Dans un arrêt rendu le 15 mai 2024 (n°23-13.990), la chambre commerciale de la Cour de cassation effectue deux rappels d’importance concernant les effets qu’emporte la résolution d’un contrat intervenue aux torts partagés des parties.
Contexte : une relation client-prestataire relative à une plateforme logicielle qui bugge…
Une société intervenant dans le domaine de la comptabilité et des services associés à destination des entreprises, a conclu un contrat avec un prestataire, spécialisée dans le développement d’applications digitales pour les entreprises. Ce contrat prévoyait la mise à disposition de la société contractante, par son prestataire, d’une plate-forme technologique destinée à lui offrir la possibilité de faire bénéficier ses salariés et ses clients d’un comité d’entreprise externalisé.
En raison de retards successifs du prestataire dans l’exécution de sa mission de développement, le client lui a notifié la résolution de leur contrat et a sollicité la restitution des sommes qu’elle lui avait déjà versées.
En réponse, le prestataire l’assignait afin de la voir condamner à exécuter le contrat, tandis que le client assignait également son ancien partenaire pour voir constater la résolution du contrat litigieux.
La cour d’appel de Versailles jugeait que la résolution du contrat, motivée par les torts partagés des parties, ne pouvait donner lieu ni aux restitutions ni à indemnisation.
La cliente s’est donc pourvue en cassation pour obtenir la restitution des sommes avancées pour l’exécution du contrat, et l’indemnisation de son préjudice.
Solution : la résolution aux torts partagés d’un contrat informatique n’empêche pas réparation
En première intention, la demanderesse estimait que les torts partagés qui justifiaient la résolution du contrat, ne devaient pas faire obstacle aux dispositions de l’article 1229 du Code civil, qui prévoit que : « Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre » (alinéa 3).
La Cour de cassation lui donne raison et affirme sans équivoque que : « l’admission des torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions », sauf à violer l’article 1229 du Code civil.
En pratique, et conformément à une jurisprudence constante, un contractant qui commet une faute conduisant à la résolution du contrat ne perd pas pour autant son droit aux restitutions.
Par ailleurs, le client contestait également l’arrêt de la cour d’appel qui avait rejeté sa demande de dommages et intérêts, au motif que la demanderesse portait une part de responsabilité dans l’échec de l’exécution du contrat. Cette contestation s’appuyait sur l’article 1231-1 du Code civil, lequel prévoit l’attribution de dommages et intérêts en cas de défaillance du débiteur dans l’exécution de ses obligations.
Elle arguait ainsi que « la résolution d’un contrat aux torts partagés ne peut exclure toute indemnisation que si les créances de responsabilité de chacune des parties à l’égard de l’autre sont d’un égal montant et s’éteignent par conséquent par compensation ». Le client estimait que la cour d’appel aurait dû rechercher la gravité des fautes imputées à chacune des parties au contrat, ainsi que la part de responsabilité incombant à chacune d’elle, peu important que la résolution résulte des torts partagés des parties.
Ici encore la Cour de cassation abonde dans son sens et affirme que l’arrêt d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision faute d’avoir « recherch[é] […] la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues [et] l’importance du préjudice subi par chacune ».
En statuant ainsi, la Cour de cassation applique rigoureusement l’article 1231-1 du Code civil, qui dispose que le débiteur fautif peut être condamné au versement de dommages et intérêts pour l’inexécution de son obligation ou pour un retard dans son exécution, sans distinguer si les prestations sont réciproques ou si l’inexécution résulte de torts partagés.
La résolution prononcée en cas de torts partagés suppose donc, dans un premier temps, de quantifier le préjudice subi par chacune des parties, avant d’évaluer la part de responsabilité de chaque cocontractant dans la résolution du contrat, en fonction de la gravité des fautes établies. Enfin, il convient d’ajuster l’impact de la gravité des fautes au préjudice de chaque partie. Ce n’est que si les montants des dommages et intérêts auxquels chacune des parties peut prétendre s’avèrent équivalents que la compensation jouera, rendant alors inutile toute réparation.
La cour d’appel n’ayant pas procédé à cet examen, sa décision est cassée sans grande surprise.
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