvant en compromettre le bon fonctionnement.

En résumé, si protéger son logiciel n’est pas une fin en soi, cela permet de préserver la valeur, l’intégrité et la légitimité du logiciel dans un environnement numérique en constante évolution.

 

Comment obtenir une protection sur un logiciel ?

 

La protection d’un logiciel peut être assurée par plusieurs moyens. Voici quelques-unes des principales mesures et instruments juridiques que vous pouvez envisager pour protéger votre logiciel .

 

1/ Protection d’un logiciel par le droit d’auteur

 

Le droit français (notamment) admet que le logiciel puisse être, en tant qu’œuvre de l’esprit, protégeable par le droit d’auteur, sous réserve d’être original.

En réalité, ce sont les différents éléments suivants de votre logiciel qui sont protégeables, sous réserve d’être originaux : le code source et le matériel de conception préparatoire (l’interface graphique ou encore les éléments qui le composent type son, texte, image, vidéo, etc., peuvent aussi indépendamment bénéficier d’une protection).

Contrairement à d’autres droits de propriété intellectuelle, le bénéfice du droit d’auteur est automatique dès lors que le logiciel original est créé et fixé sur un support tangible.

Il n’est donc pas nécessaire de procéder à un dépôt devant l’office de la propriété intellectuelle (INPI en France), contrairement à une marque ou un brevet.

La protection est donc acquise dès la création du logiciel, en France pour 70 ans après le décès du développeur (des règles différentes peuvent s’appliquer selon la titularité), étant précisé que le droit d’auteur ne protègera pas les procédures, idées ou fonctionnalités du logiciel (uniquement l’effort personnalisé décelable dans le code source, outre le matériel préparatoire). Ainsi un algorithme ne sera pas protégé par le droit d’auteur car considéré comme un idée « de libre parcours ».

De  la même manière, la protection des fonctionnalités par le droit d’auteur a été refusée par les juges qui ont estimé que « l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250 doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive » (Cour de justice de l’Union européenne, grande chambre, 2 mai 2012, C-406/10).

Le propriétaire du logiciel disposera, pendant cette durée, du droit exclusif de l’utiliser, le reproduire, le distribuer, le modifier, d’en concéder des licences pour permettre son usage à d’autres personnes sous conditions, etc.

En cas de violation du droit d’auteur, le titulaire des droits sur le logiciel pourra initier une action en contrefaçon.

Un sujet important en matière de droits d’auteur, principalement lorsqu’une action est initiée, c’est d’être en capacité de prouver que l’on est bien à l’origine du logiciel depuis une date donnée et de démontrer comment il était matérialisé à cette date.

Pour ce faire, plusieurs possibilités, à savoir entre autres :

  • Vous pouvez envisager un dépôt de votre logiciel auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP). Elle propose plusieurs types de dépôts qui permettent entre autres d’horodater et de conserver sous scellés les éléments composant votre logiciel. Il est ainsi par exemple possible de déposer les sources de la première version d’un logiciel puis de réitérer en cas d’évolution majeure.
  • Vous pouvez déposer votre logiciel (travail de conception préparatoire, copies d’écran de l’interface, code source, etc.) auprès de l’INPI via un dépôt e-Soleau.

Ces dépôts permettent de se préconstituer des preuves, notamment pour bénéficier d’une présomption de titularité sur votre programme ou encore de justifier de votre antériorité en cas de litige.

 

2/ Les possibilités de protection d’un logiciel par le droit des brevets

 

Bien que la brevetabilité d’un logiciel soit admise dans certains pays, en France et dans l’Union européenne, les programmes d’ordinateur en tant que produits finis ne sont, pour l’instant, pas en eux-mêmes brevetables.

Par exception, le logiciel peut indirectement être protégé par un brevet s’il est inclus dans un procédé/produit qui remplit les trois conditions de brevetabilité, à savoir nouveauté, activité inventive et application industrielle.

Dans ce cas, c’est l’invention dans son ensemble qui sera brevetée, et non uniquement le logiciel. Ce sera par exemple le cas d’un logiciel intégré à un procédé de traitement d’images d’une IRM.

