Nullité d’un modèle de chariot de golf pour défaut de nouveauté

droit dessins modèlesL’article L.511-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ». La protection d’un dessin ou modèle est donc subordonnée à la réunion de ces deux conditions cumulatives. Plus précisément, concernant la nouveauté, le dessin ou le modèle est considéré comme nouveau, au sens de l’article L.511-3 du même Code, si à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de priorité revendiquée, aucune dessin et modèle identique n’a été divulgué.

 

Par un arrêt du 14 mai 2020, la Cour d’appel de Douai a dû se positionner sur la question de savoir si un modèle de chariot de golf présentait ce caractère nouveau (RG n°2017/00516).

Contexte : 

Une société A est titulaire d’un modèle de chariot de golf à trois roues déposé en 2010.

Considérant qu’une société concurrente commercialisait un chariot identique à son modèle, et après avoir fait pratiquer une saisie-contrefaçon, la société A l’a assigné en contrefaçon de modèle et concurrence déloyale. La société concurrente a, de son côté, assigné la société A pour nullité de son modèle, considérant qu’il n’était pas nouveau au moment du dépôt. Les deux affaires ont ensuite été jointes.

Les premiers juges d’appel ont fait droit à la demande de nullité. La Cour de cassation a ensuite censuré la décision. L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Douai, dont la décision sera expliquée ci-après.

La société A, à l’appui de sa demande, s’était fondée sur une version de chariot postérieur au dépôt de son modèle. Cependant, la société concurrente a fait valoir devant la Cour d’appel qu’elle avait modifié à trois reprises son modèle, dont la première version commercialisée remontait à 2006 et la seconde à 2008, soit antérieurement au dépôt du modèle invoqué (en 2010).

La Cour a considéré que la production d’un catalogue de 2008 et d’un prix « Best New Product » qui lui avait été attribué en 2007 suffisait à prouver une divulgation antérieure au modèle invoqué par la société A.

Après la question de la nouveauté, la Cour a du ensuite analyser les éventuelles similitudes entre ces deux versions de chariots.

Solution : 

Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques si leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants, secondaires.

Les juges ont considéré que les deux modèles de chariots présentaient des proportions globales et des caractéristiques identiques.

Les différences invoquées par la société A ont été considérées par les juges comme de simples variations et modifications secondaires eu égard à l’ensemble des similarités des deux modèles.

En conséquence, les juges ont confirmé le défaut de nouveauté du modèle de la société A et rejeté en conséquence sa demande en contrefaçon de modèle.

Cet arrêt démontre l’importance de vérifier, avant d’intenter une action, les dessins ou modèles antérieurs divulgués.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, un avocat propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Contrat d’édition et rémunération de l’auteur : attention au formalisme !

Avocat droit d'auteurLa rémunération de l’auteur est une clause essentielle qui détermine l’engagement de ce dernier dans la conclusion du contrat d’édition. La décision rendue par le Tribunal judiciaire de Lille dans l’affaire qui a opposé un auteur à son éditeur l’affirme sans équivoque. [TJ Lille, ch 1, jugement du 26 mai 2020 in Legalis.net, 02/07/2020].

 

Elle rappelle en effet que la nullité de la clause sur la rémunération de l’auteur entraîne la nullité du contrat d’édition le rendant de fait contrefacteur.

Dans cette affaire, le droit de reproduire, publier et exploiter l’œuvre avait été cédé à l’éditeur pour une durée de dix ans renouvelables par tacite reconduction.

Aucune disposition du contrat n’avait cependant prévu spécifiquement l’édition numérique de l’œuvre encore moins les modalités de rémunération de l’auteur sur l‘exploitation de son œuvre sur les sites internet.

Contrairement à l’article L.132–10 du code de la propriété intellectuelle, le contrat d’édition ne prévoyait par ailleurs pas un nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage ni le versement au bénéfice de l’auteur d’un minimum garanti dit « à-valoir ».

Ainsi, faute de disposition spécifique concernant l’exploitation numérique et en vertu de la disposition prérappelée du Code de la propriété intellectuelle, le Tribunal judiciaire a déclaré nul le contrat d’édition.

Tirant les conséquences de la nullité du contrat d’édition, le Tribunal judiciaire a déduit que l’exploitation de l’œuvre par l’éditeur sans autorisation valable de l’auteur était contrefaisante.

