Liberté d’expression artistique et dignité de la personne humaine : mais où est la limite ?

Dans un arrêt de principe, en date du 17 novembre 2023 (n°21-20.723), l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation a rejeté une demande en restriction de la liberté d’expression, et la liberté d’expression artistique, fondée sur un non-respect à la dignité de la personne humaine.

 

Contexte : les écrits d’un artiste considérés comme contraires à la dignité de la personne humaine

 

Le Fonds régional d’art contemporain de Lorrain (le FRAC) avait invité un artiste à exposer la part d’ombre de la cellule familiale.

Il avait ainsi présenté une suite de lettres manuscrites contenant des propos tels que « les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman », « Les enfants, nous allons faire de vous nos putes » ou « Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau. » 

L’Association générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (l’AGRIF) s’était saisie de l’affaire pour contester la publicité de l’exposition.

L’association invoquait à l’appui de sa demande l’article 16 du Code civil relatif au respect de la dignité de la personne humaine.

Les juges de première instance avaient fait droit à la demande de l’association, ce qui avait été infirmé par la Cour d’appel.

L’affaire a alors été portée devant la Cour de cassation.

 

Solution : le respect à la dignité de la personne humaine ne peut être un motif de restriction de la liberté d’expression et la liberté d’expression artistique

 

La question dont l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation était saisie était la suivante : peut-on considérer que la sauvegarde de la dignité humaine, énoncée à l’article 16 du code civil, peut justifier, une limitation à la liberté d’expression, notamment à la liberté de création artistique ?

Les hauts magistrats ont rappelé tout d’abord que pour qu’une limitation à la liberté d’expression soit envisageable, deux conditions doivent être remplies : elle doit être prévue par la loi, et cette restriction doit être justifiée par l’un des objectifs énumérés à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour rappelle ensuite sa position passée selon laquelle la dignité de la personne humaine ne peut être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d’expression (Ass. plén., 25 octobre 2019, pourvoi n° 17-86.605, publié). Elle précise en outre que l’article 16 du code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et invoqué par la requérante, ne constitue pas à lui seul une loi, au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention, permettant de restreindre la liberté d’expression.

L’association poursuivant l’exposition des œuvres en cause sur le seul fondement de l’atteinte à la dignité au sens de l’article 16 du code civil, la Cour de cassation considère que la cour d’appel a exactement retenu que le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d’expression

 

 

 

Comment protéger une idée ?

En propriété intellectuelle, le principe est que les idées sont de libre parcours, ce qui signifie qu’on ne peut pas, dans le principe, disposer de droits privatifs sur une idée.

Ceci étant, en fonction de son niveau de concrétisation et de son objet, des droits de propriété intellectuelle peuvent éventuellement être envisagés.

Nous allons ainsi aborder les différentes manières de protéger une idée, sous réserve bien entendu qu’elle soit suffisamment matérialisée.

 

Avocat droit d'auteur NantesLa protection d’une idée par des droits d’auteur

 

La protection d’une idée par des droits d’auteur peut être compliquée, car les droits d’auteur ne protègent généralement pas les idées en tant que telles, plutôt leur expression sous une forme tangible (ex : vous avez une idée de maison tout à fait nouvelle, il faut a minima des plans).

Voici quelques esquisses de ce qui peut être mis en place pour, in fine, tenter d’invoquer des droits d’auteur sur votre idée :

 

Faites de votre idée à protéger une œuvre concrète

 

Comme les droits d’auteur ne protègent que les créations sous une forme tangible, qui sont par ailleurs originales (textes, musiques, créations artistiques, créations graphiques, logiciels, photographies, etc.), faites le pas et concrétisez votre idée, en documentant votre processus de création si besoin.

