Quand Causette fait « causer » en droit d’auteur

Avocat droit d'auteurConformément aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, si une création réalisée au sein d’une entreprise relève du statut de l’œuvre collective, cette dernière est seule investie des droits patrimoniaux qui y sont attachés.

 

L’œuvre collective est définie par la loi comme celle créée « à l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit sur l’ensemble distinct ».

Après la cessation de son contrat de prestation de service, une ancienne graphiste a attaqué en contrefaçon de droits d’auteur la société éditrice du magazine CAUSETTE, au motif que celle-ci aurait continué à exploiter la présentation graphique du magazine sur laquelle elle affirmait détenir des droits. Le Tribunal de Grande Instance de Paris a estimé, dans une décision du 4 décembre 2014, que la présentation graphique dudit magazine était une œuvre collective, et a donc débouté l’ancien prestataire de ses demandes. La société éditrice avait, pour cela, fourni la preuve que la maquette du magazine avait été créée progressivement et par toute l’équipe.

En revanche, le Tribunal faisait droit à la demande reconventionnelle de la société éditrice et condamnait l’ancienne graphiste pour contrefaçon du fait de la reproduction par celle-ci et sans autorisation de plusieurs articles du magazine sur son site Internet

Même non exploitée, une marque peut entrer en conflit avec des droits antérieurs

Avocat droit des MarquesLe titulaire d’une marque peut agir à l’encontre de toute marque, vecteur potentiel de confusion auprès du public pertinent, quand bien même la marque postérieure concernée ne serait pas exploitée. L’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 9 septembre 2014 nous en donne une illustration intéressante.

 

Le dépôt d’une marque fait naître, au profit de son titulaire, un droit de propriété intellectuelle du seul fait de son enregistrement. Mais dès son dépôt également, une marque peut porter atteinte à une autre, si elle présente un risque de confusion avec cette dernière, peu important qu’elle ne soit pas encore exploitée.

En l’espèce, une personne physique a déposé une marque constituée, en attaque, du terme « FREE ». La société de téléphonie mobile s’en est alors émue et a assigné le titulaire de la marque postérieure aux fins que soit prononcée sa nullité, et que soit réparé le préjudice causé par l’atteinte à ladite marque.

Les premiers juges ont débouté la société FREE de ces demandes, au motif qu’il ne pouvait y avoir d’atteinte (contrefaçon) au stade du seul enregistrement d’une marque, indépendamment de tout acte d’exploitation.

C’est donc sans surprise, et dans la lignée de la jurisprudence constante, que la Cour d’Appel de Lyon a, dans son arrêt du 9 septembre 2014, infirmé la décision rendue en première instance, rappelant que le dépôt d’une marque créant un risque de confusion avec une marque antérieure constitue en lui-même une atteinte, qu’il convient de sanctionner par la nullité de la marque postérieure, ainsi que l’allocation de dommages et intérêts.

L’on ne le rappellera jamais assez, la vérification de la disponibilité d’un signe est un prérequis au dépôt de marque dont la nécessité est donc une fois de plus démontrée

Copie d’une oeuvre dans un but d’information : possibilité offerte mais sous certaines conditions

Avocat droit d'auteurToute reproduction ou représentation d’une œuvre de l’esprit est soumise au consentement du titulaire des droits sur cette œuvre. Ce principe connait cependant des exceptions, dont la possibilité de reproduire une œuvre « dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière » (article L.122-5-9° du Code de la Propriété Intellectuelle). Toutefois, ainsi que l’a rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 septembre 2014, cette exception est strictement encadrée.

En l’espèce, une société, dont l’activité est notamment la mise à disposition des internautes d’informations sur le marché de l’art, a numérisé et mis en ligne les œuvres de Pablo Picasso sur son site Internet. La succession de l’illustre artiste a décidé d’agir à l’encontre de cette dernière pour contrefaçon de droits d’auteur.