L’éditeur a ainsi été condamné non seulement au retrait de l’œuvre sur tous les sites marchands et établissements physiques, mais aussi à la restitution du prix de vente, sans oublier les dommages-intérêts pour tous les préjudices subis par l’auteur.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en droit auteur du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Distinctivité de la marque sonovente.com pour des appareils de son

Avocat droit des MarquesIl ressort de l’article L. 711-2, b) du Code de la propriété intellectuelle (version applicable à la date du litige) que ne peuvent être adoptés à titre de marque les signes dépourvus de caractère distinctif, à savoir notamment « les signes ou dénomination pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographie, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ».

 

Par une décision du 19 juin 2020 (n°19/09693), la Cour d’appel de Paris est venue apprécier le caractère distinctif du signe « SonoVente.com » à l’égard d’appareils relatifs à de la prise et transmission de son.

Le 26 mars 2014, la société MEGA SOUND CONCEPT a déposé la demande d’enregistrement française n°4080001, notamment pour des « appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son » en classe 9 :

Le 10 avril 2019, l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits précités, considérant que le signe considéré ne faisant que les décrire, les consommateurs n’appréhenderaient pas la marque comme un signe permettant de distinguer les produits de l’entreprise de ceux d’un concurrent.

La société déposante a alors formé un recours à l’encontre de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.

Les juges du fond ont rappelé qu’il convient de vérifier, pour savoir si la marque est distinctive ou non des produits en cause, s’il existe en effet « un rapport suffisamment direct et concret entre le signe litigieux SonoVente.com et les produits visés […] [pour] permettre […] [au] consommateur moyen des produits visés, de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description du produit en cause ou d’une de ses caractéristique ».

Ils concluent finalement que « si le terme Sono peut immédiatement faire penser à du matériel de diffusion du son, il ne fait pas référence à du matériel servant à l’enregistrement ou la reproduction du son. Par ailleurs les termes vente.com font immédiatement référence à un système de vente par internet mais pas du tout au produit lui-même constitué d’un appareil d’enregistrement, de transmission ou de reproduction du son » et que « si le signe SONOVENTE.COM pourrait être considéré comme descriptif pour des services de ventes par internet, tel n’est pas le cas pour les appareils d’enregistrement, de transmission ou de reproduction du son ».

En conséquence, vu également le fait que les termes sont tous ainsi accolés « SonoVente.com », la Cour d’appel de Paris a considéré, contrairement à ce qu’avait retenu l’INPI, que la marque devait être admise à l’enregistrement pour les appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son.

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat marque du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Référencement d’une annonce : précisions sur la notion d’usage dans la vie des affaires d’une marque

Avocat droit des MarquesLa Cour de justice de l’UE (CJUE) a du se pencher sur la question de savoir si le fait pour une société qui fait placer sur un site internet une annonce portant atteinte à une marque fait un usage du signe identique si les exploitants d’autres sites reprennent cette annonce en la mettant de leur propre initiative et en leur nom en ligne. Par un arrêt du 2 juillet 2020, elle y a répondu par la négative.

 

Dans le cas en présence, la société d’avocats allemande « MBK Rechtsanwälte » est titulaire d’une marque constituée de sa dénomination sociale, enregistrée pour des services juridiques.Une autre société d’avocats allemande (MK Advokaten) exercait quant à elle son activité sous la dénomination « mbk rechtsanwalte ».

La première a assigné en contrefaçon la seconde et sollicité l’interdiction de faire usage du groupe de lettres « MBK » dans la vie des affaires pour des services juridiques. La justice allemande a fait droit à ses demandes.

Par la suite, la saisie des termes « mbk rechtsanwalte » sur le moteur de recherche Google, a révélé qu’ils conduisaient vers plusieurs sites internet de référencement d’entreprises, et plus précisément vers un site affichant une annonce pour les services juridiques de MK Advokaten.

Considérant que l’interdiction prononcée par la juridiction allemande n’était pas respectée, la demanderesse a sollicité le prononcé d’une amende suite à ces constatations. La juridiction a fait droit à cette demande, considérant que la défenderesse s’était limitée à faire effacer l’annonce parue dans l’annuaire, sans autres démarches.