 

Conserver les preuves de votre processus créatif

 

Comme en droit d’auteur il n’y a pas de dépôt à faire auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour bénéficier de la protection qui est générée dès la création, il faut idéalement conserver toutes les versions de votre travail, croquis, documents de conception, emails échangés sur le sujet, etc. En cas de litige avec un tiers, tout cela pourra vous servir à démontrer qu’à telle date, vous aviez déjà matérialisé votre idée.

 

Envisagez de faire des dépôts probatoires de ces preuves

 

S’il n’y a pas de dépôt à faire pour être protégé, vous pouvez tout de même déposer les preuves de votre processus de création auprès de l’INPI (dépôt e-Soleau), d’un huissier ou en vous adressant un courrier recommandé. Vous pourrez ainsi disposer d’une date certaine sur la matérialisation de votre idée et ses étapes de développement.

 

Utilisez la mention ©

 

Même si bien entendu le symbole © ne permet pas de protéger l’idée elle-même et n’est pas générateur de droit en France, le fait de l’intégrer à tout document qui y est relatif permet de renforcer votre position à l’égard des tiers.

 

Si besoin, faites signer des accords de confidentialité

 

La signature de tels accords faisant référence à vos dépôts probatoires lorsque vous discutez avec des partenaires de votre idée (ex : société susceptible de faire un prototype ou de dessiner vos plans) peut s’avérer en effet pertinent. Cela permettra, en attendant d’avoir plus de certitude sur votre protection, d’éviter autant que possible que ces partenaires ne s’approprient votre idée ou n’en parlent à d’autres avant qu’elle ne soit divulguée au public.

 

Surveillez et faites respecter vos droits

 

Restez vigilant à d’éventuelles utilisations non autorisées de votre idée telle que concrétisée pour pouvoir réagir. Pour cela, il faut mettre en place un système de surveillance et prendre des mesures pour faire respecter vos droits, par exemple en engageant des actions judiciaires si nécessaire.

En résumé, si les idées sont de libre parcours, en vous lançant dans la concrétisation de la vôtre vous pourriez potentiellement bénéficier de droits d’auteur, qui la protègeront votre vie durant et pendant 70 ans ensuite.

 

Avocat droit dessins et modèles Protéger une idée par un dessin et modèle

 

Pour protéger votre idée, par exemple de produit, avec le droit des dessins et modèles, il faut déposer sa concrétisation visuelle ou esthétique auprès de l’INPI. Un dessin et modèle protègera en effet son apparence.

Quelques étapes à ne pas négliger :

 

Couchez votre idée à protéger sur le papier

 

Les dessins et modèles protègent l’apparence extérieure d’un produit. Il est donc important de travailler à sa conception visuelle et graphique.

 

Documentez votre travail de conception relatif à l’idée que vous cherchez à protéger

 

De la même manière que pour des droits d’auteur, il ne faut pas hésiter à conserver et éventuellement à déposer auprès de l’INPI (e-Soleau) vos croquis, illustrations, explications, etc. qui permettent de comprendre clairement quelle est votre idée de produit et quelle sera son apparence. Tout cela pourra éventuellement servir de preuve en cas de litige (notamment si quelqu’un considère que votre dessin et modèle n’est pas nouveau).

 

Assurez la confidentialité de l’idée que vous souhaitez protéger

 

Concrètement, tant que vous n’avez pas rendu public votre projet, il faut faire des accords de confidentialité avec toute personne à qui vous évoquez votre création, idem avec vos salariés éventuels. Si votre idée de produit est divulguée, cela risque en effet de compromettre tout dépôt par la suite, un dessin et modèle devant notamment être nouveau pour être protégé, c’est-à-dire ne jamais avoir été communiqué avant le dépôt (une indulgence existe pour les communications dans l’année précédant le dépôt à l’origine du créateur ou de son ayant cause, à savoir celui que se serait fait céder les droits).

