Dans un arrêt du 24 janvier 2025, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans le cadre d’une action en nullité de la marque figurative française représentant la semelle des sandales BIRKENSTOCK déposée en classes 10 et 25 et représentée ci-dessous.
Contexte : une action en nullité de marque
Une société italienne spécialisée dans la création, la fabrication et la vente de chaussures depuis plus de 20 ans a assigné la société de droit allemand BIRKENSTOCK en nullité de sa marque figurative française représentant la semelle de ses sandales. La société italienne estimait en effet, que l’enregistrement de cette marque en France perturbait son activité. Il est à noter que la société allemande avait tenté d’enregistrer la même marque au sein de l’Union Européenne mais qu’un refus lui avait été opposé par l’Office.
Le tribunal judiciaire de Paris a donné droit à la société italienne et prononcé la nullité de la marque française pour l’ensemble des produits en classes 10 et 25.
La société allemande a alors fait appel de cette décision jugeant sa marque parfaitement valide.
Solution : nullité de la marque pour absence de distinctivité intrinsèque
Absence de caractère exclusivement fonctionnel du signe
Pour rappel, sont dépourvus de caractère distinctif les signes qui lors du dépôt sont constitués exclusivement par la forme imposée, par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Ces signes ne sont pas susceptibles d’appropriation et doivent être déclarés nuls s’ils sont enregistrés.
La société italienne soutenait que le signe enregistré présentait uniquement un caractère fonctionnel pour assurer une fonction technique d’adhérence de la semelle. En réponse, la société allemande soutenait que le signe avait seulement une finalité esthétique.
Selon les juges, il n’était pas démontré que les motifs de surface de la semelle sont dédiés à la fonction technique d’adhérence. En effet, la marque ne reproduit pas de volumes différents sur la semelle comme des rainures ou motifs crantés.
Ainsi, le signe n’est pas constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique et la marque n’est pas nulle sur ce fondement.
Absence de distinctivité intrinsèque du signe et absence d’acquisition de la distinctivité par l’usage
La société italienne soutenait que la marque déposée par la société BIRKENSTOCK n’avait pas de caractère distinctif en ce qu’elle ne permet pas d’identifier son origine commerciale. Autrement dit, le signe ne va pas être perçu comme une marque par le consommateur. En réponse, la société allemande soutenait qu’à la date de son dépôt, la marque divergeait considérablement des normes et habitudes du secteur des chaussures et qu’en tout état de cause, si les juges venaient à considérer que la marque n’était pas distinctive au moment du dépôt, elle avait acquis une distinctivité par l’usage en ce qu’elle était utilisée auprès du public français sans interruption depuis 1980.
Les juges rappellent qu’ « une forme de produit satisfait à l’exigence de distinctivité si la marque diverge de manière significative de la norme des habitudes du secteur, le consommateur étant apte à percevoir la forme d’un produit comme une indication d’origine commerciale dès lors que ladite forme présente des caractéristiques suffisantes pour retenir son attention ».
La société italienne avait produit un certain nombre de pièces qui démontraient que des chaussures présentant des semelles reproduisant un motif géométrique régulier ont été commercialisées en France avant la date du dépôt montrant par là qu’il était usuel de trouver des chaussures reproduisant ce motif de semelles à la date du dépôt. De plus, les juges ont retenu que les motifs seront perçus comme décoratifs par le public et non comme une caractéristique de la marque.
La société allemande avait tenté de démontrer la distinctivité de la marque par la production de sondage montrant que le public identifiait la semelle comme étant celle de l’entreprise allemande. Les juges n’ont pas jugé cette pièce suffisamment probante et en conséquence la marque a été jugée non distinctive.
De plus, la distinctivité n’a pas pu être acquise par l’usage car contrairement à ce qu’affirmait la société allemande, les documents présentés ne démontraient une commercialisation en France qu’à compter de 2009 (et non 1980). De plus, en absence d’éléments permettant de démontrer la part de marché détenue par la marque en France et les investissements réalisés pour promouvoir la marque, la société de droit allemand a donc échoué à démontrer l’acquisition de la distinctivité par l’usage.
La marque a donc été annulée !
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