Vice du consentement : erreur sur les caractéristiques techniques du produit

Avocat contentieux informatiqueL’erreur, appliquée à la matière contractuelle, est le fait pour l’un des cocontractants de se méprendre sur la substance de son objet. Ce vice du consentement entraine la nullité du contrat. Le 27 janvier 2020 (18/02590), la Cour d’appel de Colmar a eu l’occasion des se prononcer sur l’existence ou non d’une erreur chez le client d’un système de vidéosurveillance.

 

Contexte :

Le client avait fait l’acquisition d’un système de vidéosurveillance. Suite à un acte de vandalisme, il s’est avéré que ce système ne permettait pas d’identifier les plaques d’immatriculation.

Il existait cependant une contradiction au devis. En effet, alors qu’il rappelait les besoins exprimés du client d’un système de captation extrêmement précis en modes diurne et nocturne, les caractéristiques techniques du système proposé ne pouvaient pas, dans les faits, répondre à ce besoin.

Solution :

Le client n’ayant aucune compétence en matière de systèmes de vidéosurveillance et d’informatique, la Cour a donc considéré que cette contradiction avait entraîné une erreur sur les qualités attendues du matériel, justifiant l’annulation de la convention entre les parties.

La notoriété du déposant d’une marque de l’UE, on s’en « foot » pas…

Avocat droit des MarquesQuelques jours avant la clôture du mercato de l’été 2020, la CJUE a eu, à sa façon, à se prononcer sur la valeur du joueur aux six Ballons d’or. Par un arrêt en date du 17 septembre 2020 (affaire C-449/18), la Cour a ainsi déterminé si la notoriété de Lionel Messi pouvait suffire à sauver la marque qu’il avait précédemment déposée. L’occasion de faire une brève analyse d’après match.

 

Contexte :

Le 8 août 2011, Lionel Messi avait déposé auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne complexe, pour des appareils de sauvetage, des vêtements, chaussures et articles de gymnastique et de sport.

Mais le titulaire de deux marques antérieures « MASSI » désignant pour l’une des vêtements et chaussures pour la pratique du sport, et pour la seconde des dispositifs de protection à destination des cyclistes, avait formé opposition à l’enregistrement de la marque de l’international argentin, considérant qu’il existait un risque de confusion.

En attaque, Messi tente de stopper l’action en demandant à l’opposant des preuves d’usage de ses marques, preuves qui sont rapportées pour les casques de cyclistes et gants de bicyclette. L’argument de la déchéance pour non usage des marques antérieurs termine en touche. Et la division d’opposition puis la première chambre de recours de l’EUIPO font droit à l’opposition.

Messi forme un recours et demande l’annulation de la décision litigieuse. Le 26 avril 2018, le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de l’office européen. Lequel saisi alors la CJUE.

Solution :

La notable similitude entre les signes « MASSI » et « MESSI » avait été retenue pour faire initialement droit à l’opposition. Mais l’appréciation, globale, du risque de confusion conduit ici la CJUE à prendre en considération la notoriété du déposant de la marque contestée dans le cadre de la l’appréciation de la similitude conceptuelle des signes.

N’est pas Messi qui veut, et la CJUE retient que la réputation de celui-ci est telle qu’il n’est pas plausible que, en l’absence d’indices concrets contraires, le consommateur moyen, mis en présence du signe MESSI désignant des vêtements, des articles de gymnastique ou de sport ainsi que des appareils et des instruments de protection, fasse abstraction de la signification de ce signe comme faisant référence au nom du célèbre joueur de football et le perçoive principalement comme une marque, parmi d’autres, de tels produits.

La où habituellement la notoriété est appréciée s’agissant de la marque de l’opposant, ici la CJUE retient ainsi que c’est la notoriété du demandeur lui-même qui peut avoir une influence sur la perception de la marque par le public pertinent.

Restait à déterminer si une partie significative du public pertinent connaissait Messi au point de rattacher sa marque au joueur. La réponse est oui !