 

Effectuez des recherches préalables

 

Avant de déposer une demande d’enregistrement, il est recommandé de réaliser des recherches préalables (éventuellement avec un professionnel), pour vous assurer qu’aucun produit similaire n’a déjà été enregistré. Sinon, vous risquez d’une part de déposer un produit qui n’est notamment pas nouveau avec risque d’annulation de votre dessin et modèle et, d’autre part, d’être reconnu coupable de contrefaçon si vous l’exploitez.

 

Déposez votre demande d’enregistrement

 

Il faut ici choisir l’office de la propriété industrielle compétente. L’INPI pour la France ou encore l’EUIPO pour l’Europe. Votre dessin et modèle ne sera en effet protégé que dans les pays où il aura été déposé. Cette demande devra inclure des illustrations ou des représentations graphiques de votre produit.

 

Si vous voulez protéger votre idée à l’international

 

N’oubliez pas que vous avez un délai de 6 mois à compter de votre dépôt en France pour éventuellement déposer à l’étranger sous priorité. La stratégie de protection doit donc être réfléchie en amont car, passé ce délai, des dépôts dans d’autres pays ne seront plus possibles.

 

Renouvelez votre protection sur votre dessin ou modèles

 

Une fois que vous avez déposé, il ne faut pas oublier de renouveler la protection tous les 5 ans, dans la limite de 25 ans. A défaut, vous perdrez votre dessin et modèle.

 

Surveillez et faites respecter

 

Restez vigilant à d’éventuelles utilisations non autorisées de votre dessin et modèle pour pouvoir réagir. Pour cela, il faut mettre en place un système de surveillance et prendre des mesures pour faire respecter vos droits, par exemple en engageant des actions judiciaires si nécessaire.

Si, en général, le droit d’auteur et les dessins et modèles offrent une protection distincte sur différents aspects d’une création, ils peuvent cependant potentiellement tous les deux être invoqués au bénéfice d’une création, si elle remplit les conditions de chacun (droit d’auteur : création de forme et originalité ; dessins et modèles : nouveauté et caractère propre).

 

Avocat droit des marques Nantes Protéger une idée par la marque

 

La protection d’une idée par le biais du droit des marque peut être compliquée dans la mesure où le droit des marques protège les signes distinctifs tels que les noms de marques, les logos et les slogans plutôt que les idées en elles-mêmes.

Ceci étant, des choses peuvent parfois être mises en place :

 

Transformez une idée en marque distinctive

 

Posez vous la question de la création d’un nom, d’un logo ou d’un slogan distinctif qui sera le signe de ralliement de votre, qui soit mémorable, non-descriptif et non générique.

 

Faites une recherche de disponibilité

 

Avant de déposer votre marque et de commencer à l’utiliser, effectuez une recherche approfondie pour vous assurer qu’elle n’est pas déjà utilisée/déposée par une autre personne dans le même secteur d’activité. Pour cela, vous pouvez consulter les bases marques en ligne (INPI, EUIPO, WIPO) et/ou faire appel à un professionnel qui vous accompagnera sur le sujet.

 

Dépôt de la marque

 

Une fois la recherche réalisée, il faut déposer la marquer auprès de l’office des marques compétent sur le territoire qui vous intéresse. L’INPI pour la France et l’EUIPO pour l’Europe par exemple. Si vous ne déposez pas dans un pays, vous ne disposerez d’aucune protection sur ce dernier.

 

Si vous voulez être protégé à l’international

N’oubliez pas que vous avez un délai de 6 mois à compter de votre dépôt en France pour éventuellement déposer à l’étranger. La stratégie de protection doit donc être réfléchie en amont car, passé ce délai, des dépôts dans d’autres pays ne seront plus possibles avec bénéfice de la date de dépôt français. Vous pourrez cependant déposer dans d’autres pays par la suite mais il faudra alors revérifier les antériorités sur ces territoires.

 

Renouvelez votre protection pour faire perdurer les droits sur la marque se rapportant à votre idée

 

Une fois que vous avez déposé, il ne faut pas oublier de renouveler la protection tous les 10 ans, d’autant que l’INPI ne vous le rappellera pas. A défaut, vous perdrez votre marque et l’antériorité dont vous disposiez. Il faudra alors refaire une recherche préalable et redéposer.