Contrairement au droit d’auteur, pour disposer d’un brevet, il faut déposer la demande correspondante auprès de l’office compétent (INPI en France, OEB en Europe, etc.), qui examinera si les critères de brevetabilité de l’invention sont satisfaits.

Une fois la protection accordée, elle l’est pour 20 ans maximum (tous les ans, des annuités sont à payer) et permet au titulaire du brevet de disposer d’un monopole d’exploitation de l’invention. Cela signifie que d’autres personnes ne peuvent légalement utiliser, fabriquer, vendre ou distribuer l’invention sans son autorisation, à savoir sans bénéficier d’une licence prévoyant généralement le paiement de royalties.

Une fois la protection obtenue, comme en matière de droits d’auteur, il est possible d’initier des actions en contrefaçon s’il on se rend compte qu’une personne exploite l’invention protégée, sans droit.

 

3/ La protection de son logiciel par l’action en concurrence déloyale

 

La protection d’un logiciel peut aussi passer par une action à l’encontre de pratiques commerciales déloyales de la part, notamment, de concurrents.

Il faudra dans ce cas démontrer que les logiciels présentent de très fortes similitudes (entres autres par exemple des éléments graphiques ou du parcours utilisateur – fonctionnalités).

S’il est par ailleurs prouvé que la société attaquée a, par sa copie ou l’appropriation du savoir-faire d’un autre acteur, économisé du temps et de l’argent, des actes de parasitismes pourront également être poursuivis. C’est le fait, sans engager de frais, de profiter des investissements d’un autre.

Ainsi par exemple, le Tribunal Judiciaire de Paris a pu retenir l’existence d’un parasitisme lorsqu’une société s’est appropriée, par l’intermédiaire d’un ancien salarié de la société titulaire du progiciel copié, des « informations privilégiées pour la mise en place du progiciel Usi-Don afin d’obtenir de manière rapide et à peu de frais un progiciel susceptible de répondre aux besoins de ce client », estimant que ces agissements lui ont permis de gagner du temps dans la réalisation du progiciel et de tirer profit indument du travail de la société titulaire du logiciel copié, et qu’en conséquence il lui appartenait d’indemniser ce préjudice (Tribunal Judicaire de Paris, 3 décembre 2015, n°14/13805)

Pour éviter ce type de comportements, plusieurs mesures peuvent potentiellement être mises en place (si applicable) afin de protéger encore mieux votre logiciel :

  • Signer des contrats de confidentialité: intégrez de clauses de confidentialité dans les contrats avec vos employés, partenaires ou fournisseurs afin d’éviter la divulgation non autorisée d’informations qui seraient relatives à votre logiciel.
  • Construire une image de marque: n’hésitez pas à déposer le nom de votre logiciel à titre de marque, protéger les logos ou autres signes distinctifs qui s’y rapportent pour construire une solide image de marque. Cela rendra éventuellement plus difficile pour un concurrent de créer une confusion entre son produit et le vôtre.

Une fois que vous avez mis en place ce qui est nécessaire pour vous assurer une protection efficace de votre logiciel, menez une veille concurrentielle active : il faut en effet surveiller les activités de ses concurrents pour, s’il y a copie ou autres pratiques déloyales en lien avec votre logiciel, vous assurer de réagir vite.

Vous souhaitez en savoir plus et être assisté dans votre démarche de protection de votre logiciel, un avocat droit du numérique du Cabinet SOLVOXIA Avocats se tient à votre disposition.

 

 

Litige en propriété intellectuelle : pour les brevets , c’est Paris !

Avocat droit des brevetsDans le cadre d’un litige portant sur l’exécution et la résiliation d’un contrat de cession de droits sur des applications logicielles ayant donné lieu à un dépôt de brevet, la Cour d’appel d’Angers a été amenée dans un arrêt du 13 juin 2023 (n° 22/01327) à se positionner sur la question du juge compétent pour trancher.

 

Contexte : une action en revendication de droits sur des logiciels avait été engagée devant le Tribunal de commerce

 

Un accord de transfert de droits concernant des applications logicielles avait été conclu entre deux entreprises. Le cessionnaire avait déposé un brevet français pour l’une des applications.

