Nom de groupe : ne peut prétendre au titre de Gipsy King qui veut !

Avocat droit des MarquesPar un arrêt du 19 janvier 2021 (n° 18/07991), la cour d’appel de Paris a dû déterminer qui, parmi les membres d’un groupe de musique s’étant scindé, pouvait continuer à utiliser le nom du groupe.

 

 

Contexte :

Près de 45 ans après sa formation, les Gipsy Kings, groupe du sud de la France célèbre pour ses mélanges d’influences gitanes et catalanes et surtout pour des tubes tels que « Bamboléo » ou « Djobi, Djoba », continue de faire l’actualité – juridique cette fois.

A sa création, le groupe était résolument familial : il réunissait en effet 5 frères de la famille REYES, 3 de leurs cousins (la famille BALIARDO) et leur beau-frère Chico BOUCHIKHI.

Un premier conflit émergeait au début des années 1990, en raison du dépôt d’une marque « Gipsy Kings » par Monsieur BOUCHIKHI en son nom propre, et visiblement sans l’aval du reste du groupe, qui avait conduit à son évincement de la formation.

L’affaire n’en était pas restée là, et était remonté jusqu’à la Cour de cassation, cette dernière ayant finalement a interdit à Monsieur BOUCHIKHI d’user de l’appellation Gipsy Kings, sauf pour se prévaloir de sa qualité d’ancien membre du groupe.

Par la suite, plusieurs membres du groupe initial l’ont quitté, certains d’entre eux rejoignant ou formant d’autres groupes, et de nouveaux membres ont de manière régulière ou temporaire rejoint Nicolas REYES et Tonino BALIARDO, les deux derniers membres originaux, pour se produire en concert ou enregistrer des titres sous l’appellation Gipsy Kings.

En 2017, Monsieur BOUCHIKHI et trois autres membres du groupe original ont enregistré un nouveau titre en tant que « Gipsy Kings et Chico », avant de donner plusieurs concerts sous ce nom.

Nicolas REYES et Tonino BALIARDO ont alors assignés leurs anciens compagnons en justice, se revendiquant comme les « véritables » Gipsy Kings et souhaitant donc interdire l’utilisation de cette appellation par toute autre formation.

Solution :

Juridiquement, déterminer la propriété du nom du groupe n’était pas si évident : les membres du groupe original sont nombreux et sans meneur établi (on se souvient notamment du sketch parodique des Inconnus, qui se moquait de la quantité de membres du groupe), tous aussi fondés à se revendiquer comme Gipsy King, et sont donc tous copropriétaire de l’appellation.

C’est donc finalement sur le régime de l’indivision des biens que le juge se fonde pour déterminer qui peut, ou non, endosser le titre de Gipsy Kings, parmi les deux formations revendiquant l’utilisation du nom : celle composée de deux membres ayant toujours utilisé ce nom, ou celle de quatre membres ayant temporairement quitté le groupe pour d’autres projets musicaux ?

Le juge rejette d’abord les demandes tendant à interdire à toute personne autre que Nicolas REYES et Tonino BALIARDO d’utiliser le nom Gipsy

Kings : en effet, plusieurs membres du groupe original n’étaient pas parties à l’affaire et ne pouvaient donc se voir retirer leur propriété sur le nom sans avoir pu s’y opposer.

Il établit en revanche que la continuité du projet artistique servant de support à l’appellation Gipsy Kings était assurée par Nicolas et Tonino : ces derniers étaient auteurs-compositeurs de la plupart des titres et étaient restés présents en permanence dans le groupe depuis sa formation.

La cour d’appel considère en conséquence, comme le tribunal avant elle, que la seconde formation n’assurait pas la continuité du projet artistique, d’autant plus qu’elle incluait un membre déjà évincé (en droit comme en fait) du groupe, et a de ce fait perdu le droit d’utiliser le nom Gipsy Kings, et les condamne par ailleurs pour concurrence déloyale pour l’utilisation de ce nom.

Résumé :

Les membres d’un groupe de musique sont, sauf arrangement contractuel différent, propriétaires indivis du nom de groupe. En cas de conflit suite à la séparation du groupe sur l’usage de son nom, le ou les membre(s) qui prouvent qu’ils assurent la continuité du projet artistique peuvent utiliser le nom du groupe et même interdire aux anciens membres tout usage.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en droit auteur du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Ne tire pas la langue qui veut !