 

Surveillez et faites respecter les droits protégés

 

Restez vigilant à d’éventuelles utilisations non autorisées de votre marque pour pouvoir réagir. Pour cela, il faut mettre en place un système de surveillance et prendre des mesures pour faire respecter vos droits, par exemple en engageant des actions judiciaires si nécessaire.

Si le droit des marques n’est pas nécessairement le vecteur évident pour la protection d’une idée, il peut cependant permettre de protéger ses accessoires essentiels.

 

Avocat droit des brevets Protéger une idée par un brevet

 

La protection d’une idée par le droit des brevets n’est pas chose aisée dans la mesure où il faut qu’elle se matérialise par exemple par le développement d’un procédé (ex : idée de procédé industriel de stérilisation jusqu’à présent inconnu) ou d’une invention brevetable (ex : idée d’ouverture de bouteilles de vin grâce à un nouveau système de tire-bouchon solaire).

Quelques étapes à suivre si vous êtes potentiellement dans ce cas :

 

L’idée à protéger telle que concrétisée peut potentiellement être brevetée

 

Toutes les types d’idées ne peuvent pas être brevetés. Le brevet protège des inventions portant sur des produits ou procédés nouveaux, qui ne découlent pas de manière évidente de l’état de la technique dans le domaine en question et qui sont susceptibles d’application industrielle.

 

Faites une recherche sur ce qui existait avant

 

Avant de déposer une demande de brevet, il faut faire une recherche approfondie pour s’assurer qu’il n’existe pas déjà, dans les brevets déposés et inventions existantes, peu importe la localisation dans le monde, une invention similaire. Pour cela, il est généralement conseillé de faire appel à un professionnel. En premier niveau, il est cependant possible de rechercher dans les bases de données de l’INPI et, plus généralement, sur internet.

 

Assurez la confidentialité de votre idée à protéger

 

Ici encore, il faut faire signer des accords de confidentialité avec toute personne à qui vous évoquez votre création, idem avec vos salariés éventuels. Si votre idée est divulguée, cela risque en effet de compromettre tout dépôt par la suite, une invention à breveter devant être nouvelle, c’est-à-dire ne jamais avoir été divulguée avant le dépôt, où que ce soit.

 

Bien rédiger votre demande de brevet

 

Il faut décrire de manière détaillée et claire votre invention. Il est encore vivement recommandé de faire appel à un professionnel pour cela (conseil en propriété industrielle), qui pourra aussi vous guider tout au long du processus de dépôt.

 

Déposez votre demande pour protéger votre idée concrétisée

 

Une fois que la demande est finalisée, elle peut être déposée auprès de l’office des brevets compétent en fonction du pays sur lequel on souhaite disposer d’une protection : USPTO aux Etats-Unis, OEB en Europe, INPI en France, etc. Il est également possible de passer par le biais d’une demande internationale PCT. Comme pour la marque et les dessins et modèles, il n’y aura de protection que pour les territoires sur lesquels vous aurez déposé.

 

Si vous voulez être protégé à l’international

 

N’oubliez pas que vous avez un délai de 12 mois à compter de votre dépôt prioritaire (en France dans votre cas) pour éventuellement déposer à l’étranger sous priorité. La stratégie de protection doit donc être réfléchie en amont car, passé ce délai, des dépôts dans d’autres pays ne seront plus possibles.

 

Maintenez la protection sur le brevet portant sur l’idée protégée

 

Une fois délivré, le brevet a une durée de vie qui n’est pas illimitée (jusqu’à 20 ans maximum). Ceci étant, vous devrez payer des frais réguliers pour maintenir votre brevet en vigueur (annuités, payées chaque année). A défaut, vous perdrez votre brevet.

