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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Droit d’auteur : l’accessoire en pleine lumière

La Cour d’appel de Paris a rendu, le 27 septembre 2023 (n°21/12348), une décision éclairante sur l’application de la théorie de l’accessoire en matière de droits d’auteur.

 

Avocat droit d'auteur NantesContexte : l’utilisation d’une création mobilière dans des photographies

 

Le litige opposait un sculpteur-plasticien, créateur d’un modèle de lampe nommée « Lyre », et un architecte d’intérieur renommé.

Pendant une dizaine d’années, l’architecte avait passé commande de plusieurs modèles de différentes tailles pour la lampe Lyre, notamment pour décorer un hôtel situé en Suisse.

Le sculpteur reprochait à l’architecte d’avoir publié plusieurs photographies, sur différents réseaux sociaux, où celui-ci se mettait en scène avec ses lampes, sans avoir cité son nom en tant que créateur.

Condamné en première instance pour atteinte au droit moral de l’auteur, l’architecte a fait appel, amenant le litige sous le feu des projecteurs de la Cour d’appel de Paris.

 

Solution : la théorie de l’accessoire écartée, l’atteinte aux droits d’auteur reconnue

 

Une lampe originale justifiant sa protection par le droit d’auteur

 

Classiquement, l’architecte contestait tout d’abord l’originalité de la lampe Lyre, choix éclairé s’il en est puisqu’à défaut de droit d’auteur, il ne peut pas y avoir d’atteinte à un quelconque droit moral.

La Cour d’appel confirme toutefois la position retenue par le juge de première instance.

Elle relève ainsi que l’auteur définissait de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il alléguait, en explicitant clairement les choix faits dans sa démarche de création, par lesquels il était parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe à une représentation toute personnelle de la lyre, « donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses ».

Ces choix créatifs, qui ne relevaient pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, mettent au contraire en pleine lumière l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Sa création est donc confirmée comme bénéficiant d’une protection par le droit d’auteur.

 

Une inclusion de la lampe qui n’était ni fortuite ni involontaire

 

Pour contester toute atteinte aux droits de l’auteur, l’architecte invoquait le bénéfice de la théorie de l’accessoire, une exception au monopole dont peut se prévaloir un auteur, dégagée par la jurisprudence.

Selon cette exception, la reproduction d’une œuvre peut être licite sans l’autorisation de son auteur lorsque l’œuvre en question n’apparaît qu’à titre accessoire (l’exemple type étant le bâtiment protégé apparaissant en arrière-plan d’une photographie).

L’architecte indiquait ainsi que la lampe Lyre n’était pas le sujet des communications litigieuses, qui portaient davantage sur sa propre personne.

A la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation sur le sujet, la Cour d’appel rappelle que la notion d’inclusion fortuite, sur laquelle est basée la théorie de l’accessoire, doit s’entendre comme une représentation accessoire et involontaire de l’œuvre protégée par rapport au sujet traité ou représenté.

Elle relève ensuite que la présence de la lampe Lyre dans les photographies résultait manifestement d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, ce dernier se mettant littéralement en scène avec la lampe.

La reproduction et la représentation de la lampe Lyre n’ont donc pas été effectuées de manière accessoire, et la Cour d’appel retient tout comme le juge de première instance une atteinte portée au droit à la paternité de l’auteur de cette lampe.

Fait notable, si seul le préjudice moral de l’auteur est indemnisé, les condamnations sont toutefois relativement conséquentes puisque l’architecte est condamné à lui payer une somme de 25.000 euros (comme en première instance) et ce, bien que les photographies aient été très vite retirées de ses réseaux par l’architecte.

Pour motiver un tel montant, le juge indique notamment que les mises en scène photographiées traduisaient une volonté délibérée de l’architecte d’apparaître comme le concepteur de la lampe.

 

En résumé, cette décision apporte un éclairage intéressant, et sécurisant pour les auteurs, sur l’application de la théorie de l’accessoire : exception à la protection dont bénéficie l’auteur, cette notion doit en effet demeurer restreinte aux véritables inclusions fortuites d’une œuvre.

 

 

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