Par la suite, le cédant avait résilié le contrat en alléguant divers manquements de la part du cessionnaire. En réaction, en vertu de la clause attributive de compétence, ce dernier avait intenté une action devant le tribunal de commerce du Mans pour obtenir le remboursement des redevances versées.

La société cédante revendiquait, quant à elle, après la résiliation du contrat de cession, la pleine propriété des applications visées par le contrat, y compris celle du brevet déposé.

Les premiers juges s’étaient déclarés incompétents en faveur du tribunal judiciaire de Paris aux motifs de la compétence exclusive de ce dernier en droit des brevets.

La Cour a alors été saisie afin de se positionner sur la question de savoir si l’ensemble du litige relevait ou non de la compétence de ce tribunal, conformément aux articles L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D 211-6 du code de l’organisation judiciaire.

 

Solution : une action en revendication de droits impliquant un brevet français relève du Tribunal Judiciaire de Paris

 

La demande en remboursement des redevances n’impliquait pas une question de droits de brevets

 

Concernant la première requête de remboursement, la Cour a conclu qu’elle relevait d’une question purement contractuelle, ne nécessitant pas l’application de concepts spécifiques en matière de propriété intellectuelle, et plus particulièrement en droit des brevets.

 

La question de la revendication de propriété impliquait, en revanche une question, de droit des brevets impliquant un renvoi de l’entier litige devant le Tribunal Judiciaire de Paris.

 

En ce qui concerne la demande reconventionnelle, les juges ont estimé, à l’inverse, qu’elle était liée à la revendication d’un droit de propriété intellectuelle et notamment sur un brevet.

Par conséquent, la Cour a jugé que cela nécessitait l’application du code de la propriété intellectuelle, et plus spécifiquement du droit des brevets.

Partant de là, l’intégralité du litige a été renvoyé devant le Tribunal Judiciaire de Paris .

Ce litige met l’accent sur l’importance en matière de contrats liés à la propriété intellectuelle susceptible d’impliquer des brevets de désigner comme juge compétent le Tribunal Judiciaire de Paris pour tenter de s’éviter ce type de débats.

Vous avez besoin d’en savoir plus.

N’hésitez pas à contacter un avocat en droit des brevets du Cabinet SOLVOXIA Avocats.

 

 

 

IG Pierre de Bourgogne : n’est pas bourguignon qui veut !

IGPDans un jugement du 12 octobre 2023, le Tribunal judiciaire de Paris, s’est prononcé sur le fait de savoir si l’utilisation commerciale des termes « pierre de bourgogne » pour désigner des produits non couverts par l’indication géographique (IG) était constitutive de contrefaçon.

 

Contexte : l’usage d’une IG sans respecter le cahier des charges associé

 

Dans cette affaire, l’association Pierre de Bourgogne est titulaire de l’indication géographique « pierre de bourgogne », qui couvre la lave, la pierre mureuse, les blocs et les tranches de pierre de Bourgogne ainsi que les produits fabriqués par extraction de cette pierre. Le cahier des charges de cette IG, homologué par l’INPI, n’autorise l’extraction, la transformation, le façonnage et la finition de cette pierre que sur une zone géographique donnée ; par des opérateurs certifiés ; et selon des procédés encadrés.

 

L’association est également titulaire de trois marques collectives françaises et de noms de domaine associés.

 

Reprochant à la société France Matériaux Groupe (FMG), ayant pour activité l’import/export de matériaux de construction, l’usage de la dénomination « pierre de bourgogne » pour commercialiser ces produits sans remplir les conditions posées par le cahier des charges correspondant, l’association Pierre de Bourgogne l’a assignée en contrefaçon devant le Tribunal judiciaire de Paris le 18 mars 2022 aux fins de la voir condamnée pour atteinte à l’IG « pierre de bourgogne », atteinte à ses marques ; actes de tromperie sur l’origine des produits et pratiques commerciales trompeuses.