 

Surveillez et faites respecter

 

Restez vigilant à d’éventuelles inventions exploitées par d’autres opérateurs économiques sur votre marché pour pouvoir réagir si besoin. Pour cela, il faut mettre en place un système de surveillance et prendre des mesures pour faire respecter vos droits, par exemple en engageant des actions judiciaires si nécessaire.

 

Avocat concurrence déloyale Nantes Paris Protéger une idée par le secret

 

Lorsqu’il n’est pas possible d’invoquer un droit de propriété intellectuelle ou lorsque vous ne souhaitez pas déposer, par exemple, de brevet parce que votre invention peut être conservée secrète (ex : pour un procédé de fabrication), vous pouvez opter pour le secret.

Concrètement, il faudra alors signer des accords de confidentialité avec tous vos partenaires et salariés, faire éventuellement des dépôts probatoires (ex : e-Soleau) et envisager si pertinent des mesures de protection physique dans vos locaux (ex : accès restreints de certaines pièces à des salariés identifiés).

En cas de difficulté, vous pourrez par ailleurs éventuellement invoquer l’atteinte à un secret des affaires. Cette notion couvre toute information qui n’est pas généralement connue ou accessible, qui a une valeur commerciale (ex : recette) et qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour assurer le secret.

 

Vous souhaitez en savoir plus et être assister dans votre démarche de protection de votre idée, un avocat en propriété intellectuelle du Cabinet SOLVOXIA Avocats se tient à votre disposition.

 

 

 

 

 

Droit des marques : « Coup droit de Yannick, revers pour l’adversaire »

 

 

Avocat droit des marques NantesPar un jugement du 12 mai 2023 (n°20/08191), le tribunal judiciaire de Paris a tranché un litige en droit des marques opposant le célèbre tennisman Yannick Noah et une société américaine.

 

Contexte : Un recours en opposition à l’enregistrement de la marque américaine « NOAH »

 

Une société américaine avait déposé le 13 septembre 2017 une marque verbale de l’Union européenne « NOAH » notamment pour des sacs, des vêtements et la vente de ces produits, marque refusée par l’office suite à opposition de Monsieur NOAH. Un recours a ensuite été formé.

Parallèlement, la société américaine a assigné Monsieur NOAH pour voir annuler sa marque verbale française éponyme déposée le 18 novembre 2015 arguant d’un dépôt frauduleux. Le sujet de la déchéance pour non-usage et de la contrefaçon était également posé dans le cadre du contentieux.

 

Solution : La victoire de Yannick Noah sur la validité de sa marque et son usage

 

L’absence de dépôt frauduleux

 

La société américaine soutenait que le dépôt de marque française réalisé par Monsieur NOAH le 18 novembre 2015 était frauduleux.

Pour rappel, les législations tant européenne que française prévoient la faculté de faire annuler une marque lorsque la demande d’enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur. Tel est le cas notamment lorsqu’une marque est déposée sans intention d’usage ou dans l’unique but de nuire à un autre acteur.

En l’espèce, la société américaine indiquait que juste avant le dépôt querellé, sa marque américaine venait d’être publiée. Or, Monsieur NOAH habitant à New York, elle considérait qu’il était au courant de l’exploitation entreprise et que le dépôt avait pour objet de l’entraver dans un développement éventuel dans l’Union européenne.

La juridiction a rejeté l’argumentaire en précisant que le déposant ne pouvait avoir connaissance de ces éléments et qu’à la date du dépôt de marque, il était déjà titulaire de 6 marques antérieures de l’Union européennes, françaises et/ou internationales désignant ces territoires.

Elle a également noté qu’à la date du dépôt, aucun élément ne démontrait une intention de ne pas faire usage de la marque déposée, bien au contraire puisqu’avant dépôt d’ailleurs une licence exclusive d’exploitation du signe avait été consentie à un acteur pour des chaussures, du textile et des bagages.

La demande en nullité sur le fondement du dépôt frauduleux a donc été rejetée.

 

L’absence de déchéance pour non-usage pour des vêtements et chaussures

 

La société américaine soulevait par ailleurs la déchéance de la marque en cause, pour éviter la contrefaçon lui étant reprochée, arguant d’un défaut d’usage de cette dernière pour les produits et services désignés.

 

Il est à préciser qu’il est normalement possible de démontrer l’usage sérieux d’une marque en faisant état de l’utilisation de signes qui peuvent être légèrement différents, pour autant que l’élément distinctif dominant n’est pas altéré.

 

La société américaine soutenait que tel n’était pas le cas de l’usage semi-figuratif de la marque et de son usage dans la signature manuscrite de Monsieur NOAH. En effet, pour elle, la forte stylisation de la signature et l’élément figuratif co-dominant dans les usages revendiqués altéraient le caractère distinctif dominant du signe en cause.

 

Sur ce point, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que, finalement, l’élément distinctif du logo utilisé et déposé à titre de marque antérieurement était bien son élément verbal puisque renvoyant à un champion de tennis et chanteur.

 

En conséquence, les preuves apportées ont été considérées comme valables sur ce point aux fins de démontrer l’usage sérieux de la marque pour des vêtements et chaussures, la déchéance ayant cependant été prononcée pour les autres libellés.

 

D’autres éléments de preuve étaient par ailleurs apportés.

 

En résumé, attention aux actions que vous intentez en droit des marques puisqu’au final dans ce dossier, l’arroseur a fini arrosé, la société américaine ayant été condamnée pour contrefaçon de la marque verbale française dont elle demandait l’annulation.

Si souhaitez en savoir plus sur ce type de sujets, un avocat en droit des marques du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition.

 

 

 

 

 

 

Projet informatique sous méthode agile : agilité rime-t-elle avec irresponsabilité du prestataire ?

avocat contrat informatique  Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 janvier 2023 (RG n° 21/01374), cette dernière s’est prononcée de manière intéressante sur l’exécution d’un contrat d’intégration de progiciel informatique mené via la méthode agile.

 

Contexte : Un projet d’intégration logiciel (ERP) conclu sous méthode agile

 

Une société coopérative ouvrière de production a fait appel à un prestataire pour l’intégration d’un nouveau logiciel métier (ERP), celui qu’elle utilisait jusqu’alors étant en passe d’être abandonné par son éditeur.

Le contrat prévoyait un fonctionnement en plusieurs temps, avec tout d’abord une définition du « backlog » par les parties, à savoir la liste des fonctionnalités attendues, puis un développement de ces fonctionnalités pour un forfait convenu entre les parties jusqu’à la livraison de la solution.

L’exécution du contrat était donc prévue selon la méthode dite « agile », à savoir un développement reposant sur la collaboration entre les parties et l’itération sur de courtes périodes (appelées sprints) dédiées à des sous-objectifs jusqu’à atteindre une solution répondant aux attentes du client.

Le projet a toutefois rencontré des difficultés à mi-chemin, conduisant à divers reports et nouvelles itérations forfaitaires (le budget initialement prévu pour 30.000 euros ayant dépassé les 100.000 euros), jusqu’à ce que les parties y mettent un terme et que le client agisse en justice pour que soit reconnue l’inexécution de son prestataire.

Le tribunal judiciaire ayant retenu son inexécution, le prestataire a formé appel.

 

Solution : Le choix d’une intégration sous méthode agile ne dédouane pas le prestataire

 

1/ La reconnaissance de manquements du prestataire malgré le choix d’une intégration en mode agile

 

Le Tribunal relève que le contrat prévoyait le remplacement du logiciel actuel du client par le nouvel ERP, ce qui signifie selon lui que le prestataire devait envisager toutes les conséquences au regard de l’architecture informatique existante (dont le détail lui avait été communiqué en amont).

Il n’était par ailleurs pas établi que le client ait souhaité le développement de nouvelles fonctionnalités non prévues en cours de projet : au contraire, il avait même accepté d’en exclure certaines.

