Le parasite de l’hamburger : n’est pas giant qui veut ?

Avocat droit d'auteurIl n’y a pas que les nuggets dans la vie, il y a les hamburgers et les pizzas aussi ! Mais quand il s’agit d’analyser la validité d’un nom choisi pour la commercialisation d’un produit de fast food par rapport au nom de sandwich de renom, le juge est parfois invité à discuter de la confusion, possible ou non, entre un hamburger et une pizza.

 

Pour sociologique et philosophique qu’elle est, la question nécessite t’elle toutefois d’être débattue devant le juge dans le cadre d’une argumentation basée sur l’existence d’actes de parasitisme ?

C’est à cette question (plus juridique quant à elle) que la Cour de cassation répond dans un arrêt du 27 janvier 2021 (Cass. Com., 27 janvier 2021 : pourvoi n°18-20702).

Contexte :

Si Quick a dit que « nous c’est le goût », Sodebo indiquait par le passé qu’en ce qui la concerne, en ce souvient surtout du goût. Mais le goût (et les couleurs) ne se discutant pas, c’est à propos de l’usage du terme « Giant » que les sociétés Quick et Sodebo ont entamé un combat judiciaire.

Titulaire et licenciée de la marque internationale « Giant » enregistrée en juin 2006 pour des produits alimentaires, et notamment pour des « aliments, mets et plats préparés, non compris dans d’autres classes, en particulier article de fast food », les société France Quick et Quick Restaurant ont assigné la société Etablissement Bougro Sodebo en annulation de la marque française « Pizza Giant Sodebo » déposée en février 2011 et utilisé pour commercialiser en supermarchés une gamme de pizzas conditionnées en parts individuelles sous la dénomination « Pizza Giant ».

Sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité de la marque « Giant », pour défaut de caractère distinctif. La Cour de cassation ne censure pas la décision sur ce point, considérant que le terme était effectivement perçu comme décrivant une caractéristique des produits, n’avait pas acquis de distinctivité par l’usage et devait rester à la disposition des professionnels.

Exit la validité de la marque antérieure donc.

Restait alors la question du parasitisme, également invoqué par les sociétés Quick sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun cette fois.

La Cour d’appel avait également rejeté les demandes sur ce fondement, et avait écarté l’existence d’agissements parasitaires imputables à Sodebo au motif qu’il n’était pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « Giant » et la pizza « Giant Sodebo ».

Quick se pourvoit de nouveau en cassation, et sur la question du parasitisme, rappelle que le succès de l’action en responsabilité pour agissements parasitaires ne suppose pas la démonstration d’un risque de confusion.

Peut importe donc qu’il soit ou non possible de confondre un hamburger avec une pizza. La question centrale est de savoir s’il y a volonté de la part de Sodebo de tirer indûment profit de la notoriété du burger « Giant » de Quick et des efforts publicitaire et investissements financiers des demanderesses.

Solution :

Ne souhaitant pas entrer dans un débat culinaire des plus épineux, la Haute juridiction rappelle, au visa de l’article 1382 devenu 1240 du Code civil, que « le succès de l’action en responsabilité pour agissements parasitaires, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir de droits privatifs, n’est pas subordonné à l’existence d’un risque de confusion ».

Ainsi, le fait que ne soit pas démontré un risque de confusion entre hamburger de fast food et pizzas vendues en grandes et moyennes surface est impropre à exclure la responsabilité pour agissements parasitaires.

Résumé :

Le risque de confusion, notion inhérente à la caractérisation de la contrefaçon de marque par imitation, reste donc étranger à la caractérisation d’actes parasitaires.

Reste toutefois que pour être caractérisé, le parasitisme nécessite encore que bien d’autres critères soient démontrés, tels que la notoriété du parasité, l’existence d’investissement de la part du parasité et la réalisation d’économies indues par le parasite, et celui de caractère volontaire des agissements.