 

Solution : l’usage commercial d’une IG sans remplir les conditions posées par le cahier des charges correspondant constitue de la contrefaçon

 

Atteinte à l’indication géographique en cas d’usage non conforme

 

La demanderesse soutenait devant les juges que la société FMG utilisait commercialement la dénomination « pierre de bourgogne » pour désigner des produits non conformes aux conditions posées dans le cahier des charges de l’IG correspondante, à savoir cette société n’était pas membre opérateur de l’association, son siège se situait hors de la zone géographique de l’IG et ses fournisseurs n’étaient pas habilités à se prévaloir de l’IG conformément au cahier des charges.

 

En défense, la société FMG rétorquait que l’usage qu’elle faisait de ce terme était purement usuel et de bonne foi puisqu’elle ignorait, selon elle, l’existence de cette IG.

 

Le Tribunal judiciaire fait droit aux demandes de la requérante. Il rappelle qu’en application combinée des articles L. 721-5 et L. 721-8 du Code de la propriété intellectuelle, est sanctionnée toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée, à l’égard de produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ceux-ci sont comparables à ceux faisant l’objet de l’enregistrement, ainsi que toute utilisation permettant de profiter de la réputation de la dénomination protégée.

 

En l’espèce, les juges retiennent que la société FMG fait un usage abondant des termes « pierre de bourgogne » sur son site internet dans des titres, des références de produits et en commentaires de présentation de ses différents travaux et qu’elle ne justifie pas s’approvisionner auprès d’un opérateur membre de l’association de défense de l’IG.

 

Le Tribunal en déduit donc que l’usage commercial direct de la dénomination « pierre de bourgogne » pour désigner des produits ne remplissant pas les conditions du cahier des charges homologué, et ce, afin de tirer profit de la réputation de cette dénomination protégée, est constitutif de contrefaçon.

 

En outre, il rappelle qu’en matière de contrefaçon, la bonne foi est inopérante et qu’en l’espèce, s’agissant d’un professionnel du secteur, la société défenderesse ne pouvait arguer de sa méconnaissance de l’IG.

 

L’atteinte aux marques et noms de domaine est, en revanche, écartée en l’absence d’un fait distinct

 

L’association Pierre de Bourgogne formulait également des demandes au titre de l’atteinte à ses marques et noms de domaine. Ces demandes sont cependant rejetées au motif qu’elles n’étaient pas basées sur des faits distincts de l’atteinte à l’indication géographique.

 

Vous souhaitez obtenir de plus amples informations en la matière notamment en ce qui concerne la protection par une indication géographique, un avocat AOP-IGP du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition si nécessaire.

 

 

 

 

Modèle communautaire : contrefaçon et/ou concurrence déloyale ?

Avocat droit dessins et modèlesDans une décision du 13 octobre 2023, la Cour d’appel de Paris s’est penchée sur une affaire de contrefaçon de dessins et modèles et concurrence déloyale.

 

Contexte : action en contrefaçon de dessins et modèles commentaires et en concurrence déloyale

 

Une société française, qui avait décidé de créer une collection de divers accessoires pour ordinateur, a confié la conception du design de ces produits à une société anglaise et la fabrication de ces produits à une société basée à Hong Kong, spécialement créée à cette fin.

Elle avait, de son côté, déposé en 2009 plusieurs marques sur le nom de sa collection ainsi que deux modèles communautaires auprès de l’EUIPO (office européen), portant sur la forme d’un câble USB et d’un chargeur.

Alors qu’elles étaient encore en relations commerciales, la société française a constaté en 2014 que la société hongkongaise avait déposé à son insu des modèles communautaires portant sur les mêmes produits fin 2010, et qu’elle commercialisait ses produits à des concurrents directs.

Les relations commerciales se sont en conséquence interrompues en 2015.

Après avoir mené une saisie-contrefaçon, elle a agi en contrefaçon de ses modèles communautaires contre la société hongkongaise. Ses demandes ont été rejetées une première fois, puis également en appel, jusqu’à ce que la Cour de cassation casse pour partie la décision de la cour d’appel.

L’affaire a donc été renvoyée une seconde fois devant la Cour d’appel de Paris, pour le seul point de la contrefaçon de modèles ainsi que de la concurrence déloyale.

 

Solution : contrefaçon des dessins et modèles communautaires mais pas de concurrence déloyale

 

1/ La contrefaçon de modèles reconnue

La validité des modèles communautaires n’ayant pas fait l’objet du premier appel, celle-ci ne pouvait plus être remise en cause ici.