Avocat droit d'auteurS’il est un emblème du rock connu d’un très grand nombre, celui des Rolling Stones en est un exemple parfait ! Et il n’est pas sans risque d’en faire un usage commercial, même détourné. Un jugement récent du Tribunal Judiciaire de Paris (TJ Paris, 3ème ch., 1ère sect., 25 février 2021) le rappelle, et revient (notamment) sur la question de l’usage parodique d’un logo protégé tout autant par le droit des marques que par le droit d’auteur.

 

Contexte :

Suite à une retenue douanière, la société gestionnaire des droits de propriété intellectuelle du groupe de rock anglais The Rolling Stone réalise une saisie-contrefaçon sur des écussons susceptibles de contrefaire les droits qu’elle détient sur les marques figuratives représentant la fameuse bouche rouge tirant la langue, ainsi que les droits d’auteur qu’elle détient sur le logo « Lips n’ Tongue ».

Il s’agit d’écussons, qui reproduisent la forme de l’emblème rolling-stonien, la couleur rouge des lèvres ayant été remplacée par le motif du drapeau breton, et la langue ayant pour certains écussons été peinte en noire, pour d’autre laissée de couleur rouge :

L’assignation est délivrée par la société titulaire des droits, en contrefaçon de marques et en contrefaçon de droit d’auteur.

En réponse, la société défenderesse tente plusieurs arguments, et essaie même d’obtenir la déchéance de la marque la plus ancienne, et de contester l’originalité du logo (lequel n’aurait été que fortement inspiré, selon les souhaits de Mike JAGGER, des lèvres rouges de la déesse hindoue Kali tirant la langue). En vain.

La défenderesse va également invoquer l’exception de parodie, pour tenter de contrecarrer la contrefaçon de droits d’auteur, mais également la contrefaçon de marque.

« L’humour » justifie t’il toutes atteintes ? C’est donc notamment à cette question que répond le Tribunal parisien.

Solution :

La contrefaçon de marque est retenue, et le Tribunal considère qu’il y a bien risque de confusion.

Sur la question du détournement humoristique invoqué, le Tribunal rappelle de façon lapidaire que l’argument est indifférent en matière de contrefaçon de marque. Seul importe le critère de l’existence ou non du risque de confusion.

S’agissant de l’exception de parodie, qui est en revanche admise en droit d’auteur, l’analyse se fait donc plus en détail dans la décision.

La défenderesse invoquait tout d’abord le fait que sur l’écusson en cause, le dessin de la bouche aurait été accompagné d’un slogan satirique. L’argument est sans effet, puisque les écussons effectivement saisis ne sont pas ceux qui comporte ledit slogan, et ne sont précisément composé que du motif de la bouche.

Quant à la coloration des lèvres suivant le « Gwen-ha-Du » breton emblématique, le Tribunal considère la modification insuffisante pour constituer « une manifestation d’humour ou de raillerie » au sens de la jurisprudence.

Il est ainsi jugé que les écussons litigieux « ne reproduisent aucun texte et, par eux-mêmes, apparaissent dépourvus d’un quelconque effet parodique, caricatural ou humoristique que ne comporterait pas déjà l’œuvre originale, cet effet ne pouvant découler de la seule impression du drapeau au niveau des lèvres du logo ».

Résumé :

Pour qu’il y ait parodie, il faut qu’il y ait parodie. Et il faut que l’œuvre seconde révèle en elle-même cette intention de caricature, d’humour ou de parodie. En détournant une création au caractère psychédélique en elle-même, la simple modification d’une couleur ou l’ajout d’un emblème régional ne suffit pas !

Et rappelons-le : pas d’humour en droit des marques ! S’il y a risque de confusion, en ce compris le risque d’association ou de partenariat, la contrefaçon est caractérisée.
Comme quoi… « see a red [mouth] and paint it black » ne suffit pas !

 

Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat marques du cabinet SOLVOXIA. 

Conflit de marques figuratives d’emballages de fromages : ça fleur pas bon

Avocat droit des MarquesLa Cour d’appel de Versailles a, par décision du 26 novembre 2020 (n°20/00480) tranché un conflit opposant deux marques figuratives portant sur des emballages de fromages.

 

 

Contexte :

Le 1er avril 2019, l’Union laitière Vittelloise a déposé la marque française n°4539007 en classe 29 pour des « fromages » :

La société SAVENCIA a formé opposition à la demande d’enregistrement précitée, sur la base de sa marque française n°4212361 suivante, visant notamment les « fromages » en classe 29 :

Sa démarche n’ayant pas été couronnée de succès, la société SAVENCIA a formé appel de la décision du directeur général de l’INPI, rejetant l’opposition, devant la Cour d’appel de Versailles.

Solution :

La Cour d’appel de Versailles, pour débouter la société SAVENCIA de ses demandes, notamment souligné ce qui suit :

  • Les marques consistent toutes deux dans un emballage de fromage en forme de fleur, dont le nombre de pétales est cependant différent,
  • La présence commune d’un morceau de fromage découpé sur le dessus des emballages et la couleur ocre de ces derniers est très classique en matière de fromage de sorte que les différences tenant notamment à la présence de l’étiquette avec des éléments verbaux dans la demande d’enregistrement querellée et au liseré brun et l’étiquette verte de la marque antérieure confèrent aux signes une impression visuelle d’ensemble distincte,
  • Les éléments verbaux de la marque opposée la distinguent phonétiquement du signe antérieur, qui n’en contient que quelques un quasiment illisibles,
  • La demande d’enregistrement renvoie à l’idée de fraicheur, évocation absente de la marque antérieure, ce qui distingue les signes conceptuellement, quand bien même ils auraient tous deux une forme de fleur.
  • Les preuves apportées par l’opposante pour démontrer que sa marque dispose d’une notoriété ne font état que de la notoriété du nom « Saint Albray » et non de l’élément figuratif protégé.

Résumé :

En matière de marque figurative, l’appréciation du risque de confusion n’est pas aisée et il est toujours bon de savoir que toutes les mentions figurant dans le dépôt seront prises en compte dans l’appréciation de ce risque, notamment d’éventuels éléments verbaux et petits visuels graphiques.

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat marque du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Non-respect des termes d’une licence de logiciel : manquement contractuel ou contrefaçon ?

Avocat logicielPar une décision récente du 19 mars 2021, la Cour d’appel de Paris (n°19/17493) est venue trancher le différend qui opposait la société Entr’ouvert, conceptrice du logiciel LASSO, à la société Orange.

Contexte :

LASSO est un logiciel qui propose un système d’authentification unique permettant aux internautes de s’identifier une seule fois pour accéder à plusieurs sites. Ce logiciel, conçu en 2003, est exploité à la fois sous licence libre (GNU GPL v.2) et sous licence commerciale lorsqu’il est fortement intégré dans une solution propriétaire.

Fin 2005, un appel d’offre était lancé par la Direction Générale de Modernisation de l’Etat en vue de la conception du portail « Mon service public ». Cet appel d’offre a été remporté par la société Orange, qui proposait une interface intégrant une grande partie du logiciel LASSO sous licence libre.

La société Entr’ouvert a donc fait assigner Orange en contrefaçon de logiciel. Elle estimait que la mise à disposition de LASSO dans la solution proposé par Orange contrevenait aux dispositions de la licence et engageait sa responsabilité délictuelle.

Le fondement délictuel de l’action n’a cependant pas convaincu les juges du tribunal de grande instance de Paris. Ces derniers ont appliqué le fameux principe de non-cumul en vertu duquel la responsabilité délictuelle doit être écartée au profit de la responsabilité contractuelle dès lors que les parties sont liées par un contrat.

La société Entr’ouvert a donc interjeté appel.

Solution :

La Cour d’appel de Paris cite, à l’appui de sa décision, l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 18 décembre 2019 dans l’affaire « IT Developpement /Free Mobile » (aff. C-666/18). La juridiction européenne estimait que le législateur français reste libre de fixer les modalités concrètes de protection des droits d’auteurs des concepteurs de logiciel et de définir la nature contractuelle ou délictuelle de l’action contre un licencié. Dans sa décision, elle précisait cependant qu’il était indispensable que les exigences de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur soient respectées.

Cette dernière précision militait donc, a priori, pour que le régime de la contrefaçon s’applique en cas de violation des termes d’une licence.

Et bien, malgré cela, la Cour d’appel persiste et signe en appliquant le principe de non-cumul à la contrefaçon de logiciel :
• Lorsque l’atteinte au droit d’auteur sur le logiciel résulte d’un acte de contrefaçon, l’action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

• Lorsque l’atteinte au droit d’auteur sur le logiciel résulte d’un manquement contractuel, seule l’action en responsabilité contractuelle est recevable.

Elle déclare ainsi irrecevable l’action en contrefaçon de logiciel fondé sur la responsabilité délictuelle.

En revanche, elle accueille l’action en parasitisme, considérant que les agissements parasitaires reposaient sur des faits distincts ne se heurtant pas à la règle de non-cumul. Elle estime ainsi que la solution qui avait été développée par Orange était totalement dépendante de la présence du logiciel LASSO, procurant « sans bourse délier » un avantage économique à la société Orange.

Résumé :

En cas de non-respect d’une licence de logiciel, au vu de cette décision, vigilance est donc de mise.

Il apparaît préférable de se fonder sur la responsabilité contractuelle pour agir à l’encontre d’une partie qui ne respecte pas les dispositions du contrat de licence.

Gageons cependant que la partie n’est pas finie et qu’un pourvoi sera formé tant le sujet est sensible…

Dans l’intervalle, les éditeurs de logiciels resteront cependant malheureusement dans une grande incertitude.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, des avocats propriété intellectuelle du cabinet SOLVOXIA se tiennent à votre disposition. 

Le slogan anti-lactose passe crème en tant que marque

Avocat droit des MarquesLe Tribunal de l’Union Européenne, dans une décision du 20 janvier 2021 (T-253/20), a examiné si le signe « It’s like milk but made for humans » pouvait être enregistré en tant que marque, notamment au regard de la condition de la distinctivité de la marque.

 

Contexte :

Oatly est une société suédoise spécialisée dans la vente de produits alimentaires confectionnés à base d’avoine, et notamment de boissons conçues comme des alternatives au lait.

En mars 2019, elle a sollicité auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété intellectuelle l’enregistrement de la marque verbale « It’s like milk but made for humans », visant divers aliments et boissons en classes 18, 25, 29, 30 et 32.

L’Office a refusé l’enregistrement pour certains types de produits, à savoir pour l’essentiel les alternatives aux produits laitiers, considérant que le signe n’était pas distinctif vis-à-vis de ceux-ci.

La Chambre de recours a confirmé en février 2020 cette décision, estimant que le signe serait perçu par le public pertinent comme un slogan faisant l’éloge des boissons alternatives au lait mais pas comme l’origine de produits et services.

Or, pour être enregistré en tant que marque, un signe doit nécessairement être distinctif, soit être arbitraire au regard des produits visés, et pouvoir remplir la fonction essentielle de la marque, à savoir précisément garantir au consommateur l’origine des produits qu’il achète.

Non satisfaite par cette décision, Oatly a formé un recours devant le Tribunal de l’Union Européenne.

Solution :

Le Tribunal rappelle dans un premier temps que, conformément à la jurisprudence européenne, le seul fait que le signe puisse être utilisé en tant que slogan publicitaire n’empêche pas son enregistrement en tant que marque.

En revanche, conformément aux conditions classiques du droit des marques, le slogan ne pourra valablement constituer une marque qu’à la condition qu’il soit perçu par le public, outre sa dimension promotionnelle, également comme une indication d’origine des produits et services.

Le juge européen relève ensuite que le signe est composé de deux parties, reliées par le terme « but » (mais), ce qui lui permet de délivrer un double message : d’une part les produits commercialisés ressemblent à des produits laitiers sans en être ; d’autre part, le lait n’est pas un aliment destiné aux humains.

Or, cette seconde portion du message est contraire au principe communément admis que les produits laitiers sont bénéfiques pour la santé (en partie grâce à l’importante campagne menée en ce sens, tout le monde se souvenant par exemple du fameux slogan « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie »), principe qui est aujourd’hui débattu voir combattu.

Dès lors, de par son message interpellant, le Tribunal estime que le signe « véhicule un message de nature à déclencher un processus cognitif auprès du public concerné », ce qui permettra finalement au consommateur de le mémoriser plus facilement et donc d’indiquer l’origine des produits sur lesquels il est apposé.

Le juge européen ajoute qu’il est sans incidence qu’une partie du public visé par la marque puisse éviter la consommation de produits laitiers (par conviction ou nécessité), et donc adhérer au message, dès lors que cette portion du public est parfaitement consciente que le message véhiculé représente une position encore minoritaire face à celle communément admise des apports nutritifs du lait.

Le Tribunal donne donc suite au recours formé, estimant que la marque « It’s milk but made for humans » est distinctive et qu’elle aurait dû être enregistrée.

Résumé :

Un slogan peut parfaitement être enregistré en tant que marque, à condition toutefois qu’il soit distinctif. Cela peut être le cas lorsque le slogan fait réfléchir le public, car il sera plus facilement mémorisé et permettra au consommateur de l’enregistrer comme l’origine de produits et services.

 

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