Demande de nullité d’une marque contraire à l’ordre public : « Bang Bang » pour « Gang Bang à Paris » !

Avocat droit des MarquesDepuis le 1er avril 2020, et sur le fondement du nouvel article L.716-2 du Code de la propriété intellectuelle issu de la loi PACTE, toute personne intéressée peut saisir l’INPI d’une demande de nullité à l’encontre d’une marque déjà enregistrée mais qui n’apparaitrait pas conforme aux exigences de validité posées par le CPI.

 

L’irrespect de l’ordre public et des bonnes mœurs, ainsi que le caractère trompeur de la marque, constituent notamment des motifs de nullité absolue pouvant être invoqués par tous. Ce fût le cas dans une décision de l’INPI du 10 novembre 2020 (NL20-0024), aux termes de laquelle l’INPI a dû déterminer la validité ou non de la marque « GANG BANG A PARIS ».

Contexte :

Monsieur B. avait déposé en septembre 2011 une demande d’enregistrement de la marque verbale « GANG BANG A PARIS », pour des produits de la classe 25 (vêtements divers) et des services des classes 35 (publicité, affaires, etc.) et 41 (éducation, formation, divertissement, etc.). Et l’INPI n’avait rien trouvé à redire à l’époque, puisque la marque avait été enregistrée en janvier 2012.
Mais le temps ne fait rien à l’affaire. Et à la faveur de l’entrée en vigueur de la loi PACTE et la création de la procédure devant l’INPI permettant de demander la nullité d’une marque enregistrée, une société a, en mai 2020, demandé la nullité de la marque en question, considérant :
• d’une part qu’elle était contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, car consistant en un message pornographique, renvoyant à une pratique sexuelle dangereuse et humiliante ;

• et d’autre part qu’elle était trompeuse car l’expression « A PARIS » renvoyait à l’idée que les produits et services visés seraient d’origine française ce qui n’était pas démontré.

Solution :

Après avoir rappelé que le droit applicable pour déterminer la validité de la marque en cause était celui en vigueur lors du dépôt de la marque, et non les dispositions plus récentes, l’INPI se penche sur les deux critères de validité discutés.
Sur le caractère trompeur, il retient que l’expression « à Paris » ne renvoie pas ici à la provenance géographique des produits et services, mais sera appréhendé par le public pertinent comme une référence au lieu de réalisation du « Gang Bang » évoqué en première partie de signe.
L’INPI rejette donc le motif de nullité tiré du caractère trompeur de la marque.

En revanche, l’INPI a considéré effectivement que le signe en cause était contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Rappelant en premier lieu que le terme relève du vocabulaire pornographique, et évoquant même la signification du terme anglophone dont il est issu, qui se réfère selon les dictionnaires bilingues, à une pratique de viol collectif, l’INPI retient que le signe contesté « ne pourra donc être perçu autrement que comme ce qu’il désigne de manière évidente et habituelle, à savoir une pratique sexuelle relevant du milieu pornographique susceptible de dégager une image violente et dégradante. »

Ayant également rappelé que l’appréciation de la validité du signe devait être réalisé en tenant compte du public pertinent, l’INPI relève que dans le libellé étaient visés des produits et services de consommation courante à destination d’un très large public, notamment composé de mineurs susceptibles de chercher à comprendre le sens de ce signe.
L’INPI retient alors que l’utilisation du signe est susceptible de diffuser un message à caractère pornographique auprès du public et notamment des mineurs, en violation des dispositions de l’article 227-24 du Code pénal.
Le signe est jugé contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et l’INPI prononce donc la nullité de la marque. « Bang Bang… the INPI shot it down »…

Résumé :

Cette décision est l’occasion d’un point pratique sur cette nouvelle procédure administrative devant l’INPI :

  • la nullité d’une marque enregistrée peut être invoquée plus de cinq ans après l’enregistrement ;
  • un motif de nullité absolue peut être invoqué par toute personne
  • un libellé trop large et visant des produits ou services de consommation courante pour un signe provocateur n’est pas sans risque. Toutefois, compte tenu ici de la teneur de la pratique évoquée, un libellé restreint à des produits ou services destinés au seul public adulte n’aurait pas nécessairement suffit à sauver le signe en cause.

 

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Brevetabilité d’une pipe à crack

Avocat brevetIl ressort de l’article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle que « ne sont pas brevetables les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, cette contrariété ne pouvant résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire». Le Tribunal judiciaire de Paris a eu, le 6 novembre 2020, à se prononcer sur l’éventuelle contrariété à l’ordre public d’un brevet portant sur une pipe à crack (n°17/12393).

Dans cette espèce, une société avait breveté une invention nommée « Kit Base » portant sur un kit composé d’un tube et d’un composant filtrant pour l’inhalation du crack permettant de réduire les risques de transmission du VIH et de l’hépatite C chez les fumeurs de cette substance.

