Marque trompeuse : tout œuf de poisson n’est pas du caviar

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 11 juin 2021 (RG n°20/12605), la Cour d’appel de Paris a dû déterminer si le signe « DELIKATESSEN KAVIARI PARIS » pouvait être considéré comme trompeur.

 

 

Contexte :

La société parisienne KAVIARI, reconnue pour ses caviars et ses produits de la mer, a soumis à l’enregistrement fin 2018 la marque suivante :

Ayant vocation à être utilisée pour désigner ses boutiques parisiennes, la marque était déposée notamment pour des services de vente et de restauration ainsi que pour divers produits alimentaires, parmi lesquels les « œufs de poissons préparés ».
L’INPI n’avait accepté l’enregistrement que partiellement, estimant que le terme « Kaviari » serait trompeur pour les œufs de poissons dès lors qu’il laisserait entendre qu’il s’agirait de caviar, alors que tel n’était pas nécessairement le cas.
Un recours ayant été formé par la société KAVIARI (qui disposait déjà de plusieurs marques éponymes visant entre autres les œufs de poissons), la Cour d’appel de Paris a été saisie de l’affaire.

Solution :

Estimant qu’il n’y avait pas de risque de tromperie du consommateur, la société KAVIARI mettait notamment en avant le fait que le terme « Kaviari » n’était pas l’élément dominant de son signe et que, bien qu’évocateur, il était différent tant visuellement que phonétiquement du terme « caviar ».

Mais la Cour d’appel donne raison à l’INPI, relevant que le caviar est un produit basé uniquement sur les œufs de l’esturgeon, et que le consommateur qui achèterait des œufs de poisson affublés de la marque « KAVIARI » pourraient légitimement croire qu’il s’agirait de caviar alors même que les œufs pourraient en réalité être issus d’autres poissons.
Le risque de tromperie est au demeurant accentué par la réputation du caviar, produit connu essentiellement pour son prix et immédiatement associé au luxe : un consommateur moyen ne consommant selon la Cour que rarement du caviar, il n’a pas l’habitude d’y être confronté et pourrait donc plus facilement trompé par le terme « Kaviari ».

Enfin, le fait que le mot « Kaviari » ne soit pas l’élément dominant du signe n’atténue pas le risque de tromperie. Bien au contraire : sa présentation, sous le mot « Delikatessen », dans une police de petite taille, pourrait laisser penser au consommateur qu’il s’agit d’une mention portant sur les caractéristiques du produit !
Le juge confirme donc le rejet partiel de l’enregistrement, sur le fondement de l’article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Résumé :

Si une marque peut être évocatrice des produits et services qu’elle vise, en revanche elle ne doit pas tromper le consommateur sur les qualités de ces produits et services. En l’occurrence, le terme « Kaviari », utilisé pour désigner des œufs de poissons qui ne sont pas nécessairement du caviar, a été considéré comme trompeur.

 

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Bruit de l’ouverture d’une canette : la marque sonore fait pschitt !

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 7 juillet 2021 (T-668/19), le Tribunal de l’Union Européenne a dû se prononcer sur l’enregistrement d’une marque sonore imitant l’ouverture d’une canette.

 

Contexte :

La société Ardhag, fabricante de conteneurs en verre et métal et notamment de canettes, a demandé en juin 2018 l’enregistrement d’une marque visant divers produits tenant aux boissons et à leurs conteneurs.
La particularité de cette marque est qu’elle était sonore : on y entendait donc le son familier de l’ouverture d’une canette, suivi d’une seconde de silence puis d’une dizaine de secondes de bulles qui pétillent.
L’enregistrement a néanmoins été refusé, pour défaut de distinctivité, et la déposante a formé un recours.

Solution :

Pour être distinctif, un signe doit pouvoir être perçu par le consommateur comme une indication d’origine des produits et services et différencier ces derniers de ceux d’une autre entreprise. Et ce, comme le rappelle le Tribunal, quelle que soit la forme de la marque !
Or, le son en cause serait immédiatement perçu par un consommateur comme le son émit par une canette à son ouverture, et est donc inhérent aux produits visés par la demande de marque.
Dès lors, le signe sonore ne serait perçu que comme un simple élément fonctionnel, et n’est pas distinctif, car le consommateur qui entendrait ce son n’en déduirait pas qu’il identifie une marque.
L’absence de distinctivité est donc confirmée par le Tribunal, et ce y compris pour des boissons non gazeuses (qui ne pétillent donc pas).
Le Tribunal rappelle toutefois qu’une marque sonore n’est pas une marque tridimensionnelle : dès lors, la jurisprudence propre à ces marques « de forme » qui tend à rejeter la distinctivité de formes courantes et habituelles sur le marché concerné, n’était pas applicable ici.

Résumé :

Comme toute marque, un son doit être distinctif pour être protégé, c’est-à-dire pouvoir être compris par consommateur comme l’identification de l’origine de produits et services. Tel n’est pas le cas d’un son purement fonctionnel, par exemple l’ouverture d’une canette et le pétillement de bulles pour des boissons.

 

Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat marques du cabinet SOLVOXIA. 

Marque Monopoly : il ne faut pas jouer sinon passage par la case nullité !

Avocat droit des marques NantesIl ressort de l’article 52 §1, b) du Règlement (CE) n°207/2009 du 26 févier 2009 (applicable à l’espèce) qu’encourt la nullité toute marque de l’Union européenne qui aurait été déposée de mauvaise foi. Dans une affaire récente, le Tribunal de l’Union européenne a eu l’occasion de se prononcer sur la question de savoir si un dépôt de marque réalisé en partie dans le but d’échapper à la démonstration de son usage sérieux pour les produits et services désignés pouvait être considéré comme réalisé de mauvaise foi (T-663/19).

 

Contexte :

Le 30 avril 2010, la société HASBRO a déposé la marque de l’Union européenne « MONOPOLY » n°9071961 en classes 9, 16, 28 et 41.

Elle avait précédemment déposé 3 autres marques de l’Union européenne, portant pour partie sur des produits et services identiques.

Considérant que le dépôt de la marque précité avait été réalisé de mauvaise foi (notamment pour éviter d’avoir à fournir la preuve de l’usage sérieux de ses marques pour les produits et services désignés), la société KREATIVNI DOGADAJI a sollicité sa nullité devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (OUEPI), requête refusée puis partiellement accueillie par la chambre de recours de l’OUEPI.

Un recours a donc été formé par la société HASBRO devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE).

Solution :

Le TUE a commencé par souligner qu’il fallait entendre la notion de « mauvaise foi » dans son acception courante, à savoir qu’il y a mauvaise foi « lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine ».

Il a ensuite notamment rappelé que la règle selon laquelle encourt la déchéance pour non usage une marque qui n’est pas utilisée passée un délai de cinq ans a pour objectif de faire une balance entre les intérêts du titulaires des droits sur une marque et ceux de ses concurrents.

Il a enfin conclu que le fait de réitérer des dépôts de marques pour des produits/services identiques dans le but d’échapper à l’obligation de fournir des preuves d’usages, notamment dans le cadre de procédures d’oppositions, doit être considéré comme preuve de mauvaise foi, peu importe le fait qu’il puisse s’agir d’une pratique prétendument courante.

Le Tribunal a donc rejeté le recours formé et confirmé la décision de la chambre de recours de l’OUEPI en ce qu’elle avait déclaré la marque contestée nulle pour les produits/services identiques aux dépôts précédents.

 

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Recette réussie d’un dépôt de marque : les ingrédients de la disponibilité du signe et de la bonne foi ne doivent pas être oubliés !

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 28 avril dernier, le Tribunal de l’Union Européenne s’est prononcé sur la validité d’un dépôt de marque reproduisant le prénom célèbre d’une présentatrice de télévision.

 

 

Contexte :

En l’espèce, la société France Agro avait déposé une demande de marque de l’Union Européenne « Choumicha Saveurs », portant notamment sur des produits alimentaires et du fourrage pour animaux.
Or, le nom « Choumicha » était utilisé par la présentatrice d’émissions culinaires télévisées au Maroc Choumicha Chafay, qui bénéficiait d’une certaine notoriété dans l’Union Européenne et était titulaire de plusieurs marques au Maroc et dans l’Union Européenne incluant ce nom.
Cette dernière avait donc présenté une demande de nullité de la marque « Choumicha Saveurs » pour l’ensemble des produits qu’elle désignait, reprochant au déposant d’avoir été de mauvaise foi lors du dépôt.
Néanmoins, la division d’annulation avait rejeté la demande en nullité dans son ensemble. La requérante avait alors formé un recours auprès de l’EUIPO contre ladite division.
La cinquième chambre de recours de l’EUIPO s’était prononcée le 9 mars 2020 dans une décision faisant droit au recours de l’intervenante, estimant que le motif de nullité qu’elle avait soulevé pouvait s’appliquer en l’espèce.
La société France Agro avait donc saisi le Tribunal de l’Union Européenne.

Solution :

Le Tribunal de l’Union Européenne avait confirmé la décision de la chambre des recours de l’EUIPO, estimant que la marque encourrait la nullité pour deux fondements, qui pouvaient parfaitement être cumulés.
Tout d’abord, le Tribunal avait relevé que le demandeur, lui-même originaire du Maroc, avait connaissance de la notoriété de Choumicha Chafay et avait volontairement, par son dépôt, souhaité entretenir avec une confusion avec cette dernière.
Dès lors, le Tribunal de l’Union Européenne avait considéré que la mauvaise foi du déposant découlait de son intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts d’un tiers en particulier. En effet, le Tribunal avait souligné qu’« en déposant une marque créant une association dans l’esprit du public entre les produits commercialisés et l’intervenante, la requérante n’a pas eu pour but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais bien de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de l’intervenante, en bénéficiant de manière indue de sa réputation et en l’empêchant de l’exploiter sur le territoire de l’Union. »
Ensuite, en déposant un nom utilisé par un tiers jouissant d’une certaine réputation, la demande d’enregistrement portait également atteinte à un « droit au nom », qui était un droit antérieur justifiant un refus d’enregistrement visé par le règlement européen sur les marques.
Le Tribunal de l’Union Européenne a donc prononcé en conséquence la nullité de la marque.

Résumé :

Ainsi, il convient avant de déposer une marque de s’assurer qu’elle est bien disponible, c’est-à-dire qu’elle ne porte pas atteinte à des droits antérieurs, parmi lesquels peuvent figurer les noms de tiers !
Réaliser une recherche d’antériorité avant tout dépôt de marque permet de s’assurer de la disponibilité de cette dernière et de la sécuriser, évitant que tout tiers étant titulaire d’un droit antérieur este en justice, comme ce fut le cas en l’espèce.

 

Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat marques du cabinet SOLVOXIA.