Pour se défendre, la société attaquée a tenté de se prévaloir de l’exception de l’article L.122-5-9°, permettant la reproduction d’une œuvre « dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière » par voie de presse écrite, arguant que la diffusion litigieuse des œuvres concernées était réalisée dans un but exclusif d’information immédiate.

Dans son arrêt du 10 septembre 2014, la Cour de Cassation, confirmant la décision de la Cour d’Appel, a donné droit à la succession de l’artiste, estimant que l’utilisation faite sur le site Internet des œuvres concernées, était sans lien avec l’actualité et que la société concernée « s’était placée en situation d’offre permanente au public des reproductions litigieuses ».

Par cet arrêt, la Cour de Cassation vient de nouveau préciser la nécessité de lien exclusif de la reproduction avec l’actualité pour se prévaloir de l’exception posée à l’article L.122-5-9° du Code de la propriété intellectuelle.

Attention, le bénéfice de cette exception est strictement encadré et implique également la citation de l’auteur de l’œuvre reproduite ou représentée.

Système de cybersurveillance non déclaré à la CNIL : illicéité de la preuve

RéclamationsToute personne collectant des données personnelles doit, au préalable, effectuer une déclaration auprès de la CNIL. A défaut, tout élément de preuve basé sur les données recueillies par un tel traitement est illicite et doit être écarté des débats.

 

La cybersurveillance au sein des entreprises est de plus en plus répandue, l’objectif étant notamment, pour les employeurs, de s’assurer de l’usage normal par les salariés des moyens informatiques mis à leur disposition (messagerie et réseau Internet). Si la mise en place de systèmes de traitement automatisé d’informations personnelles édités à ces fins est licite, une déclaration préalable auprès de la CNIL est obligatoire.
En l’espèce, une société a constaté, par le biais de son système de traitement, que l’un de ses salariés faisait un usage anormal de sa messagerie électronique à des fins personnelles. Se prévalant des données ainsi recueillies, elle a procédé au licenciement du salarié.

Cependant, le système de traitement concerné n’avait pas fait l’objet de déclaration auprès de la CNIL à l’époque des faits justifiant le licenciement. Se posait donc la question de savoir si les données recueillies par le biais d’un système licite mais non déclaré à la CNIL pouvaient être admises à titre de preuve.
Censurant la Cour d’Appel, la Cour de Cassation a, par un arrêt en date du 8 octobre 2014, indiqué que le système concerné n’ayant pas été préalablement déclaré à la CNIL, la preuve basée sur ce dernier était illicite et devait, en conséquence, être rejetée des débats.

Entreprise, pensez donc, lors de la mise en place de moyens de cybersurveillance des salariés, à effectuer votre déclaration auprès de la CNIL afin de pouvoir les rendre effectifs. Il conviendra également de ne pas omettre de rendre ce dispositif opposable à vos salariés en le portant à leur connaissance.

Licences creative commons : l’esprit y est… Quid du droit ?

Avocat droit d'auteurL’exploitation des œuvres de l’esprit, notamment du fait des nouveaux modes d’appropriation liés à leur diffusion sur Internet, a été transformée depuis plusieurs décennies.

Forte de ce constat, « Creative Commons », association à but non lucratif d’origine américaine visant à favoriser le partage et l’utilisation de la créativité et des connaissances, a développé des « outils juridiques gratuits » censés accompagner les nouveaux usages de création à l’heure du numérique. Dans ce cadre, elle met à disposition des titulaires de droits six licences présentant des autorisations à l’attention des tiers désireux d’utiliser leurs œuvres. Selon le périmètre d’exploitation qu’il souhaite accorder, le titulaire de droits sur l’œuvre va ainsi exercer un panachage entre différentes options permettant aux tiers de :

• la diffuser, de façon commerciale ou non,
• la modifier ou non,
• demander à ce que l’œuvre dérivée soit diffusée selon la même licence « Creative Common ».

Par principe, le système proposé par cette association bouleverse notre système juridique actuel en matière de droits d’auteur. Il met en place certaines autorisations, plus ou moins large selon la licence choisie, au profit de tiers alors qu’a contrario le droit français est un droit prohibitif, c’est-à-dire que tout tiers souhaitant exploiter une œuvre doit, au préalable, obtenir l’autorisation de l’auteur (sauf à s’inscrire dans le cadre restreint des exceptions au droit d’auteur). Ce système alternatif séduit car il présente des avantages indéniables : sa gratuité, sa simplicité avec un choix de six licences, la simplification des relations auteurs/utilisateurs-exploitants et surtout la possibilité de mise en place d’un système de recherche d’œuvres diffusées sous Creative Commons par apposition d’un tag « CC » qui permet une interrogation sur métadonnées à partir d’un moteur de recherche par exemple.

Sur son site Internet officiel, l’association se targue d’avoir créé ses outils en association « avec des experts du droit d’auteur dans le monde entier pour s’assurer que [ces] licences sont juridiquement solides, applicables à l’échelle mondiale et répondre aux besoins de [ses] utilisateurs » et que « les licences Creative Commons ont été adaptées au droit français par des juristes et respectent les exigences de la loi française ». Par souci de précaution toutefois, et sûrement conseillée par ces mêmes experts, l’association met en garde les utilisateurs desdites licences au début de chacune d’entre elles avec la mention « l’association n’est pas un cabinet d’avocats et ne fournit pas de services juridiques ou de conseils juridiques (…) Creative Commons décline toute responsabilité pour les dommages résultant de leur utilisation dans la mesure du possible ».

Ainsi, elles sont utilisées par des sociétés importantes comme l’indique l’association sur son site officiel (Wikipedia, Flickr, Google) mais également par des collectivités locales de premier plan, pour des projets artistiques en collaboration entre des artistes et des écoles par exemple.

Le succès dont bénéficient ces licences invite à s’interroger sur leur validité en droit français, et ce d’autant plus qu’à ce jour, elles n’ont encore jamais été mises à l’épreuve des tribunaux français. Ainsi qu’en serait-il, par exemple, si l’auteur d’une œuvre diffusée sous Creative Common autorisant sa modification, était mécontent de l’usage fait de son œuvre et décidait donc d’attaquer en contrefaçon le tiers ayant modifié son œuvre, en contestant la validité de ladite licence ?

Bien que le Code de la propriété intellectuelle ne traite pas explicitement des contrats de licence, il exige à peine de nullité que les contrats de cession de droits visent très précisément les droits cédés ainsi que les modes d’exploitation autorisés mais également l’étendue et la destination de la cession. Par essence, ces éléments sont définis de manière large et générale au sein des « Creative Commons » loin du formalisme important du droit d’auteur français.

Pour l’instant, la seule réponse donnée par l’association Creative Commons dans l’hypothèse d’une utilisation de l’œuvre qui déplairait au titulaire de droits initial est pour le moins ambigüe : « Toute réutilisation et modification de votre œuvre doit respecter vos droits moraux. Si une utilisation vous déplaît, vous pouvez demander à ce que votre nom ne soit plus associé à l’œuvre collective ou dérivée qui reprend votre œuvre. Il se peut cependant que certains exemplaires continuent à circuler tels quels », ce qui bien sûr n’est pas une solution satisfaisante…

Précisons enfin que les droits sont concédés sans aucune garantie, ce qui signifie par exemple que si l’œuvre concernée devait se révéler contrefaisante, le licencié pourrait voir sa responsabilité engagée sans recours vis-à-vis de l’auteur apparent, donneur de licence.

En conclusion, si l’esprit de ces licences reste intéressant dans la mesure où il sensibilise les artistes à définir les conditions d’exploitation de leurs œuvres, leur utilisation doit, au regard de ce qui précède, être faite avec la plus grande précaution et en ayant conscience de leur fragilité juridique.
Les agences de communication et autres agences web devront donc y avoir recours en informant précisément leurs clients sur ce sujet.