Droit à l’oubli face au droit à l’information : qui a le dernier mot ?

Avocat rgpdDans une décision du 20 février 2025, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la question de savoir s’il devait être fait droit à la demande de suppression, sur le terrain du droit à l’oubli, d’une information en ligne portant sur la condamnation pénale d’un ancien dirigeant de club de foot, des années après ladite condamnation.

 

Contexte : la demande de suppression d’une publication se rapportant à une condamnation pénale sur le fondement du droit à l’oubli 

 

L’ancien dirigeant d’un club de football avait été condamné en 2009 pour complicité d’abus de confiance, recel de bien et abus de biens sociaux à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 20.000 euros, affaire qui avait été relayée dans un article en ligne par le journal 20 Minutes.

En 2011, la Cour d’appel de Versailles, statuant sur l’appel formé par l’ancien dirigeant, avait notamment réduit sa peine d’emprisonnement à 1 an et porté l’amende à 30.000 euros.

10 ans après les faits, celui-ci a sollicité du journal 20 Minutes qu’il supprime l’article en question, demande à laquelle n’a pas fait droit le journal, qui a toutefois modifié l’article en ajoutant la mention suivante : « Le 16 février 2011, la cour d’appel de Versailles a infirmé en partie ce jugement, affirme Romain Darrière, l’avocat de M. X. »

Estimant cette modification insatisfaisante, l’ancien dirigeant a assigné la société 20 Minutes France et a demandé au Tribunal qu’il ordonne la suppression de l’article litigieux ou son anonymisation et qu’il ordonne sa désindexation des moteurs de recherche, sur le fondement des articles 17 et 21 du RGPD, portant sur le droit à l’oubli et le droit d’opposition. Le Tribunal l’a débouté de ses demandes, estimant que le traitement des données personnelles litigieuses était nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression et d’information par l’organe de presse et ne portait pas atteinte de façon disproportionnée au respect de sa vie privée.

 

Solution : le refus de faire droit à la demande de suppression de la publication sur le fondement du droit à l’information du public

 

La primauté de la liberté d’expression et d’information sur un sujet d’intérêt général sur le droit à l’oubli

 

Pour rappel, l’article 17 du RGPD traite du droit à l’effacement (ou droit à l’oubli) et permet à une personne dont les données personnelles sont traitées d’obtenir l’effacement de celles-ci.

L’article 21 du RGPD, pour sa part, traite du droit d’opposition qui permet à la personne concernée de s’opposer à tout moment à un traitement de ses données à caractère personnel.

Le droit à l’oubli et le droit d’opposition sont toutefois soumis à des exceptions, parmi lesquelles notamment : le cas où le traitement de la donnée est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ou s’il existe des motifs légitimes et impérieux pour le traitement.

En l’espèce, l’appelant faisait valoir que la société 20 Minutes ne rapportait pas la preuve de motifs légitimes et impérieux justifiant de ne pas faire droit à sa demande et de conserver l’information relative à sa condamnation pénale, 20 après la commission des faits.

La Cour d’appel s’est donc attelée à vérifier que les données personnelles de l’appelant (son nom) et la mention de sa condamnation pénale étaient nécessaires à la liberté d’expression et d’information, justifiant de mettre de côté le droit à l’oubli.

Finalement elle a estimé que ces informations, en ce qu’elles portaient sur la condamnation d’une personnalité officielle ayant présidé un club sportif connu, relevaient du droit à l’information du citoyen sur un sujet d’intérêt général, à savoir le sujet des relations entre le sport et l’argent, et étaient dès lors nécessaires à celui-ci.

Elle a également estimé que la mention de la décision d’appel dans l’article était suffisante et que le fait qu’il ne précise pas sur quels chefs le jugement avait été infirmé ne suffisait pas à rendre les informations inexactes.

S’agissant des demandes complémentaires de l’appelant en anonymisation de l’article et sur sa désindexation, la Cour a rappelé d’une part que le nom est un élément essentiel de l’information et d’autre part, qu’en tant qu’organe de presse et non de moteur de recherche, il n’appartient pas à la société 20 Minutes France de procéder à la désindexation de l’article.