La nécessité de se référer à ses critères résulte surement, rappelons-le, d’une volonté d’équilibre des intérêts : si des droits privatifs n’existent pas, c’est parfois car il s’agit de termes qui doivent rester utilisable par tous et non appropriable par un. Le parasitisme ne doit donc pas être utilisé comme une arme pour contourner ce principe.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat concurrence déloyale du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Droit d’auteur et publicité parasitaire : les chasseurs y laissent des plumes

Avocat droit d'auteurPar une décision récente du 12 février 2021, le Tribunal judiciaire de Paris est venu trancher le litige qui opposait la Ligue de protection des oiseaux (LPO) à la Fédération nationale des chasseurs (FNC) quant à leurs affiches respectives.

 

Contexte :

En Septembre 2018, la FNC a mené une campagne de publicité où elle proclamait les chasseurs « premiers écologistes de France » (l’ajout d’un point d’interrogation lui sera par la suite imposé par l’ARPP) via des affiches placées dans toute la France sur les murs de métro et panneaux publicitaires.

Or, estimant que cette campagne était fortement inspirée de ses propres affiches et de sa charte graphique, la LPO a réagi rapidement à ce qu’elle considérait comme une provocation en reprenant et détournant l’affiche de la FNC, pour critiquer la vocation écologique des chasseurs.

L’agence MARKETING PUBLICITE 2000, créatrice des affiches de la FNC, s’est alors offusquée de la dénaturation de ses affiches et a mis en demeure la LPO de cesser ses agissements.

L’association a donc décidé d’assigner ensembles la FNC et l’agence marketing, pour contrefaçon de droits d’auteur et atteinte à sa notoriété.

Solution :

La LPO a pris soin de fonder son action à la fois sur le droit d’auteur et sur le parasitisme, pour reprocher à la FNC d’avoir imité ses affiches afin de promouvoir la cause des chasseurs.

La LPO invoquait ainsi un droit d’auteur non sur une affiche en particulier, mais sur la charte graphique utilisée pour ses campagnes (présence d’un animal protégé, logo de la LPO, message en lettres blanches sur une bande verte, fond vert dominant…), imitée par la FNC sans pour autant être reproduite à l’identique.

Le Tribunal judiciaire a toutefois refusé de reconnaître un tel droit, relevant que les affiches utilisées par la LPO ne respectaient pas toutes la charte graphique invoquée ; dès lors, l’utilisation de cette prétendue charte n’était pas suffisamment constante pour justifier d’une protection.

En revanche, le parasitisme a été reconnu, le Tribunal judiciaire soulignant la similarité des affiches utilisées par la FNC avec celles de la LPO et la volonté manifeste de créer un rapprochement avec les affiches de l’association.

Les juges ont considéré que si l’imitation n’entrainait pas de risque de confusion entre les deux intervenants dans la mesure où l’affiche de la FNC comportait une référence explicite aux chasseurs, celle-ci nuisait en revanche à l’image de la LPO et témoignait d’une volonté de s’approprier les valeurs défendues par cette dernière.

Cela justifiait, selon la juridiction saisie, que la fédération soit condamnée à indemniser son adversaire à hauteur de 5000€.

Par ailleurs, en défense, la FNC et son agence de publicité avaient elles-mêmes invoqué un droit d’auteur sur leurs propres affiches, dont la reprise par la LPO était indubitable.

Le Tribunal judiciaire a ici encore refusé de reconnaître l’existence de droits d’auteur, au motif que la reprise fautive par l’agence de publicité des éléments essentiels des affiches de la LPO empêchait de caractériser l’originalité des affiches imitatrices.
Il a également relevé que la FNC et l’agence de publicité ne pouvaient pas, sans se contredire, invoquer un droit d’auteur sur leurs propres affiches alors qu’elles déniaient toute originalité de celles de la LPO.

Résumé :

Au regard des faits, il ne fait guère de doute ici que la Fédération Nationale des Chasseurs cherchait à voler dans les plumes de la Ligue de Protection des Oiseaux, en imitant la forme de ses communications publicitaires. Elle est donc sanctionnée à ce titre, pour parasitisme.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, des avocats droit d auteur du cabinet SOLVOXIA se tiennent à votre disposition. 

Jeux pédagogiques : on ne joue pas avec le droit d’auteur

Avocat droit d'auteurIl ressort de l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle que « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». Pour savoir si contrefaçon il y a, il convient de déterminer notamment si les créations querellées sont originales. Dans une affaire récente (10/11/2020, n°114/2020), la Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de se pencher sur une affaire portant sur des jeux pédagogiques.