Deux autres entités (une association et une société) avaient ultérieurement lancé le produit « Kit Crack » ayant le même objet.

Considérant qu’il s’agissait là de contrefaçon de brevet, la première société a décidé de faire diligenter une saisie-contrefaçon sur un salon et d’assigner ses concurrentes en justice.

En défense, il était entre autres soutenu que le brevet en question devait être considéré comme contraire à l’ordre public car facilitant la consommation de stupéfiants illégaux. Un précédent existait s’agissant d’une pipe à opium.

Sur ce point, le Tribunal judiciaire de Paris a commencé par souligner que la lutte contre la toxicomanie comprend un volet répressif mais également un volet sanitaire, dont une politique de réduction des risques et des dommages (RdR).

La juridiction a ensuite conclu comme suit:

« En conséquence, quand bien même le brevet FR 724 porte sur un kit permettant la consommation, par ailleurs légalement prohibée, de produit stupéfiant, il n’est pas en lui-même contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs dès lors que son exploitation ne peut se faire qu’à travers la distribution du kit aux usagers de drogue par les seuls […] associations de santé publique opérant, dans le cadre légal déterminé de la politique de RdR, dans un objectif prépondérant de santé publique et non dans celui de promotion et incitation à la consommation de drogues. »

Si le brevet n’a pas été annulé de ce chef, il l’a cependant été pour défaut de nouveauté.

La demanderesse a en outre été condamnée au paiement de dommages et intérêts au profit des défenderesses pour avoir adressé à certains de leurs clients/fournisseurs des courriers laissant entendre que leur produit ne serait pas fiable et qu’elles seraient contrefactrices alors même qu’aucune décision définitive n’avait été rendue.

 

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Quand le déposant pour une société en cours de formation agit finalement pour lui-même

Avocat droit des MarquesQuand on dépose pour une société « en cours de formation », mais que la société n’est finalement jamais créée, le défaut d’inscription auprès du Registre des marques peut parfois payer ! C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 octobre 2020 (pourvoi n°18-23.965).

 

Contexte :

« Mme T. » avait déposé en avril 2011 une marque correspondant à la dénomination sociale de la société qu’elle envisageait de constituer pour développer son activité de pâtisserie, précisant lors du dépôt qu’elle agissait pour le compte de ladite société en cours de formation. Mais Mme. T. n’avait finalement pas constitué sa société, décidant d’exercer son activité pâtissière à titre individuel. Mais elle n’avait jamais procédé à une quelconque inscription rectificative au Registre des Marques auprès de l’INPI.

Or, Mme T. a plus tard constaté qu’un concurrent avait déposé, pour des produits et services similaires à ceux qu’elle avait visé lors de l’enregistrement de sa marque, un marque quasi-identique, ne différant que d’une lettre. Elle a donc décidé d’agir elle-même à l’encontre de ce concurrent en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

Le concurrent invoque les dispositions de l’article 31 du Code de procédure civile, et soulève qu’à défaut de mention au RNM, Mme T. ne pouvait pas revendiquer de propriété sur la marque en cause à titre personnel. Et la Cour d’appel de Fort-de-France fait droit à l’argument, et déclare Mme T. irrecevable en son action.

Mme T. ne se laisse pas abattre, et forme un pourvoi en cassation…

Solution :

… et Mme T. a eu raison de se pourvoir ainsi !

La chambre commerciale retient en effet que dès lors que la société « en cours de formation », au nom de laquelle Mme T. avait déposé la marque en cause, n’avait pas été constituée et n’avait pas repris les engagements souscrits par Mme T., celle-ci n’avait jamais cessé d’être propriétaire de la marque. Elle avait en conséquence intérêt à agir elle-même en contrefaçon de ladite marque (et pour actes de concurrence déloyale connexes).

Résumé :

Lorsqu’une marque a été déposée par une personne physique pour le compte d’une société en formation, finalement jamais créée, la personne physique demeure propriétaire de la marque indépendamment de toute inscription en ce sens au Registre National des Marques.

Ici, la Cour de cassation évoque aussi que les engagements de Mme T. n’avaient jamais été repris par la société (par la force des choses) et retient ce double critères. On peut alors s’interroger si la solution aurait été la même dans l’hypothèse où, la société créée, celle-ci n’aurait pas effectivement repris les actes réalisés par le déposant.

Dans le doute, on ne rappellera jamais assez l’importance de maintenir à jour les inscriptions au registre : que celui qui est propriétaire de cette marque se déclare maintenant, on se taise à jamais !

 

Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat marques du cabinet SOLVOXIA. 