Les difficultés sont donc liées, selon le juge, à la définition des besoins techniques pour réaliser la solution en cause, laquelle incombe au prestataire professionnel et non au client qui n’est, lui, tenu qu’à une collaboration active dans le projet.

Partant, en proposant une prestation pour un prix prévu entre 20.000 et 30.000 euros, alors que le total des sommes engagées pour un produit non-fini dépassait les 110.000 euros, le prestataire a sous-estimé les besoins de sa cliente, suffisamment exprimés en avant-vente, et a dès lors manqué à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde.

 

2/ La résiliation du contrat

 

Conséquence de ces manquements, le contrat est résilié pour inexécution du prestataire, dont l’organisation interne avait au surplus accentué les retards pris au cours des sprints (seule une moitié ayant été menés à terme à l’arrêt du projet).

Le prestataire est en conséquence condamné à rembourser l’intégralité des sommes payées par le client au titre du contrat.

En revanche, le client qui demandait également l’indemnisation de sa baisse de chiffre d’affaire et de ses surcoûts salariaux liés au retard pris dans le projet est débouté sur ces points, faute pour lui d’avoir versé des pièces étayant ses demandes.

En résumé, si recourir à la méthode agile peut présenter des avantages – pour les deux parties – dans l’exécution d’un contrat, elle n’exonère pas le prestataire de procéder à une collecte très attentive des besoins de son client.

Besoin d’aller plus loin sur le sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat en informatique du Cabinet.

 

 

Saisie-contrefaçon : le patron c’est l’huissier et personne d’autre !

Avocat droit dessins et modèlesPar un arrêt du 24 février 2023 (RG n° 21/03861), la Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur la validité d’une opération de saisie-contrefaçon au cours de laquelle l’huissier était accompagné par un expert en informatique.

 

 

Contexte : la validité de la saisie-contrefaçon était contestée aux motifs du rôle omniprésent de l’expert informatique accompagnant l’huissier

 

Une société titulaire de différents dessins et modèles avait, lors d’un salon, découvert la vente par un concurrent d’un produit reprenant les caractéristiques de l’un des ses modèles déposés.

Une saisie-contrefaçon avait été menée au siège social du concurrent.

Une action en contrefaçon ayant, par la suite, été engagée, la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon avait été contestée aux motifs que trop de liberté avait été laissée à l’expert informatique accompagnant l’huissier.

En première instance, la nullité partielle de la saisie avait été prononcée.

 

Solution : la confirmation de la nullité partielle du procès-verbal en raison de l’inversion des rôles entre l’huissier et l’expert informatique

 

L’excessive indépendance de l’expert informatique

 

Aux termes de l’ordonnance aux fins de saisie, l’huissier pouvait faire appel à un expert informatique aux fins de l’assister dans des recherches informatiques destinées à permettre de retrouver des éléments d’où il pouvait résulter la preuve de l’origine, de la consistance, de l’étendue de la contrefaçon alléguée.

La Cour d’appel confirme le jugement en raison de l’inversion des rôles entre l’huissier et l’expert informatique qui a abouti à une absence de contrôle par l’huissier des opérations techniques réalisées par l’expert informatique, ce dernier transcrivant notamment lui-même dans son rapport les recherches qu’il avait effectuées et les résultats obtenus par mots clés.

En outre, les supports de stockage avaient été amenés par l’expert et non par l’huissier et le même expert n’avait pas respecté la période de recherche visée à l’ordonnance. La nullité a donc été prononcée.

 

La nullité partielle des opérations de saisie-contrefaçon prononcée

 

Tirant les conséquences de ses constatations, la Cour d’appel a retenu la nullité partielle du procès-verbal à savoir pour la partie « des opérations de saisie-contrefaçon consacrée aux constatations et copies opérées par l’expert informatique », mais valide le reste des opérations.

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, un avocat en propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition.