Dans un arrêt du 12 juin 2025 (RG n° 19/08764), la Cour d’appel de Lyon a dû examiner si un outil conçu à partir d’un tableur Excel pouvait bénéficier de la protection du droit sui generis du producteur de bases de données ou du droit d’auteur.
Contexte : le développement d’une application à partir d’un tableur Excel
Un pilote avait développé, en 1999, une application à partir d’un tableur Excel, destinée à faciliter la gestion du temps de travail des pilotes en créant des fiches individuelles mensuelles.
L’utilisation de son application avait ensuite été généralisée dans son service et le développeur en avait assuré la mise à jour régulière, notamment pour maintenir sa conformité à la règlementation en vigueur.
En 2010, il a demandé à son employeur de le décharger de la maintenance du programme, en raison d’incompatibilités et du temps considérable qu’il y consacrait, invitant son employeur à trouver une solution plus professionnelle et adaptée.
En 2015, son employeur a commandé à un prestataire un logiciel professionnel de gestion du temps de travail, permettant d’éditer des fiches individuelles mensuelles.
Estimant que ce prestataire avait reproduit son travail et violé son droit de producteur de données, le pilote a saisi le tribunal judiciaire de Lyon d’une demande indemnitaire fondée sur le droit sui generis du producteur de bases de données.
Le tribunal ayant écarté ses demandes, il avait interjeté appel.
Solution : une absence totale de protection sur cette application
1/ Le droit sui generis du producteur de base de données écarté
La cour d’appel rappelle tout d’abord les conditions dans lesquelles le droit sui generis des producteurs de bases de données est susceptible de s’appliquer.
En effet, ce droit qui a pour objectif de protéger les investissements dans des systèmes de collecte et de stockage de données, est accordé lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données attestent d’un investissement substantiel, qualitativement ou quantitativement (article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Ce droit est attribué au producteur, à savoir la personne qui a pris l’initiative et le risque des investissements pour la création de la base, ce risque s’entendant tant d’un point de vue financier que responsable.
La cour d’appel rejoint ensuite le tribunal en considérant que le programme informatique fonctionnant à partir d’Excel ne constituait pas une base de données, aux motifs que d’une part les textes et données n’étaient pas mis à disposition de manière systématique ou méthodique, selon des modalités les rendant individuellement accessibles et d’autre part, qu’il n’était pas établi que les données entrées dans l’application étaient conservées selon une méthode autorisant leur identification et leur regroupement.
Par ailleurs, si le pilote indiquait avoir engagé beaucoup de temps pour créer puis maintenir à jour la base de données, la cour d’appel estime qu’il ne démontrait pas le temps de travail effectivement passé.
Enfin, le juge rappelle que la durée de protection d’une base de données est de 15 ans, cette durée étant susceptible d’être renouvelée en cas de nouvel investissement substantiel : la cour d’appel indique que la simple mise à jour de la base au gré des évolutions règlementaires n’aurait pas suffi, même s’il y avait eu une base protégeable initialement, à bénéficier d’un renouvellement.
2/ Le droit d’auteur sur le logiciel également refusé
Le pilote soutenait également que son programme devait être protégé par le droit d’auteur en tant que logiciel.
La cour d’appel considère, par une formulation un peu étonnante, que le programme constitue « un calculateur et non un logiciel », alors que ces deux notions ne sont pas exclusives. Vraisemblablement, la cour était gênée par le fait que le programme ait été créé sur la base de tableurs Excel.
Elle ajoute que, quels que soient les agréments de la présentation de son interface, ceux-ci ne retranscrivaient nullement la personnalité de leur auteur.
La protection du droit d’auteur est donc également écartée et le pilote débouté de l’ensemble de ses demandes.
En résumé, cette décision illustre les conditions strictes de la protection par le droit des bases de données : même si dans les faits le pilote avait vraisemblablement passé beaucoup de temps pour créer puis maintenir à jour sa base, cela ne suffit pas à lui accorder une protection !
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