Méthode agile et responsabilité du prestataire informatique

avocat contrat informatiqueL’emploi de la méthode dite « AGILE » dans un projet informatique est fondé sur la relation entre le client et l’équipe du prestataire qui, dans le cadre de leurs échanges, vont travailler de concert pour un développement du produit « au fur et à mesure », laissant plus de place aux évolutions/adaptations du produit que dans les méthodes classiques très planifiées.

 

Dans un jugement du 7 octobre 2020, le Tribunal de commerce de Paris a eu l’occasion de se pencher sur la question de savoir si la responsabilité d’un prestataire devait être engagée dans le cadre d’un projet de développement informatique en mode « AGILE » n’ayant pas fait l’objet d’un cahier des charges et de tests de la part de la société cliente, pour des dysfonctionnements et retards de livraison invoqués par cette dernière.

En l’espèce, une société avait commandé à un prestataire le développement d’applications iOs et d’un site internet. Aucun cahier des charges n’avait été réalisé en amont.

Cette prestation avait fait l’objet d’un devis, accepté par la cliente, aux termes duquel il était convenu que les développements se feraient selon la méthode « AGILE », à savoir en se basant sur le dialogue entre les parties sans planification intégrale du projet avant son commencement.

Deux applications avaient été développées par le prestataire, les procès-verbaux de recettes respectifs étant signés par la cliente avec la mention « sans réserve » et le solde des factures correspondantes réglé.

La société cliente, arguant notamment de manquements de son prestataire à son obligation de conseil, de délivrance conforme (dysfonctionnement des applications invoquées) et de non-respect des calendriers de livraison, a décidé de confier les prestations restantes à un tiers et a assigné son ancien prestataire en justice aux fins d’obtenir remboursement des sommes versées et paiement de dommages et intérêts.

Le Tribunal de commerce de Paris a commencé par noter que « les erreurs relevées, les réponses quelquefois tardives, la difficulté de s’accorder sur des prestations qui apparaissent entre les cocontractants ne dérogent pas à la norme de ce type de construction en l’absence de cahier des charges et ne présentent pas de caractère anormal ».

Prenant en compte notamment :

  • l’absence de cahier des charges et donc l’absence d’expression de ses besoins par le client,
  • la signature des procès-verbaux de recettes sans réserve,
  • le paiement du solde des factures « confirmant ainsi [l’accord de la cliente] sur la production des applications »,
  • que c’était à la cliente de « vérifier par test les concordances des fonctions des applications à ses attentes » et non au prestataire, à qui il n’incombait pas une telle obligation au titre du contrat signé, contrairement à ce que soutenait cette première.

Les juges saisis ont débouté la société cliente de l’intégralité de ses demandes.

Saisie-contrefaçon assistée d’un conseil en propriété industrielle : l’huissier doit garder le lead !

Avocat droit du numérique contentieux« Rien ne sert de consigner, il faut garder la main. » Quand l’huissier ne garde pas la direction des opérations pendant une mesure de saisie-contrefaçon, cela peut s’avérer redoutable pour le saisissant. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 mars dernier est un rappel de ce principe.

 

Contexte :

A l’origine de l’affaire, deux brevets portant sur des composants de machines de montage. La société qui en était titulaire avait fait constater sur le site internet d’une société concurrente la vente de machines de montage qui contrefaisaient selon elle ses droits. Sur la base de plusieurs constats d’huissier, la société demanderesse est autorisée à faire procéder à des opérations de saisies contrefaçon au siège de la société concurrente.

Les huissiers instrumentaires se font accompagner lors des opérations de saisie par un sachant au fait des revendications des brevets en cause, s’agissant en l’occurrence du Conseil en Propriété Industrielle de la société saisissante.

Or, tel que le procès-verbal décrivait les opérations, il est apparu que ce CPI a directement interpellé, à de nombreuses reprises, le directeur de l’établissement du saisi sur plusieurs points techniques, l’huissier instrumentaire s’étant ainsi contenté de noter les question et les réponses de chacun.

Solution :

La Cour d’appel de Paris retient que ce faisant, le CPI a joué un rôle essentiel dans la conduite des opérations de recherche technique de la preuve de la contrefaçon, outrepassant ce faisant la mission d’assistance de l’huissier instrumentaire. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon est de ce fait annulé.

Résumé :

Dans le cadre d’une opération de saisie-contrefaçon, lorsque l’huissier instrumentaire est autorisé par l’ordonnance à se faire assister par un sachant, ce dernier ne doit pas prendre la direction des opérations, qui doivent resté menées par l’huissier, le sachant ne devant alors jouer un rôle que d’aide dans la description ou d’explications.

Trop d’assistance nuit donc gravement à la validité de la saisie, au détriment du saisissant.

Et pour un point plus complet sur les dernières jurisprudences rendues en matière de saisie contrefaçon, notre chronique annuelle sur le sujet est publiée dans le revue « Propriété Industrielle » de Lexis Nexis du mois de novembre.

 

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