Résumé :

La CJUE retient ici qu’un élément factuel, à savoir la notoriété du déposant d’une demande d’enregistrement contestée, permet de révéler l’existence de différences conceptuelles telles qu’elles permettent de minimiser les différences phonétiques et visuelles. Encore faut il bénéficier d’une notoriété équivalente à Messi pour ce faire…

L’affaire n’est pas finie. Puisqu’après ce match aller, un recours a été formé contre la décision. Match retour à venir donc.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, un avocat droit des marques du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Données personnelles : un acteur du e-commerce se fait taper sur les doigts

Avocat rgpdL’article 5 du RGPD prévoit que les données personnelles doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées » et doivent être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ».

 

 

La CNIL, par une délibération du 28 juillet 2020, a condamné la société SPARTOO notamment pour manquement à ces deux principes de minimisation et de limitation de la durée de conservation, ainsi qu’aux obligations d’information et de sécurité.

Sur le manquement au principe de minimisation des données :

La société SPARTOO procédait à l’enregistrement intégral et permanent des appels téléphoniques reçus par les salariés du service client.

Pour sa défense, elle soutenait que les enregistrements téléphoniques n’étaient ni permanents ni systématiques dans la mesure où les clients avaient la possibilité de s’opposer à l’enregistrement de l’appel.

La CNIL a relevé que même si certains clients s’opposaient à l’enregistrement de l’appel téléphonique passé, la société mettait en œuvre un traitement permettant d’enregistrer toutes les conversations téléphoniques de ses salariés, sans qu’ils puissent avoir la possibilité de s’y opposer.

Ce procédé a donc été jugé particulièrement intrusif et donc excessif au regard de la finalité d’évaluation des salariés par la société.

Sur le manquement au principe de limitation de durée de conservation :

La société a informé la CNIL qu’aucune durée de conservation des données des clients et prospects n’avait été déterminée et qu’elle ne procédait à aucun effacement régulier ou archivage des données à l’issue d’une période définie.

La société conservait l’intégralité des données de ses anciens clients alors même que beaucoup étaient inactifs depuis un certain nombre d’années.

Sur ce point, la société s’est défendue en invoquant le fait que seule la responsable juridique avait accès aux données.

La CNIL a répondu que la question de l’accès était totalement indépendante de la question de la conservation des données personnelles.

Précision intéressante également, la CNIL a considéré que le point de départ du délai de conservation des données ne pouvait avoir lieu au jour de la dernière ouverture par le client d’un mail de prospection. Selon elle, « lorsque le point de départ du délai de conservation des données est le dernier contact émanant du prospect, il doit s’agir d’un événement permettant de démontrer l’intérêt de la personne pour le message reçu, tel qu’un clic sur un lien hypertexte contenu dans un courriel », ce qui n’est pas le cas pour la simple ouverture d’un courriel qui peut se faire involontairement.

Ces différents manquements ont donc valu à la société SPARTOO d’être condamnée à une amende d’un montant de 250 000 € assortie d’une injonction de se mettre en conformité sous astreinte.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, un avocat données personnelles du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition. 

Dépôt frauduleux de marque : dépôt du nom d’un concurrent

Avocat droit des MarquesLa marque déposée dans le but de nuire aux intérêts d’un tiers en le privant intentionnellement du signe qu’il utilise ou s’apprête à utiliser est susceptible de faire l’objet d’une action en revendication au profit de la partie lésée, sur le fondement de l’article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle. Par un jugement du 28 février 2020, le Tribunal judiciaire a eu l’occasion d’apprécier le caractère frauduleux ou non du dépôt du signe de son concurrent à titre de marque par le dirigeant d’une société.

 

En l’espèce, la société JECO DISTRIBUTION, intervenant dans la commercialisation notamment de sachets d’emballages plastiques, enveloppes, étiquettes et porte-documents, exploite le signe éponyme de manière continue depuis 2012, notamment à titre de dénomination sociale et nom de domaine (marque également déposée en classe 9).