 

La mise en balance entre le droit à l’information et la persistance de la publication dans le temps

 

L’appelant avançait par ailleurs que la Cour devait apprécier la légitimité de l’atteinte au droit à l’oubli en se fondant sur des critères établis par la CEDH, à savoir :

  1. la nature de l’information archivée,
  2. le temps écoulé depuis les faits rapportés,
  3. l’intérêt contemporain de l’information,
  4. la notoriété de la personne,
  5. les répercussions négatives de la persistance de l’information sur le site,
  6. le degré d’accessibilité de l’information,
  7. l’impact de la mesure sur la liberté d’expression.

En l’espèce, la Cour d’appel a effectivement estimé qu’il fallait démontrer la nécessité de faire perdurer l’information dans le temps et en quoi cela ne portait pas atteinte au droit à l’oubli et à la vie privée, au regard de ces critères.

Elle a finalement jugé qu’il s’agissait : 1) d’une information concernant une décision de justice sur un sujet d’intérêt public d’actualité, 2) et 3) qui n’avait pas perdu son intérêt même 10 ans après la condamnation d’appel, 4) qui concernait une personnalité officielle notoire, 5) qui ne démontrait pas en quoi la persistance de l’information en ligne lui aurait porté préjudice, 6) et 7) qu’il était important de porter à la connaissance du public.

 

La Cour a donc rappelé que la presse participe à la mission d’information du public et que la règlementation sur les données personnelles ne peut être interprétée comme un droit à la suppression d’informations portant sur des sujets d’intérêt général.

 

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Logiciel libre : la liberté oui, mais sous conditions !

Propriété intellectuelle logicielLe 27 janvier 2025, la cour d’appel de Bordeaux a rendu une décision intéressante (n°20/03220) en matière de contrefaçon de logiciel open source.

 

Contexte : un conflit en contrefaçon entre deux sociétés spécialisées dans les logiciels libres

 

Une société, spécialisée dans le développement de logiciels, plus particulièrement de logiciels libres (aussi appelés logiciels open source), avait notamment développé un logiciel de messagerie collaborative.

Parmi les différents composants de ce logiciel, figuraient notamment deux modules sous open source dont l’un avait été développé par un salarié de la société, au cours de ses heures de travail mais de sa propre initiative.

Le salarié ainsi qu’un dirigeant de la société l’avaient ensuite quitté pour créer une entreprise concurrente, laquelle a commencé à exploiter deux ans après sa création un logiciel libre de messagerie collaborative.

Lui reprochant des actes de contrefaçon des deux modules logiciels précités, ainsi que des actes de concurrence déloyale en raison d’un débauchage de ses salariés, elle avait assigné sa nouvelle concurrente devant le tribunal judiciaire.

Ce dernier avait rejeté ses demandes, estimant que les modules logiciels n’étaient pas originaux et que, partant, ils n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur.

 

Solution : une contrefaçon résultant du non-respect du terme de la licence d’un module logiciel

 

1/ L’absence de titularité sur le module logiciel développé par un salarié

 

La société poursuivie estimait tout d’abord que la demanderesse en contrefaçon n’était pas titulaire de droits d’auteur sur le module logiciel qui avait été développé par son salarié.

En effet, si les logiciels font l’objet d’un régime spécifique qui conduit à transférer de plein droit à l’employeur les droits d’auteur sur un logiciel développé par un salarié, ce transfert n’intervient qu’à la condition que le logiciel ait été développé par le salarié « dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de leur employeur » (article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle).

La cour d’appel de Bordeaux a ici relevé que, si le logiciel avait été développé par le salarié au cours de ses horaires de travail, ce critère seul était insuffisant. Le salarié démontrait par ailleurs avoir placé le logiciel sur son espace personnel et avoir divulgué le logiciel sous son nom, sans objection à l’époque de son employeur qui en était informé.

En conséquence, c’est bien l’ancien salarié et non la société demanderesse qui était titulaire des droits d’auteur sur ce module.

 

2/ L’originalité reconnue du second module logiciel

 

La demanderesse fournissait un rapport indiquant que le développement du second module logiciel avait exigé des conceptions spécifiques de la part de ses salariés et que, si une autre équipe de programmateurs devait développer ce module sans aucune documentation, ni contact avec les équipes de la demanderesse, le programme qui en résulterait serait totalement différent.

Prenant le contrepied du tribunal judiciaire, la cour d’appel de Bordeaux a ici considéré que de tels éléments démontraient l’originalité du module logiciel.

 

3/ La contrefaçon du logiciel sous licence libre

 

Si un logiciel libre peut, par nature, être utilisé par un tiers sans nécessité d’un accord préalable de son auteur, cette utilisation doit toutefois être faite selon les conditions prévues par la licence. À défaut, l’utilisation devient une contrefaçon.

En l’occurrence, la demanderesse reprochait à sa concurrente d’avoir supprimé son nom d’une partie des fichiers composant le logiciel libre, portant ainsi atteinte à son droit à la paternité sur l’œuvre et ne respectant pas les termes de la licence, qui interdisait la modification des fichiers.

La cour d’appel de Bordeaux a relevé que cette suppression constituait, quel que soit le nombre de fichiers concernés, une atteinte au droit moral de l’auteur, qu’elle considère comme particulièrement protégeable en matière de logiciels open source puisque, du fait de la nature libre du logiciel, son auteur renonce à toute valorisation patrimoniale de son travail.

La contrefaçon a donc été reconnue.

 

En résumé, dans « licence libre », il y a « libre » mais aussi « licence » ! Il faut donc être vigilant et respecter les termes de cette dernière, sous peine de réaliser une contrefaçon.

 

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« Tour de France à la rame » vs « Tour de France » : qui va gagner ?

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 19 mars 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se pencher sur la question de la renommée de la marque « Tour de France ».

 

Contexte : une action en nullité de marque fondée sur la renommée de la marque antérieure

 

La société titulaire de la marque « Tour de France », enregistrée en 1977 en classes 1 à 45 et, notamment, en classe 41 pour des services de « divertissements radiophoniques ou par télévision ; production de films ; distribution de journaux ; organisation d’épreuves sportives « ainsi que son licencié, avaient formé une demande en nullité de la marque « Tour de France à la rame », enregistrée en 2016 pour désigner différents produits et services en classes 9, 12, 39 et 41.

La Cour d’appel a rejeté l’action en nullité au motif que la renommée de la marque « Tour de France » n’était pas justifiée pour des produits et services autres que l’organisation d’épreuves cyclistes de la classe 41, que cette renommée était nécessairement cantonnée au public concerné par ces services et qu’il y avait entre les marques une très faible similarité intellectuelle. En effet selon la Cour d’appel, les deux marques avaient certes en commun l’évocation géographique du tour du territoire français mais se distinguaient en ce que la première évoque une course de cyclisme et la seconde une course à la rame.

Les demanderesses ont donc formé un pourvoi en cassation.

 

Solution : la renommée de la marque « TOUR DE FRANCE » reconnue

 

Une renommée de la marque « TOUR DE FRANCE » d’une intensité exceptionnelle

 

La Cour de cassation a noté qu’il était démontré que la marque « Tour de France » disposait d’une renommée « d’une intensité si exceptionnelle qu’elle est connue de la totalité du public français ».

En effet, dans cette affaire il était prouvé que la marque en cause avait été déposée en 1977 pour un événement créé en 1903 ayant eu lieu tous les ans sans interruption depuis le dépôt, qu’il était retransmis à la télévision sur les chaînes publiques avec une audience très importante ou encore qu’il était qualifié de troisième événement sportif mondial par une encyclopédie en ligne.

Ces éléments démontraient la notoriété de l’évènement qui, pour la Cour de cassation, « se confond[ait] avec la marque litigieuse ».

La Cour d’appel ne pouvait donc postuler que la renommée de la marque était nécessairement cantonnée au public concerné par les produits ou services pour lesquels ladite renommée était acquise.

