Dans un jugement du 27 juin 2024, le Tribunal Judiciaire de Paris s’est prononcé sur les conditions de démonstration de l’originalité d’un logiciel
Contexte : une action en contrefaçon de logiciel
Une société éditait et distribuait une solution informatique complète de gestion d’officines de pharmacie.
Elle avait signé un contrat de prestation informatique avec une autre société partenaire aux termes duquel cette dernière était autorisée à utiliser son logiciel installé chez des pharmaciens pour extraire et structurer les données des officines, en contrepartie du paiement d’une redevance mensuelle.
Quelques années plus tard, l’éditeur du logiciel pour officines était contacté par plusieurs de ses clients à la suite d’un message d’erreur apparaissant sur le serveur du logiciel et elle a constaté que plusieurs programmes anormaux du logiciel avaient été exécutés et avaient générés des flux anormaux. Parallèlement, le partenaire précité lui faisait parvenir une demande de désactivation de certaines des pharmacies couvertes par le contrat signés entre les parties. Par la suite, le partenaire a lancé son propre logiciel.
Après avoir pratiqué plusieurs saisies contrefaçon, l’éditeur a assigné son ancien partenaire devant le Tribunal Judiciaire de Paris en contrefaçon de son logiciel et en concurrence déloyale et parasitaire pour l’avoir utilisé sans autorisation.
Solution : la preuve de l’originalité du logiciel non rapportée faute de communication des sources
Sans code source, l’originalité d’un logiciel ne peut être appréciée
Pour mémoire, un logiciel n’est protégeable que sous réserve son originalité soit démontrée. Pour démontrer le respect de la condition d’originalité nécessaire au bon succès de l’action en contrefaçon de son logiciel, le demandeur produisait un rapport d’expertise ne contenant pas l’intégralité du code source de son logiciel mais seulement trois extraits.
Selon le Tribunal Judiciaire de Paris les conclusions de l’expert « apparaissent d’une faible valeur probante » en ce qu’il n’a pas pu se voir communiquer l’intégralité du code source. En effet, ce dernier s’était vu communiquer seulement trois extraits du code source du logiciel.
L’originalité d’une œuvre s’apprécie au regard de l’œuvre dans son ensemble afin d’apprécier l’existence d’un effort personnalisé allant au-delà « d’une logique automatique et contraignante ». Ainsi, en l’absence de communication de l’intégralité du code source et en présence seulement d’extraits choisis (minutieusement) par la demanderesse, le Tribunal Judiciaire de Paris n’a pas pu apprécier l’originalité du logiciel.
La demande fondée sur la contrefaçon de logiciel a donc été rejetée.
Le secret ne peut justifier l’absence de communication intégrale du code source
C’est dans l’objectif de conserver secret son code source que le demandeur soutenait avoir délibérément communiqué seulement trois extraits à l’expert dont les conclusions allaient, selon elle, permettre de démontrer l’originalité de son logiciel.
Le Tribunal Judiciaire de Paris précise cependant qu’il lui appartenait d’aménager la communication du code source ou de ses extraits au cours de la procédure, le cas échéant en saisissant le juge de la mise en état d’un incident.
Cette décision confirme une nouvelle fois que la preuve de l’originalité d’un logiciel n’est pas une mince affaire (cf. notamment en ce sens un arrêt de CA de Nancy du 5 février 2024 ayant également conclu au défaut d’originalité).
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