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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Injure publique : critiquer n’est pas provoquer !

Avocat e-réputation Par un jugement du 3 avril 2023, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une intéressante décision en matière de liberté d’expression et d’injure publique sur Internet.

 

Contexte : une critique d’un site parodique par l’observatoire du conspirationnisme

Le litige opposait la personne ayant fondé l’observatoire du conspirationnisme, aussi connu sous le nom de Conspiracy Watch, et ayant pour objectif de lutter contre les dérives conspirationnistes, à la personne responsable du site Internet satirique Nordpresse.

Le premier avait en effet, dans plusieurs articles publiés par Conspiracy Watch, reproché au site Nordpresse de parfois brouiller la frontière entre véritables actualités et fake news, via certaines actualités parodiques susceptibles d’être perçues comme véridiques par les personnes consultant son site, et d’encourager une certaine forme d’antisémitisme à travers ses publications.

Or, suite à l’un de ces articles publiés sur Facebook, intitulé « La dieudonnisation de Nordpresse », Nordpresse avait tenu sur sa propre page Facebook les propos suivant :

« C’est toujours très agréable de voir que l’autre taré de Monsieur X. de Conspiracy Watch parle de la complosphère antijuive […] et renvoie vers son torchon sur Nordpresse. Chers lecteurs, vous ne le saviez peut-être pas mais vous êtes sur une page qui fait partie de la complosphère antijuive. Ce serait drôle si bousillait pas des vies ce genre d’accusations délirantes. Pauvre con. Fou dangereux. Immonde pervers. »

Le fondateur de Conspiracy Watch avait, en réaction, déposé plainte puis s’était constitué partie civile.

 

Solution : une injure publique ne bénéficiant pas de l’excuse de provocation

 

L’injure publique retenue eu égard aux propos tenus

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait (la distinguant donc de la diffamation, qui, elle, repose sur l’allégation de faits précis à l’encontre de personnes identifiées).

En l’espèce, pour le juge, il ne faisait guère de doute que l’injure publique était caractérisée : les propos avaient été tenus sur un site librement accessible au publique et visaient ad hominem le plaignant.

Les termes utilisés étaient volontairement outrageants, renvoyant le plaignant à une forme de folie dangereuse, et usaient d’un vocabulaire grossier et dégradant pour donner de lui  une image très dévalorisante.

Il y avait donc bien eu injure publique.

 

L’excuse de provocation non applicable en raison notamment du délai avant la réponse et de sa proportion

Pour s’exonérer de responsabilité, le prévenu invoquait l’excuse de provocation : en effet, l’injure peut être considérée comme excusable, faute d’élément intentionnel, lorsqu’elle est faite en réaction à une provocation personnelle, directe, fautive et proche dans le temps de l’injure publique.

Il justifiait ainsi de plusieurs articles de Conspiracy Watch accusant ses articles de favoriser la désinformation et l’antisémitisme auprès de son public, ainsi que d’un courrier prétendument envoyé par le plaignant à une université dans laquelle le prévenu devait intervenir pour lui faire part de ses réserves quant à une telle intervention.

Le Tribunal relève toutefois que ces articles étaient tenus en des propos mesurés, bien que résolument critiques envers Nordpresse, et que la réponse faite par le prévenu avait eu lieu plusieurs mois après le dernier article.

En conséquence, le Tribunal rejette l’excuse de provocation et condamne le fondateur de Nordpresse à une amende de 500€ pour l’injure publique et à des dommages et intérêts à hauteur 800€ à l’encontre du plaignant.

 

En résumé, une injure n’est pas excusable si elle répond à une publication survenue plusieurs mois auparavant et tenue en des termes proportionnés. Pas d’excuse de provocation dans un tel cas.

 

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