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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

L’emoji « pouce levé » jugé comme valant acceptation d’un contrat : on ne rigole plus !

avocat contrat informatiqueUn juge canadien de la province de Saskatchewan a rendu, le 8 juin 2023, une décision profondément ancrée dans l’ère des nouveaux moyens de communication dans une affaire dont l’enjeu dépendait de l’interprétation d’un emoji de pouce en l’air.

 

Contexte : un débat sur la conclusion ou non d’un contrat par l’envoi d’un emoji

 

Le litige impliquait deux sociétés qui, depuis de nombreuses années déjà, concluaient entre elles des contrats pour l’achat de différentes céréales et fibres.

Les échanges entre ces sociétés passaient notamment régulièrement par des échanges de SMS entre le président de l’une des société agricoles, vendeur, et un commercial de la société acquéreuse.

Souhaitant passer commande de lin, l’acquéreur, après avoir échangé téléphoniquement avec la société agricole sur la quantité et le prix par tonne de lin, lui avait envoyé par message téléphonique une photographie d’un document reprenant les conditions convenues.

Son interlocuteur avait simplement répondu par l’emoji suivant :👍.

La société agricole n’ayant par la suite jamais délivré les produits, celui qui s’estimait en être devenu juridiquement l’acquéreur l’avait assigné en justice en paiement de dommages et intérêts.

Au cœur du débat était donc l’interprétation à retenir de cet emoji : acceptation de contrat ou simple signe d’approbation sans conséquence juridique ?

 

Solution : un emoji suffisant pour créer un contrat entre les parties

 

L’emoji utilisé matérialisait bien une acceptation de la part du vendeur

 

Tout comme la loi française, le droit canadien prévoit qu’un contrat est formé lorsque l’offre d’une partie est acceptée par l’autre, avec une subtile différence toutefois : la partie qui accepte doit avoir l’intention de créer une relation légale avec l’autre partie.

Le juge canadien relève notamment que les parties sont des partenaires commerciaux de longue date, entre lesquels il était de coutume de former des contrats sans écrits et par échanges de messages, des commandes ayant été précédemment honorées sur la base de messages aussi succincts que « ok » ou « yup ».

Si la société agricole prétendait que l’emoji avait été utilisé uniquement pour indiquer avoir bien reçu le contrat, non pour l’accepter, le juge considère ici que c’est bien une acceptation qui a été matérialisée.

En effet, la société agricole n’avait notamment pas cherché ensuite à discuter les termes du contrat envoyé ; dès lors, au regard des faits de l’espèce, le👍est considéré comme une acceptation juridiquement valable du contrat.

Le fait que la société agricole demande habituellement, pour des contrats portant sur des produits encore non-récoltés, une clause dite de « Act of God » (la déchargeant de ses obligations de livraison en cas de perte de récoltes indépendante de sa volonté) et qu’il n’y en ai pas eu en l’espèce n’est pas suffisant, selon le juge, pour écarter l’acceptation du contrat.

 

Le contrat n’est pas susceptible d’être annulé pour incertitude

 

Le défendeur alléguait, dans un second temps, que le contrat devait être annulé pour « uncertainty » (incertitude), à savoir que ses éléments essentiels n’étaient pas suffisamment déterminés pour qu’il soit valable.

En effet, en l’espèce seule une photographie d’une seule page avait été envoyée à la société agricole avant son acceptation par le pouce en l’air.

Là encore, le juge canadien relève que les parties entretenaient des relations commerciales depuis de nombreuses années, au cours desquelles leurs obligations contractuelles avaient pu être établies de manière répétée.

De plus, le juge relève que le document transmis comportait bien le bien vendu, le prix et les parties.

En conséquence, le contrat était valable et valablement formé, et le vendeur qui n’a pas livré le produit est condamné au paiement de dommages et intérêts correspondant à la hausse de prix du lin entre le moment de l’acceptation du contrat et le jour où celui-ci n’a pas été honoré, pour un total de près de 82.000$.

On peut, à notre sens, considérer qu’un juge français saisi du sujet serait arrivé à la même conclusion, l’article 1113 du code civil énonçant que « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. » L’emoji de la présente affaire est, selon nous, sans équivoque.

 

 

 

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