La société LUDIA intervient dans le domaine de la conception et commercialisation de jeux pédagogiques à l’attention des professionnels.

Deux anciens salariés de cette société ont, suite à leur départ, créé des structures concurrentes, à savoir les sociétés COLEMOI et GUERRERO ORTHO.

Constatant la vente de certains de ses jeux sur un salon par GUERRERO ORTHO, elle-même approvisionnée par COLEMOI, la société LUDIA a fait diligenter une saisie-contrefaçon et a assigné ces dernières en justice, notamment pour contrefaçon de droits d’auteur.

La démarche fût fructueuse en première instance, raison pour laquelle les parties succombantes ont décidé de former appel du jugement rendu.

Assez classiquement, les sociétés appelantes soulevaient :
• L’irrecevabilité de la société LUDIA a agir sur le fondement du droit d’auteur en raison de l’absence d’exploitation non-équivoque des jeux en cause par cette dernière et d’une co-titularité avec le dirigeant de la société COLEMOI,
• L’absence d’originalité des jeux,
• L’absence de contrefaçon.

Sur le premier de ces points, il est tout d’abord à préciser la règle selon laquelle lorsqu’une personne exploite de manière non-équivoque une création protégée par le droit d’auteur, elle est alors présumée titulaire de ce dernier. En l’espèce, la Cour d’appel a retenu que rien ne venait contredire cette exploitation non-équivoque puisque, notamment, il était prouvé que les jeux commercialisés l’étaient bien par la société LUDIA avec date certaine, cette dernière étant en sus cessionnaire des droits d’auteurs de la personne ayant concouru à leur création.

Sur la co-titularité ensuite, celle-ci a été rejetée au motif que le salarié l’invoquant avait simplement, et au mieux, donné quelques conseils portant sur des modifications à apporter aux jeux. Cela était insuffisant donc.

S’agissant de l’originalité des jeux en cause, les juges du fond l’ont à chaque fois retenue, passant en revues les critères mis en avant par la société LUDIA démontrant selon elle cette originalité, à savoir :

« – La composition générale et l’agencement des éléments du jeu pédagogique,
• des couleurs et une figuration spécifiques des pièces,
• des configurations visuelles
• des symboles,
• l’aspect des personnages ».

Sur la contrefaçon enfin, les appelantes invoquaient les différences entre les jeux querellés. Les juges du fond ont rappelé que la contrefaçon s’apprécie au vue des ressemblances et non des différences. Ils ont donc retenu la contrefaçon, cette dernière ressortant notamment de ce que certains jeux avaient été importés et/ou commercialisés tels quels, sans accord préalable de la société LUDIA ou encore de ce que d’autres reprenaient les mêmes caractéristiques que ceux de cette dernière.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en droit auteur du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Délits de presse : faites entrer la prescription…ou pas !

Avocat e-réputationQui met en pratique les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 connait les risques liés au court délai de prescription, de 3 mois, des actions pénales et/ou civiles à l’encontre de faits relevant de cette loi sur la liberté de la presse, tels que diffamation, injure, diffusion de l’identité d’une victime, etc. L’articulation avec le délai de prescription de droit commun est parfois invoquée en renfort, lorsque l’action est engagée sur le fondement de l’atteinte à la vie privée.

 

Mais comment éviter une requalification de l’action, et par suite que ce délai de prescription de cinq ans ne soit pas retenu au profit du délai de prescription spécial de la loi de 1881 ? Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 9 sept. 2020), est venu apporter un nouvel éclairage sur la ligne de démarcation entre atteinte à la vie privée et divulgation de l’identité d’une victime d’agression sexuelle.

Contexte :

Nous sommes fin décembre 1985, deux jours après Noël. Madame X. est alors victime de faits d’enlèvement, séquestration, violences volontaires et viol par deux coauteurs et complices. Tandis que l’un d’eux décède au cours de son interpellation, la seconde est jugée et condamnée à une peine de réclusion criminelle.

A l’occasion du procès d’assise, la demanderesse se constitue partie civile, et est assistée par son avocate, Maître Y.

Ensuite, l’affaire se tasse.