La cour d’appel considère que les modèles communautaires de la société française ayant été réalisés avant la création de la société hongkongaise et avant les dépôts de modèles de par cette dernière, elle ne pouvait pas de prévaloir de ces éléments pour justifier de sa fabrication des produits.

Par ailleurs, le fait que la société française lui ait confié la fabrication des produits jusqu’en 2015 pour son compte ne l’autorisait pas à fabriquer ces mêmes produits pour les commercialiser auprès de tiers sans l’autorisation du titulaire de droits.

Par conséquent, les actes de contrefaçon des modèles communautaires ont été considérés comme caractérisés et la société a été condamnée à payer une somme de 60.000 euros à ce titre (incluant la dépréciation des modèles contrefaits).

 

2/ En revanche, pas de concurrence déloyale ni de parasitisme

En parallèle des demandes en contrefaçon, la société française indiquait notamment que les modèles litigieux étaient des produits phare pour elle et qu’en les fabriquant, la société hongkongaise créait un effet de gamme qui serait condamnable au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Pour la cour d’appel, la demanderesse ne pouvait toutefois pas interdire la fourniture de modèles au cours de la période où les deux sociétés étaient en relations commerciales, ni de l’usage de packaging et de photographies promotionnelles utilisées dans le cadre de ces relations.

Elle a considéré que la société française ne démontrait pas quels faits auraient spécifiquement été commis par la société hongkongaise sans qu’elle y consente, et échouait donc à caractériser un effet de gamme.

Cette société devait en outre démontrer des faits distincts de la contrefaçon retenue.

Ses demandes à ce titre ont donc été écartées.

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, un avocat droit dessins et modèles du Cabinet SOLVOXIA Avocats se tient à votre disposition.

Liberté d’expression artistique et dignité de la personne humaine : mais où est la limite ?

Dans un arrêt de principe, en date du 17 novembre 2023 (n°21-20.723), l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation a rejeté une demande en restriction de la liberté d’expression, et la liberté d’expression artistique, fondée sur un non-respect à la dignité de la personne humaine.

 

Contexte : les écrits d’un artiste considérés comme contraires à la dignité de la personne humaine

 

Le Fonds régional d’art contemporain de Lorrain (le FRAC) avait invité un artiste à exposer la part d’ombre de la cellule familiale.

Il avait ainsi présenté une suite de lettres manuscrites contenant des propos tels que « les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman », « Les enfants, nous allons faire de vous nos putes » ou « Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau. » 

L’Association générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (l’AGRIF) s’était saisie de l’affaire pour contester la publicité de l’exposition.

L’association invoquait à l’appui de sa demande l’article 16 du Code civil relatif au respect de la dignité de la personne humaine.

Les juges de première instance avaient fait droit à la demande de l’association, ce qui avait été infirmé par la Cour d’appel.

L’affaire a alors été portée devant la Cour de cassation.

 

Solution : le respect à la dignité de la personne humaine ne peut être un motif de restriction de la liberté d’expression et la liberté d’expression artistique

 

La question dont l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation était saisie était la suivante : peut-on considérer que la sauvegarde de la dignité humaine, énoncée à l’article 16 du code civil, peut justifier, une limitation à la liberté d’expression, notamment à la liberté de création artistique ?

Les hauts magistrats ont rappelé tout d’abord que pour qu’une limitation à la liberté d’expression soit envisageable, deux conditions doivent être remplies : elle doit être prévue par la loi, et cette restriction doit être justifiée par l’un des objectifs énumérés à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour rappelle ensuite sa position passée selon laquelle la dignité de la personne humaine ne peut être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d’expression (Ass. plén., 25 octobre 2019, pourvoi n° 17-86.605, publié). Elle précise en outre que l’article 16 du code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et invoqué par la requérante, ne constitue pas à lui seul une loi, au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention, permettant de restreindre la liberté d’expression.

L’association poursuivant l’exposition des œuvres en cause sur le seul fondement de l’atteinte à la dignité au sens de l’article 16 du code civil, la Cour de cassation considère que la cour d’appel a exactement retenu que le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d’expression