Le 7 mars 2017, le dirigeant de la société concurrente UNIVERS GRAPHIQUE a procédé au dépôt de la marque « JECO » n°4343637 pour des produits commercialisés par les deux sociétés, en classes 16 et 20.

Le 4 mai 2018, la société JECO DISTRIBUTION a, à son tour, déposé la marque éponyme n°4451191 en classes 2 et 9.

Le dirigeant de la société UNIVERS GRAPHIQUE s’est ensuite opposé à cette demande d’enregistrement sur la base de sa marque antérieure du 7 mars 2017, en partie avec succès puisque celle-ci a fait l’objet d’un rejet partiel.

Considérant que le dépôt de marque réalisé par sa concurrente était frauduleux au sens de l’article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle précité, la société JECO DISTRIBUTION l’a assignée aux fins notamment d’obtenir transfert de la marque querellée à son profit.

Le tribunal saisi a commencé par rappeler qu’un dépôt est considéré comme frauduleux lorsque « le droit de marque n’est pas constitué et utilisé pour distinguer des produits ou des services en identifiant leur origine, mais est détourné de sa fonction dans la seule intention de nuire aux intérêts d’un tiers en le privant intentionnellement d’un signe qu’il utilise ou s’apprête à utiliser », ce qu’il appartient au demandeur à l’action de démontrer.

Prenant en compte le fait que :

• les deux sociétés intervenant dans le même domaine (mêmes produits vendus en ligne notamment sur Amazon) et présentant des chiffres d’affaires comparables, la société UNIVERS GRAPHIQUE ne pouvait raisonnablement ignorer l’existence des produits de sa concurrente estampillés « JECO ».
• cette dernière ne justifiait pas d’un usage du signe querellé avant son dépôt par ses soins,

le tribunal a estimé que le dépôt en cause réalisé par le dirigeant de la société UNIVERS GRAPHIQUE avait pour « but de confisquer à son profit un signe nécessaire à la poursuite de l’activité de la société JECO DISTRIBUTION, caractérisant ainsi un détournement de la fonction de la marque dans une intention nuisible à cette dernière ». Il s’agissait donc d’un dépôt frauduleux justifiant le transfert de cette marque à la société JECO DISTRIBUTION.

La société UNIVERS GRAPHIQUE a par ailleurs été condamnée pour actes de concurrence déloyale et parasitaire, caractérisés par « le fait de déposer une marque utilisée par un concurrent et non protégée (pour les produits concernés par le présent litige) dans le but d’obtenir la visibilité créée par ce concurrent sur un site de vente en ligne, de façon à tirer profit de ses investissements financiers et intellectuels pour parvenir sans bourse délier à vendre des produits similaires voire identiques ».

 

Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à contacter un avocat marques du cabinet SOLVOXIA. 

Le dol ne se présume pas…il se prouve

Avocat contentieux informatiqueIl ressort de l’ancien article 1116 du Code civil (applicable à l’espèce en cause) que « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». Par une décision du 3 décembre 2019 (n°16/07759), la Cour d’appel de Rennes a eu l’occasion de se prononcer sur l’existence ou non de manœuvres dolosives devant entraîner l’annulation de contrats portant sur la création et le paramétrage de plusieurs sites internet.

 

Dans l’espèce qui nous occupe, un prestataire avait été chargé par l’un de ses clients, intervenant dans les domaines du téléchargement de musique et de vidéo à la demande, de créer et paramétrer différents sites internet.

Non satisfait des services rendus, le client avait sollicité la nullité des contrats pour dol.

Le client considérait en effet que le prestataire avait entretenu la confusion entre son entreprise individuelle et une entreprise de plus grande envergure au nom proche.

Après avoir rappelé que le dol ne se présume pas mais doit se prouver (aucune preuve ne venait attester les mensonges évoqués), les juges ont considéré que le client, qui n’avait eu que l’entrepreneur individuel comme interlocuteur, ne pouvait raisonnablement croire s’être adressé à une grande agence.

Pas de dol donc.