 

Une appréciation de la similitude des signes extérieurs aux conditions d’exploitation des marques

 

Les demanderesses reprochaient également à la Cour d’appel d’avoir retenu qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les signes puisque sur le plan intellectuel, ils se distingueraient en ce que la marque antérieure serait renommée pour une course de cyclisme de sorte que « Tour de France » serait perçu par le public concerné comme un tour de France à vélo alors que la marque postérieure est « Tour de France à la rame ».

Nouvelle censure par la Cour de cassation qui rappelle que la comparaison entre des signes doit s’effectuer eu égard aux qualités intrinsèques de ceux-ci sans prendre en compte les conditions de la commercialisation des produits et services désignés. Or, en l’espèce, force était de constater que la Cour d’appel avait opéré son appréciation en prenant en compte le fait que la marque « Tour de France » serait perçue comme faisant référence au cyclisme, ce qui ne pouvait être fait.

À noter enfin que la Cour d’appel a également été censurée en ce qu’elle avait affirmé qu’un risque de dilution de la marque « Tour de France » n’avait pas été démontré alors que la protection s’attachant à la marque ne pouvait empêcher l’usage de l’expression « tour de France » dans son acception usuelle. La Cour de cassation a en effet retenu que l’objet de l’action était de faire annuler la marque querellée et qu’il fallait rechercher si son exploitation ne brouillait pas le public et les médias et portait donc atteinte à la fonction de la marque antérieure.

 

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Je n’ai rien déposé, suis-je protégé contre la copie de mes produits ?

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisVous avez développé une gamme de produits innovants mais vous n’avez procédé à aucun dépôt. Dans cette situation, si vous êtes confrontés à la reprise et/ou la commercialisation par un concurrent de copies de vos produits, vous vous demandez comment il serait possible de réagir face à ce concurrent indélicat.

 

Rappel des actions de dépôts qui auraient pu être faites auprès d’un office de la propriété intellectuelle tel que l’INPI en France

 

Classiquement, il est recommandé en matière de produits de procéder auprès d’un office au dépôt de l’élément sur lequel vous entendez obtenir une protection, au titre :

  • D’un brevet, s’il s’agit de la protection d’une innovation technique, sous couvert que soient réunies les conditions de nouveauté (l’invention ne doit surtout pas avoir été divulguée au public avant le dépôt, il faut veiller à la conserver secrète), d’activité inventive (elle doit apporter une solution technique à un problème sans en être une solution évidente) et d’applicabilité industrielle (elle doit être utilisable industriellement),
  • D’un dessin et modèle, s’il s’agit de la protection d’un design, de l’apparence d’un produit, sous couvert que soient réunies les conditions de nouveauté (il ne doit pas non plus avoir été divulgué et donc avoir été gardé secret, nonobstant un délai de grâce de 12 mois accordé au créateur ou à son ayant-droit qui permet de divulguer le modèle 12 mois avant le dépôt), de caractère propre (il ne doit pas faire naître une impression de déjà-vu chez le consommateur), de visibilité (pour être protégé, le design doit être apparent),
  • Le dépôt d’une marque tridimensionnelle est également possible si la forme du produit constitue en tant que telle un signe de ralliement de clientèle. En la matière, la forme devra cependant se démarquer significativement des standards habituels et il peut s’avérer difficile de remplir ce critère.

 

Le dépôt vous permet d’obtenir un véritable titre de propriété, opposable à tous, sur le périmètre protégé, et ce durant 20 ans pour les brevets, 10 ans indéfiniment renouvelables pour les marques, et de 5 à 25 ans pour les dessins et modèles.

 

À défaut, quelles sont les solutions potentielles pour vous défendre contre la copie de tiers ?

 

La protection par le droit d’auteur ?

 

Tout d’abord, toute création originale (issue de choix libres et créatifs arbitraires portant l’empreinte de la personnalité de son auteur), octroie à son auteur, à compter de sa création, des droits d’auteur opposables à tous et ce durant toute la durée de sa vie et 70 ans après sa mort.

Cette protection potentielle ne nécessite pas de dépôt quelconque. La protection est automatique, sous réserve de pouvoir démontrer l’originalité de la création, ce qui peut ne pas être chose aisée. Dans ce cas, le titulaire disposera d’un monopole d’exploitation sur son œuvre qui lui confère le droit exclusif d’interdire la reproduction et la représentation de celle-ci par des tiers.

Il est à noter, qu’hormis en présence de logiciels créés dans l’exercice de fonctions salariées, le fait que la création ait été réalisée dans le cadre d’une commande ou d’un contrat de travail n’a pas d’incidence sur la titularité des droits : en l’absence de clause de cession de droit dans les contrats, le commanditaire ou l’employeur ne détient pas les droits sur l’œuvre et l’auteur peut en conséquence s’opposer à son utilisation.

Attention cependant au cas où la création s’intègre dans un projet initié et guidé sous la direction, les instructions et le contrôle d’une personne morale ou physique, lorsque le créateur n’a que peu de marge de manœuvre créatrice : on est ici dans le cas de l’œuvre collective et les droits remontent automatiquement à l’employeur.

Très concrètement, vous pourrez donc invoquer des potentiels droits d’auteur sur vos produits sous réserve de justifier que vous vous êtes fait céder les droits de vos prestataires et/ou sous réserve que le processus créatif des produits concernés s’insère dans la définition de l’œuvre collective.

 

La protection par la concurrence déloyale ?

 

Dans le cas où votre produit ne serait pas éligible à la protection par le droit d’auteur (parce que jugé non original) et/ou que vous ne disposez pas de titre de propriété intellectuelle, il peut être envisagé l’action en concurrence déloyale ou en parasitisme, sur le fondement de la responsabilité civile.

En effet, si la jurisprudence considère que le principe dans les relations entre concurrent reste la liberté de commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits peut être librement reproduit et commercialisé, elle sanctionne les comportements commerciaux déloyaux jugés fautifs.

Ainsi est sanctionné par :

  • la concurrence déloyale : le fait de reproduire des éléments distinctifs d’un concurrent (ex : un nom similaire ou identique, des copies serviles ou quasi-serviles de ses produits ou créations, la reproduction de son site internet, etc.), à la condition de démontrer que cela crée un risque de confusion dans l’esprit du consommateur,
  • le parasitisme : le fait de « se placer dans le sillage» d’autrui afin de s’approprier son travail, ses efforts, son savoir-faire, sa notoriété ou ses investissements, sans bourse déliée, afin de réaliser des économies injustifiées.

Dans une affaire, il a ainsi été jugé fautif le fait pour la société But, après avoir lancé un appel d’offre pour créer des présentoirs à lit, d’avoir reproduit le prototype proposé par l’un des candidats non retenus et s’être ainsi économisé les frais de conception et de développement du meuble.

Attention néanmoins, si les caractéristiques essentielles de votre produit sont contraintes par la fonction technique de celui-ci, la jurisprudence considèrera que la commercialisation par un tiers de produits similaires n’est pas fautive car il ne peut être accordé un monopole sur des éléments purement contraints.

 

Concrètement, comment agir à l’encontre du concurrent pour faire cesser les agissements litigieux ?

 

Si vous vous apercevez de la reprise d’un de vos éléments distinctifs, préalablement à toute mesure précontentieuse ou contentieuse, assurez-vous bien que votre concurrent ne dispose pas d’une antériorité qu’il pourrait vous opposer en retour (tel un dépôt de marque, brevet, dessin et modèle, etc. ou encore s’il n’exploite pas lui-même le produit depuis une date antérieure à votre utilisation, même sans droit).

À défaut, vous risqueriez de vous retrouver dans la situation de l’« arroseur arrosé », ce qui pourrait être très dommageable si jusqu’ici votre concurrent ne vous avait pas identifié.

Il est primordial ensuite de se préconstituer des preuves de l’usage considéré comme fautif. Pour ce faire, en sus de captures d’écran, vous pouvez notamment diligenter un constat d’huissier en ligne ou une saisie contrefaçon si vous avez des droits d’auteur.

Une fois ces préalables réalisés, vous pourrez envoyer un courrier de mise en demeure à l’auteur des actes fautifs lui enjoignant de cesser ces agissements et, à défaut de réponse satisfaisante, intenter une action en justice à son encontre.

Remarque : si vous disposez de droits privatifs mais que ceux-ci sont faibles (par ex : potentielle nullité du titre ou absence d’originalité pour le droit d’auteur), vous pouvez intenter une action en contrefaçon à titre principal et, à titre subsidiaire, s’il est considéré que vos droits ne sont pas valables (ex : défaut d’originalité), demander la condamnation sur le terrain de la concurrence déloyale.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en concurrence déloyale ainsi qu’un avocat droit d’auteur du cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tiennent à votre disposition.

 

 

 

 

Valeur probatoire : la blockchain n’est pas le maillon faible, au revoir

Avocat droit d'auteur NantesDans un jugement du 20 mars 2025, le Tribunal judiciaire de Marseille a reconnu qu’un ancrage dans la blockchain pouvait avoir une valeur probatoire en matière de droits d’auteur.

 

Contexte : reproduction non autorisée de pièces de mode

 

Une société spécialisée dans le secteur de la mode a réalisé et commercialisé sous ses marques une gamme de vêtements, plus particulièrement des pyjamas en soi, intitulés « Hearts from Alber » et « Love from Alber », dont les motifs originaux étaient issus de croquis réalisés par le créateur de la marque.

Estimant qu’une société distribuait des vêtements contrefaisants lesdites créations par reprise de leurs caractéristiques originales (croquis mettant en scène le créateur sous forme de cartoon pour la gamme « Love from Alber », motifs de cœurs en différents coloris et tailles pour la gamme « Hearts from Alber »), elle l’a assigné en contrefaçon de ses droits d’auteur.

 

Solution : la blockchain peut avoir valeur probatoire en matière de datation des œuvres et de démonstration de la titularité

 

La valeur probatoire de la blockchain pour rapporter preuve de la date de création des œuvres

 

La demanderesse rapportait par la preuve, via un constat d’huissier effectué le 19 octobre 2022, d’avoir « ancré » les croquis qui composaient les motifs caractéristiques de ses créations dans la blockchain grâce à la solution BlockchainyourIP, le 5 mai 2021 et le 15 septembre 2021.

Pour rappel, la blockchain est un système numérique qui permet de stocker des informations de manière sécurisée, transparente et partagée, sans qu’un seul acteur puisse tout contrôler ou modifier. Elle a notamment une fonction d’horodatage qui permet de conférer aux données stockées une date certaine immodifiable.

En l’espèce, le Tribunal, après avoir retenu l’originalité des créations, a estimé que les horodatages des œuvres dans la blockchain, constatés par huissier, devaient être retenus comme date des créations en cause. Le Tribunal reconnait donc que la fonction d’horodatage de la blockchain a valeur probante et peut être celle retenue dans le cadre d’un contentieux en contrefaçon de droits d’auteur.

 

La blockchain aurait également valeur probante pour établir la titularité des créations

 

Ce faisant, le Tribunal va plus loin en reconnaissant également à la blockchain un pouvoir probatoire en matière de titularité de droits. En effet, il retient que l’ancrage des œuvres dans la blockchain, constaté par huissier, permet d’établir « la titularité des droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux vêtements [en cause] ».

En réalité, et par analogie, cela peut à notre sens faire penser au fait que les juges acceptent de prendre en compte, lorsqu’un constat d’huissier est réalisé, les preuves d’actes contrefaisants émanant du site internet www.archive.org.

Se penchant ensuite sur les actes prétendument contrefaisants, les juges ont finalement estimé que la défenderesse avait bel et bien commercialisé des pièces reproduisant les combinaisons originales des créations « Hearts from Alber » et « Love from Alber ».

 

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