Mais voilà que plusieurs années après, et alors que Madame X. a repris le cours de sa vie normale, elle est contactée par la télévision. C’est le producteur de la célèbre émission « Faite entrer l’accusé », dédiée aux grandes affaires criminelles. Il souhaite faire une émission sur son affaire et voudrait… qu’elle y participe. Mais Madame X. refuse.

Le producteur se tourne alors vers Maître Y., son avocate, lors du procès d’assise. Moins difficile à convaincre, celle-ci accepte. Elle participe ainsi à l’émission, en relatant les faits dont son ancienne cliente avait été victime, mais sans s’assurer au préalable de son accord.

Madame X. découvre plus tard, après la diffusion, que son identité, ainsi que les faits dont elle a été victime plusieurs années auparavant ont de nouveau été évoqués et décrits, alors même qu’elle n’avait pas souhaité prendre part à l’émission. Elle engage alors une action en responsabilité civile à l’encontre de la société de production et du diffuseur FRANCE TELEVISION, ainsi qu’à l’encontre de son ancienne avocate, à raison de l’atteinte au respect de sa vie privée et de sa dignité, sur le fondement de l’ancien article 1382 et de l’article 9 du code civil.

Les défenderesses soulèvent la prescription de l’action, arguant de ce qu’il convenait de requalifier l’action qui aurait dû être engagée sur le fondement spécifique de l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, qui sanctionne « le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des renseignements concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelles ou l’image de cette victime lorsqu’elle est identifiable », laquelle action requalifiée étant alors prescrite puisque non engagée dans le délai de prescription de trois mois suivant la diffusion de l’article 65 de cette même loi.

La Cour d’appel de Bordeaux fait droit à l’argument.et déclare l’action de Madame X. irrecevable comme prescrite, et rejette ses demandes de dommages et intérêt et de cessation de la diffusion sur internet de l’épisode litigieux. La Cour d’appel a en effet retenu que l’entier préjudice invoqué par Madame X. au titre de l’atteinte à sa vie privée tient à la révélation de son identité, puisqu’à défaut d’identification de la victime des crimes subis, l’atteinte n’était pas constituée.

L’action sur le fondement de l’atteinte à la vie privée n’était donc pas dissociable de l’action encadrée sur les dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881.

Madame X. forme un pourvoi contre cet arrêt. La Cour de cassation est ainsi amenée à trancher de cette question de requalification et de prescription qui y est rattachée.

Solution :

Dans son arrêt du 9 septembre 2020, la Cour de cassation rappelle que l’article 9 du Code civil assure le droit au respect de la vie privée, tandis que les dispositions de l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 évoque plus spécialement la diffusion de l’identité d’une personne ayant été la victime de crimes ou délits de nature sexuelle.

Elle retient ensuite une qualification distributive du fondement à retenir en fonction des faits dont il est demandé l’indemnisation. Pour la Haute juridiction, il s’agissait d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de la révélation d’informations précises et de détails sordides sur les circonstances des crimes dont Madame X. avait été victime, et donc non pas seulement celui résultant de la révélation de son identité.

Le fondement de l’article 9 du code civil pouvait donc bel et bien être retenu, et il n’y avait pas lieu à requalification ni à application de la courte prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

Résumé :

Lorsque des faits peuvent à la fois être sanctionnés sur le fondement des dispositions spéciales de la loi sur la liberté de la presse, et sur celui de l’article 9 du code civil, la Cour de cassation retient une qualification distributive du fondement à retenir, et de la prescription à appliquer.

En l’espèce :

• La révélation du seul nom de la victime de faits d’agression sexuelle relève des dispositions de l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ;

• En revanche, la révélation des détails et des éléments factuels précis sur les circonstances des faits eux-mêmes relèvent bien d’une atteinte à la vie privée, justifiant que soit appliquée la prescription de droit commun de cinq ans.

Cette qualification distributive pourrait sans doute être transposée en matière de diffamation ou d’injure : s’il peut y avoir distinction, il peut y avoir application distributive des délais de prescription.

Vigilance donc à l’égard de tous, y compris des avocats qui seraient amenés à relater des faits dont un ancien client aurait été victime : la prescription ici c’est cinq ans !