Un recours a ensuite été initié devant la juridiction de renvoi qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Un tiers qui est référencé sur un site Internet dans une entrée contenant un signe identique à une marque fait il usage de cette marque au sens de l’article 5 paragraphe 1 de la directive 2008/95 si ce n’est pas lui qui a procédé à l’insertion de cette entrée et que l’exploitant du site l’a reprise d’une autre entrée que le tiers avait fait publier en portant atteinte à ladite marque ? ».

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/95 dispose que :
« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; L 299/28 Journal officiel de l FR ’Union européenne 8.11.2008 ( 1) JO L 11 du 14.1.1994, p. 1.

A la lumière de ce texte, la CJUE a considéré que les termes « faire usage dans la vie des affaires » impliquent un comportement actif et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. Elle a précisé que tel n’est pas le cas si cet acte est effectué par un opérateur indépendant sans le consentement de l’annonceur.

Elle a rappelé également que, dans un tel contexte, une personne ne peut être considérée comme étant l’auteur de l’usage d’un signe identique à la marque d’autrui au seul motif que cet usage est susceptible de lui procurer un avantage économique.

En conséquence, la Cour a conclu au fait que cet article doit être interprété en ce sens « qu’une personne qui opère dans la vie des affaires et qui a fait placer sur un site Internet une annonce portant atteinte à une marque d’autrui ne fait pas usage du signe identique à cette marque lorsque les exploitants d’autres sites Internet reprennent cette annonce en la mettant, de leur propre initiative et en leur propre nom, en ligne sur ces autres sites ».

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat marque du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Formalisme, cession ou licence : et si on recroquait la pomme !

Avocat droit d'auteur NantesDepuis juin 2015, Apple s’est à son tour lancé dans l’offre d’un service de streaming musical payant, avec sa plateforme « Apple Music » proposée via l’iTunes Store et moyennant le paiement d’un abonnement mensuel.

 

Devant le tribunal Judiciaire de Paris, l’UFC QUE CHOISIR a contesté la licéité de certaines clauses des « Conditions d’Utilisation » d’Apple, non seulement au regard du droit de la consommation et du droit des données personnelles, mais également au regard des règles gouvernant la propriété intellectuelle.

Les Conditions d’Utilisations en cause contenaient en effet en particulier une clause qui prévoyait que les utilisateurs concédaient une licence mondiale, gratuite, perpétuelle et non-exclusive pour utiliser les éléments soumis dans les services et à des fins de marketing ou interne à Apple (éléments qui pouvaient notamment être des textes, photos ou vidéo éventuellement protégés par le droit d’auteur).

L’association de consommateurs en demande a contesté la validité de cette clause au regard des dispositions de l’article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle qui prohibe la cession globale des œuvres futures, et des dispositions de l’article L.131-3 du même code qui défini le formalisme qu’une transmission de droits d’auteur se doit de respecter, notamment en ce que les droits d’exploitation cédés doivent chacun être mentionnés.
Pour tenter en réponse de contourner la difficulté tenant à l’interdiction de principe de cession de œuvres future, Apple a soutenu qu’il ne s’agissait pas ni d’une cession de droits, ni d’une licence exclusive, de sorte que l’utilisateur n’était pas dépossédé de l’éventuel droit d’auteur sur le ou les éléments qu’il aurait transmis, droit d’auteur dont il restait donc titulaire et libre d’exploiter lui-même ou de céder ou donner une licence à tout tiers.

L’argument n’est pas retenu par le Tribunal Judiciaire dans sa décision du 9 juin 2020.

La juridiction retient que le droit d’utilisation porte sur tous les éléments générés par l’utilisateur, sans aucune précision suffisante quant aux contenus concernés, les droits conférés et les exploitations autorisées. La clause est donc jugée illicite au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle précitées, et en conséquence réputée non écrite.

L’intérêt de cette décision en matière de propriété intellectuelle et de rédaction de condition d’utilisation, notamment pour des plateformes en ligne, est ici de rappeler que peu importe qu’il s’agisse d’une cession, d’une licence non exclusive, ou d’une licence exclusive : dès lors qu’il y a transmission de droits d’auteur, doivent impérativement être détaillées les œuvres concernées (pour éviter qu’il ne s’agisse d’une cession globale d’œuvre future) et les droits transmis et mode d’exploitation autorisés (pour répondre aux exigences de description des droits cédés).

 

Pour plus d’information sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat en propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA.