Droits du producteur sur une base de données mouvante

Propriété intellectuelle base de donnéesDans une décision du 2 février dernier, la cour d’appel de Paris a été amenée à confronter, de manière particulièrement intéressante, le droit des producteurs de base de données aux bases de données « évolutives », en l’occurrence Le Bon Coin, dans lesquelles le contenu change constamment.

 

 

Contexte :

Aujourd’hui, il ne semble plus guère utile de présenter la plateforme numérique Le Bon Coin, qui offre un moyen à ses utilisateurs de mettre en ligne et consulter des petites annonces de tous types.
Devant la quantité de contenu quotidiennement mis en ligne sur ce site internet, il est devenu un acteur commercial quasi-incontournable, et certains tiers ont pu être tentés de chercher à collecter certains types d’annonces de manière à les répertorier sur leur propre plateforme.
C’était le cas, en l’espèce, pour la société Entreparticuliers.com, qui propose un service d’hébergement d’annonces immobilières destinées aux particuliers, et recourrait à un prestataire pour collecter et récupérer, de manière automatisée, toutes les nouvelles annonces immobilières publiées par les particuliers sur Le Bon Coin.
Le Bon Coin invoquait donc sa qualité de producteur de sa base de données pour demander à ce qu’il soit interdit à Entreparticuliers.com d’extraire et de réutiliser les contenus publiés sur sa plateforme.
Le producteur d’une base de données bénéficie en effet d’une protection sur le contenu de cette base lorsqu’il justifie avoir engagé des investissements importants pour sa constitution, sa vérification ou sa présentation.
La difficulté tenait toutefois notamment au fait que Le Bon Coin n’était pas le créateur de la base de données, mais l’avait acquis par le rachat de la société qui en était à l’origine, en 2011 : dès lors, il n’avait pas pu engager lui-même d’investissements pour la création de la base.

Solution :

Une base de données telle que celle utilisée par Le Bon Coin présente notamment comme particularité d’avoir un contenu constamment renouvelé, les internautes pouvant librement poster leurs annonces.
Dès lors, la base de données telle qu’existant à sa création n’avait plus rien à voir avec celle existant au jour de l’action en justice, qui elle-même n’a probablement plus grand-chose en commun avec celle qui existe au jour de l’écriture de cette brève.
La cour d’appel prend pleinement la mesure de cette particularité et du caractère mouvant de la base pour adapter le droit des producteurs de base de données, davantage conçu pour des bases fixes.
Elle estime ainsi que, pour savoir si Le Bon Coin peut se prévaloir d’une protection sur la base, il est nécessaire de vérifier si, depuis qu’il a obtenu la propriété de la plateforme, il a lui-même engagé des investissements substantiels.
Or, ainsi qu’elle le relève, ces investissements n’ont pas manqué, Le Bon Coin ayant engagé des coûts importants pour le stockage des contenus, pour la publicité de son site, et pour maintenir une équipe salariale dédiée notamment à la gestion de la base et la vérification du contenu des annonces.
Dès lors, la protection au titre de producteur de base de données (d’une durée de 15 ans) pourra a priori se renouveler et s’étendre à l’infini tant que Le Bon Coin continuera à engager des frais pour maintenir sa plateforme en bon état de fonctionnement.
Logiquement, Entreparticuliers.com est donc condamné pour l’extraction automatique et la réutilisation des données.

Résumé :

Pour bénéficier d’une protection au titre de producteur d’une base de données, il faut justifier avoir réalisé des investissements substantiels pour la constitution, la vérification et la présentation de cette base. Lorsque le contenu de la base de données est en perpétuelle évolution, ce qui est notamment le cas lorsque les utilisateurs sont libres d’y ajouter leurs contenus, alors la protection est renouvelée tant que le producteur réalise des investissements.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, des avocats propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA se tiennent à votre disposition. 

Droit d’auteur : dans la brigade de création d’un livre de recettes, le chef cuisinier n’était que commis !

Avocat droit d'auteur NantesLa cour d’appel de Versailles, dans une décision du 2 mars 2021 (n° 18/08237), a dû déterminer le statut juridique d’un livre de recettes, et surtout qui était titulaire des droits d’auteur sur cet ouvrage.

 

Contexte :

Forte du succès d’un premier livre consacré à ses recettes sucrées, la célèbre maison Ladurée a entamé en 2009 la création d’un nouveau recueil intitulé « Ladurée Salé ».

Diverses personnes ont contribué à l’élaboration de l’ouvrage, notamment des salariés de Ladurée et d’autres de la maison d’édition Hachette, des photographes et stylistes, ainsi qu’un chef cuisinier de la maison Ladurée qui a apporté les recettes.

Le chef cuisinier, licencié quelques années plus tard, revendiquait des droits d’auteur en tant que coauteur du livre, ce à quoi s’opposaient à la fois Ladurée et Hachette.

Une recette de cuisine n’étant pas protégeable par le droit d’auteur, dans la mesure où il s’agit d’un savoir-faire et non d’une véritable œuvre de l’esprit, le cuisinier fondait ses demandes sur ses apports dans la création du livre : choix des recettes et de leur classement, dressage des plats pour les photographies, sélection des intitulés, rédaction des sections « Conseils du chef »…

Tout l’enjeu résidait ici dans la qualification retenue pour le livre de recettes, auquel de multiples personnes avaient contribué :

• Pour le chef cuisinier, il s’agissait d’une œuvre de collaboration, à laquelle plusieurs auteurs avaient participé avec une certaine forme de liberté, l’ensemble des coauteurs étant copropriétaires des droits d’auteur sur l’œuvre.

• Pour Ladurée et Hachette, il s’agissait d’une œuvre collective, dont la société Ladurée était la commanditaire, avait assuré le contrôle de son élaboration et l’avait édité sous son nom. Or, De la même manière qu’un plat est crédité à un chef et non aux cuisiniers, une œuvre collective appartient à la personne qui en a l’initiative et non aux contributeurs.

En première instance, le juge avait considéré que le livre de recettes était une œuvre collective, ce qui revenait à priver le cuisinier de ses droits d’auteur.

Solution :

La cour d’appel valide cette qualification, procédant à un examen des contributions du chef cuisinier et surtout de sa liberté de création.

Elle estime ainsi que si le chef a effectivement proposé un grand nombre de recettes, seule une portion ont été retenue par la directrice commerciale de Ladurée et la responsable éditoriale de Hachette, ces dernières ayant au surplus proposé le plan de l’ouvrage et la classification des recettes en moments de la journée.

Elle ajoute que si le dressage des plats pour les photographies correspondait à un simple savoir-faire technique, non susceptible d’être protégé par le droit d’auteur.

Enfin, s’agissant des « Conseils du chef », la cour relève que leur concept était emprunté au précédent livre de recettes Ladurée, et qu’en tout état de cause le chef cuisinier ne rapporte pas la preuve qu’il en est l’auteur.

En définitive, si le chef cuisinier a incontestablement contribué à l’élaboration du livre de recettes grâce à son savoir-faire culinaire, son apport s’est finalement fondu dans le livre pris comme un tout, la création de ce dernier ayant été de bout en bout entre les mains de la direction de la société Ladurée.

Résumé :

En cuisine, un plat est bien souvent plus que la somme de ses ingrédients, qui s’y fondent et se mélangent. De la même manière, la contribution du chef dans l’élaboration du livre de recettes, autre que ses apports purement techniques lié à ses compétences de cuisinier, se fondait dans ce livre dont la confection demeurait contrôlée par son employeur.

Le livre de recettes devait dès lors être qualifié d’œuvre collective, et seule la maison Ladurée était titulaire des droits d’auteur.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, des avocats droit d auteur du cabinet SOLVOXIA se tiennent à votre disposition. 

Le conseil d’état admet l’innocuité de l’hébergement par AWS des données traitées par Doctolib

Avocat rgpdLa campagne de vaccination contra la Covid-19 se poursuit, et devrait encore s’intensifier le 15 juin prochain, date à compter de laquelle les prises de rendez-vous seront ouverts à tous. Alors qu’on estime qu’au 25 juin prochain, la moitié de la population française devrait avoir été vaccinée, une ordonnance récente du Conseil d’Etat (CE, ord. 12 mars 2021 : n°450163) est l’occasion de faire un point sur la question du traitement des données personnelles de Doctolib.

 

Contexte :

Pour la mise en œuvre des mesures de vaccination contre la Covid-19, le Ministère de la Santé a confié la gestion de la prise de rendez-vous sur internet à différents prestataires, dont la société Doctolib. Or, pour l’hébergement des données qu’elle recueille, la société Doctolib fait appel aux services de la société luxembourgeoise Amazon Web Services, filiale de la société américaine du même nom, mais dont les serveurs dédiés sont situés en France et en Allemagne.

Or rappelle toutefois que par décision en date du 16 juillet 2020, la CJUE a invalidé le Privacy Shield, en vertu duquel le transfert de données de l’UE vers les Etats Unis pouvait précédemment être envisagé.

Considérant que l’hébergement de données de santé par une filiale d’une société américaine était incompatible avec les exigences du RGPD, plusieurs associations médicales ont initié une procédure en référé par devant le Conseil d’Etat, aux fins d’obtenir la condamnation du Ministère de la Santé d’avoir recours à d’autres solutions, ou d’obtenir sinon l’avis de la CNIL.

Ces associations considéraient notamment qu’il existait un risque d’atteinte à la protection des données, dès lors que la législation américaine ne garantissait pas un niveau de protection des données personnelles conforme, et que demeurait encore la possibilité d’un transfert des données vers les Etats Unis sur demande d’accès par les autorités américaines en application de l’article 702 du « Foreign Intelligence Surveillance Act ».

Tant le Ministre de la Santé que la société Doctolib ont soutenu qu’il n’existait pas d’atteinte grave et manifestement illégale au droit de la protection des données personnelles, et qu’il existait en outre un intérêt public visant à permettre la poursuite de l’utilisation des services de prise de rendez-vous de Doctolib pour les besoins de la gestion de l’urgence sanitaire et de la lutte contre la pandémie.

Solution :

Le Conseil d’Etat rejette la requête des associations demanderesses, considérant qu’il n’y a pas d’atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et au droit à la protection des données personnelles. Il considère également qu’il n’y a pas lieu de solliciter l’avis de la CNIL.

Et pour arriver à cette conclusion, le Conseil d’Etat a retenu plusieurs critères :

• la nature des données concernées (en l’occurrence uniquement des données d’identification des personnes et des données relatives aux rendez-vous mais pas de données de santé sur les éventuels motifs médicaux d’éligibilité à la vaccination, la prise de rendez-vous ne s’appuyant que sur une certification sur l’honneur de la personne) ;

• le délai de conservation des données (lesquelles sont supprimées au plus tard 3 mois après la date de rendez-vous, avec possibilité pour chaque personne de supprimer son compte de la plateforme) ;

• l’existence d’un addendum conclu entre Doctolib et AWS, instaurant une procédure précise en cas de demandes d’accès par une autorité publique aux données traitées prévoyant notamment la contestation de toute demande générale ou ne respectant pas la réglementation européenne ;

• la mise en place d’une sécurisation des données, par leur chiffrement, par la société Doctolib.

Résumé :

Outre le caractère actuel du sujet, s’agissant du traitement des données liées à la campagne de vaccination Covid 19, la décision est intéressante en ce qu’elle est un exemple de mise en conformité dans le cas d’une application éventuelle d’un transfert vers les Etats Unis, depuis l’invalidation du Privacy Shield.

Ainsi, limitation des données, de leur durée de conservation, choix de se soumettre contractuellement aux exigences du RGPD et mesures techniques organisationnelles permettent une mise en conformité en pratique.

 

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter un avocat protection des données personnelles du cabinet SOLVOXIA qui se tiendra à votre disposition. 

Changement de logiciel : les données ne suivent pas

Avocat logicielPour une société, changer de logiciel n’est pas anodin. Outre les éventuels problèmes informatiques qui peuvent accompagner ce changement (particulièrement pour une solution individualisée), se pose également la question du transfert de ses données de l’ancien logiciel vers le nouveau. Dans sa décision du 7 avril 2021 (n°19/02615), la cour d’appel de Paris a pu réfléchir aux conséquences juridiques de ce transfert de données.

 

Contexte :

Souhaitant changer de logiciel de gestion immobilière, a passé commande d’un nouveau logiciel intitulé « Crypto Organisateur, Gérance et Transaction » proposé par un prestataire différent.
Deux devis ont été signés, relatifs respectivement à la licence d’utilisation du logiciel et à un service d’assistance et maintenance, sans que la question du transfert des données de l’ancien logiciel ne soit abordée.
Ce transfert s’avérant finalement impossible, le client reproche à son prestataire de ne pas l’avoir averti au préalable sur les contraintes techniques pour la récupération de ses données, et s’oppose donc au paiement du logiciel.
Il assigne ensuite sa cocontractante en justice, et sollicite à la fois la nullité de la licence pour erreur et la résolution du contrat pour manquement du prestataire à son obligation de conseil.

Solution :

Le client invoquait d’abord une erreur sur les prestations prévues au contrat, alléguant que pour lui la licence impliquait nécessairement la reprise des données de son ancien logiciel (notamment de ses données client).
Le juge relève toutefois qu’aucun élément ne tend à laisser croire qu’une prestation de récupération et transfert de données était entrée dans le champ contractuel : aucune mention d’un transfert de données ne figurait au contrat, et le client ne démontre pas qu’il aurait indiqué à son cocontractant en quoi cette reprise était essentielle pour lui.
Au surplus, le juge relève que le client peut parfaitement utiliser le logiciel, dont aucun dysfonctionnement n’est allégué, même sans les données client stockées dans l’ancien logiciel.
S’agissant ensuite de l’obligation de conseil, le client reprochait au donneur de licence de ne pas l’avoir l’informé sur l’impossibilité technique de procéder à la migration de ses fichiers vers le logiciel nouvellement acquis.
Cet argument ne fait pas davantage mouche.
Le juge considère en effet que le prestataire ne s’était pas engagé contractuellement à procéder au transfert des fichiers de son client, et que dans le cadre de son contrat d’assistance et de maintenance, il a bien informé son client de l’impossibilité du transfert (après la livraison du logiciel donc).
Dès lors, le prestataire n’a pas manqué à ses obligations contractuelles ; en revanche, son client qui s’est opposé au paiement des factures n’avait donc pas de motif valable pour se faire.
Devant cette inexécution du paiement, le prestataire était ainsi fondé à suspendre sa mission d’assistance en coupant l’accès à sa hotline.

Résumé :

En cas de changement de logiciel, le transfert des données présentes dans le logiciel ancien vers le nouveau n’est pas une obligation automatiquement à la charge du prestataire fournissant le nouveau logiciel.
Dès lors, si le client souhaite pouvoir transférer ses données, notamment clientes (et donc ne pas avoir à toutes les ressaisir manuellement), il est impératif qu’il intègre cette obligation dans le champ contractuel.

 

Pour plus d’information sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat en propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA. 

T’as le look coco, mais Huawei a le droit…

Avocat droit des marques NantesUne marque de renommée bénéficie d’une protection étendue, lui permettant de s’opposer à une reprise identique ou similaire du signe y compris pour des produits et services qui ne serait pas identiques ou similaires à ceux visés dans son libellé. Mais encore faut il qu’il y ait bel et bien une reprise identique ou similaire du signe. Dans une affaire opposant le fabricant chinois de smartphones HUAWEI au couturier de luxe CHANEL, la haute technologie l’emporte de nouveau face à la haute couture, le Tribunal de l’Union Européenne ayant confirmé que les signes en cause étaient différents.

Contexte :

Fin septembre 2017, la société HUAWEI TECHNOLOGIES dépose une demande d’enregistrement d’une marque de l’UE figurative, pour divers produits de technologie numérique de la classe 9 :

La société CHANEL s’oppose alors à cette demande, en invoquant deux de ses marques, dont l’une ne vise pas de produits en classe 9, mais est décrite comme bénéficiant d’une renommée justifiant qu’il soit fait exception au principe de spécialité :

La division d’opposition de l’Office rejette l’opposition en mars 2019. CHANEL forme un recours devant l’EUIPO, qui confirme en novembre 2019 le rejet de l’opposition, considérant notamment que la marque demandée était différente de la marque prétendument renommée.

CHANEL persiste, et forme donc devant le Tribunal de l’Union Européenne un recours contre la décision de l’EUIPO.

S’agissant de l’appréciation de la ressemblance entre les signes, CHANEL soutient notamment l’argument qu’il devrait être tenu compte de la marque demandée dans une orientation autre que celle dans laquelle elle était déposée, puisqu’il convient de tenir compte de la perception que le public peut en avoir lorsque la marque est apposée sur les produits mis sur le marché indépendamment des intentions de son titulaire.

Solution :

Le TUE confirme la position retenue par l’EUIPO, et indique que dans le cadre de la comparaison des signes, il y a bel et bien lieu de comparer la marque prétendument renommée et la marque demandée dans la forme sous laquelle elles ont été enregistrée ou demandée, indépendamment de toute éventuelle rotation lors de leur utilisation sur le marché.

Le Tribunal juge ensuite qu’en l’espèce, s’agissant de marque purement figurative, il n’y a pas lieu de procéder à leur comparaison au plan phonétique, puisqu’elles ne peuvent pas être prononcées.

Au plan visuel, il est retenu certaines ressemblances certes (utilisation d’un cercle de couleur noire, deux courbes noires entrelacées et se croisant en miroir inversé, courbes que ledit cercle entoure ; utilisation d’une ellipse centrale résultant de l’entrecroisement des courbes), mais que des différences résultent toutefois :

  • de la forme plus arrondie des courbes de la marque renommée,
  • de la stylisation différentes des courbes et leurs disposition (horizontale dans la marque demandée, verticale dans la marque renommée)
  • de l’orientation de l’ellipse centrale
  • de l’épaisseur plus importante du trait des courbes dans la marque prétendument renommée par rapport aux traits de la marque demandée ;
    du caractère plein ou interrompu des courbes au niveau de leurs intersection.

Au plan conceptuel, le Tribunal retient que la marque prétendument renommée renvoie aux initiales de la fondatrice de la société CHANEL, tandis que la marque demandée renvoie à la lettre « h » résultant de l’entrecroisement des deux lettres « u » de la marque demandée, de sorte que les signes seraient également différents au plan conceptuel.

Si au plan des principes la décision parait justifiée, lorsqu’elle indique qu’il convient de tenir compte des signes tels que déposés et non pas selon leur exploitation sur les produits, elle appelle toutefois qu’elles réflexion à notre sens :

• S’agissant tout d’abord de l’appréciation au plan visuel, le Tribunal retient qu’il n’y a pas lieu de retenir un changement d’orientation. La position est intéressante lorsqu’on la compare à la jurisprudence française, qui avait retenu en matière de marque verbale qu’il y avait imitation entre les marques « ITAT » et « TATI » à raison de « l’effet miroir » utilisé (Paris, 4e ch., 26 nov. 2008 : PIBD 2009, 888, III, 758).

• Concernant l’appréciation au plan conceptuel, il est également intéressant de relever qu’alors que le Tribunal pose qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des conditions d’exploitation, il retient avec certitude que la référence à la lettre « h » sera perçu par le public. La question pourrait toutefois à notre sens être davantage discuté, dès lors que sans connaitre le nom du déposant, la lisibilité de la lettre « H » dans la marque demandée ne nous apparait pas si évidente que cela.

Résumé :

Selon cette décision du TUE, lorsqu’il s’agit de comparer les signes en cause (que ce soit pour l’appréciation de la similitude entre le signe demandé et une marque antérieure renommée ou entre le signe demandé et une marque antérieure dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion), il ne peut être tenu compte que du signe tel que déposé, sans tenir compte d’un simple changement d’orientation.
La décision montre aussi qu’en matière de comparaison des signes, la subjectivité est de mise.

A rappeler également qu’en ce qui concerne l’atteinte à une marque renommée, le tribunal l’écarte ici sans se positionner sur les deux autres critères imposés (preuve de la renommée de la marque invoquée, et preuve de ce que l’usage du signe demandé tirerait profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porterait atteinte) dès lors que la similitude même des signes n’est pas avérée.
Reste à savoir si CHANEL formera un recours devant la CJUE à l’encontre de cette décision. Affaire à suivre ?

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat marque du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition.