Reprise d’éléments graphiques d’un concurrent s’inscrivant dans les tendances du marché : pas de concurrence déloyale et parasitaire

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisDans un arrêt du 20 mars 2024, la Cour d’Appel de Riom s’est prononcée sur l’existence d’actes de concurrence déloyale et parasitaire invoqués à l’encontre d’un concurrent reprenant des éléments graphiques relevant des tendances du marché.

 

Contexte : une action en concurrence déloyale et parasitaire

 

Une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits de puériculture considérait notamment que les éléments graphiques de plusieurs de ses produits étaient systématiquement repris par un concurrent (assemblages de couleurs, de style graphique des emballages, etc.), notamment s’agissant de son fameux produit « Babycook », peu de temps après leur sortie.

Selon la société, ces nombreuses reprises créaient un risque de confusion pour le consommateur et témoignait d’une immixtion volontaire du concurrent dans son sillage économique, en vue de profiter de ses investissements sans bourse délier.

Après s’être vue déboutée de l’intégralité de ses demandes par le Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand, la société a fait appel de la décision devant la Cour d’appel de Riom.

 

Solution : la reprise d’éléments esthétiques communément utilisés dans un secteur économique ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ou parasitaire

 

La reprise d’éléments esthétiques doit être fautive pour être qualifiée de déloyale

 

Pour mémoire, en matière de concurrence déloyale, ni l’imitation, ni la reproduction servile ne suffisent à engager la responsabilité civile de son auteur. Il est nécessaire de démontrer une reproduction fautive souvent caractérisée par la création d’un risque de confusion pour le consommateur ou alors une copie avec la volonté de se placer dans le sillage du parasité et bénéficier de sa notoriété.

Selon la société appelante, plusieurs éléments graphiques de ses produits étaient copiés et, notamment, la combinaison des trois couleurs bleu nuit, cuivre et rose poudré pour son fameux « Babycook ». La combinaison des trois couleurs aurait selon elle été suffisamment connue du public, au regard de sa notoriété, de sorte que le consommateur associerait cette combinaison à ses produits. La reprise ferait donc naître un risque de confusion pour ce dernier.

Pour les juges de la Cour d’appel de Riom, l’assemblage du bleu et du rose avec une couleur plus neutre comme le cuivre, s’inscrivait dans une tendance de marché visant à offrir des produits non genrés. L’assemblage « est le reflet d’une tendance commune au moment de la conception des produits litigieux ». En conséquence, cet assemblage de couleur ne paraissait pas dicté par le souhait d’imiter le concurrent, mais davantage par celui de coller aux tendances du marché. La seule reprise des couleurs ne justifiait donc pas à elle seule un risque de confusion.

La Cour a également noté qu’en outre le design des produits était très différent et que le « Babybook » était proposé dans d’autres coloris de sorte que l’assemblage de couleurs ne pouvait être perçu comme renvoyant à la marque de l’appelante.

Le même raisonnement a été retenu pour l’emballage des produits au graphisme rappelant l’origami, d’autant que sur tous ces sujets, l’intimée démontrait avoir nourri un travail de réflexion avant la sortie du produit en cause.

Les griefs concernant les autres produits ont pareillement été rejetés.

 

Pas d’appréciation globale des faits reprochés pour démontrer des actes de parasitisme

 

Pour démontrer le comportement parasitaire de sa concurrente, la société appelante affirmait que les juges devaient apprécier l’ensemble des reprises dans leur globalité pour considérer l’existence d’un tel comportement et ne pas procéder grief par grief isolément.

Selon les juges cependant, « il ne suffit pas d’affirmer qu’il est nécessaire d’apprécier les faits de manière globale pour considérer que la démonstration d’actes de parasitisme serait établie ». Doit être démontré le caractère fautif de chacune des imitations reprochées, ce qui implique un développement point par point.

Vous souhaitez en savoir plus, un avocat concurrence déloyale du Cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tient à votre disposition.

 

 

 

 

 

La validité d’un brevet européen sur le fil ?

Avocat droit des brevetsPar une décision du 30 mai 2024 (n°22/10947), le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur la validité d’un brevet portant sur un appareil de mise en portion et de découpe de saucisses.

 

Contexte : L’action en contrefaçon sur la base d’un brevet européen portant sur une machine de mise en portion et de découpe de saucisses

 

Dans cette affaire, une société disposait d’un brevet européen désignant la France, sous priorité d’un dépôt français, sur un appareil de mise en portion et de découpe de saucisses, délivré le 28 novembre 2018 par l’Office Européen des Brevets.

Cette dernière, constatant que des concurrentes commercialisaient une machine semblable reprenant des caractéristiques de son brevet, les a mises en demeure de cesser toute fabrication et commercialisation de cette machine, sans succès.

Après avoir procédé à des saisies-contrefaçon, la demanderesse a finalement assigné les sociétés en cause pour contrefaçon devant le Tribunal judiciaire de Paris.

 

Solution : La nullité de la partie française du brevet européen pour défaut de nouveauté

 

  • La demande reconventionnelle en nullité

 

Devant le Tribunal judiciaire de Paris, les sociétés assignées soulevaient la nullité du brevet pour défaut de nouveauté.

Cette demande a été accueillie par le Tribunal qui a annulé la partie française du brevet européen pour défaut de nouveauté. En effet, l’ensemble des caractéristiques du brevet avait été divulgué par la société titulaire avant la date de dépôt de la demande de brevet prioritaire. L’objet du brevet n’était donc pas brevetable au sens du Code de la propriété intellectuelle puisque l’invention doit être nouvelle pour bénéficier de cette protection, en ce sens qu’elle ne doit pas avoir été divulguée au public.

 

  • Défaut de nouveauté en raison de la divulgation par le titulaire du brevet

 

Selon le Tribunal judiciaire de Paris, il était établi que la machine, présentée dans le laboratoire boucherie d’un hypermarché et mise gratuitement, à l’issue des essais, à disposition de ce magasin, était celle sur laquelle portait brevet, peu important le fait qu’au début celle-ci nécessitait encore des essais et n’était pas dans son état définitif.

Par ailleurs, la machine avait été montrée à au moins deux personnes – le responsable du rayon boucherie et le directeur du magasin – dont il n’était pas établi qu’elles étaient tenues à une obligation de confidentialité. Celle-ci, d’interprétation stricte, ne peut résulter que d’un engagement exprès et ne saurait résulter implicitement du fait que la machine était un prototype.

Enfin, la machine était accessible au personnel du magasin, mais également aux différents fournisseurs de matériels qui s’étaient sont présentés dans l’atelier boucherie pour proposer leurs machines.

Par conséquent, les essais du prototype dans le laboratoire du magasin ont été considéré par le Tribunal comme des essais publics, constitutifs d’une divulgation anéantissant le caractère nouveau de l’invention.

En résumé, lorsque vous êtes à l’origine d’une invention brevetable, veillez absolument à la garder confidentielle jusqu’à son dépôt. A défaut, votre brevet sera potentiellement nul pour absence de caractère nouveau.

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, unavocat droit des marques du Cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tient à votre disposition.

 

Preuve de l’originalité d’un logiciel : les codes sources sont nécessaires !

Avocat droit d'auteur Nantes     Dans un jugement du 27 juin 2024, le Tribunal Judiciaire de Paris s’est prononcé sur les conditions de démonstration de l’originalité d’un logiciel

 

Contexte : une action en contrefaçon de logiciel

 

Une société éditait et distribuait une solution informatique complète de gestion d’officines de pharmacie.

Elle avait signé un contrat de prestation informatique avec une autre société partenaire aux termes duquel cette dernière était autorisée à utiliser son logiciel installé chez des pharmaciens pour extraire et structurer les données des officines, en contrepartie du paiement d’une redevance mensuelle.

Quelques années plus tard, l’éditeur du logiciel pour officines était contacté par plusieurs de ses clients à la suite d’un message d’erreur apparaissant sur le serveur du logiciel et elle a constaté que plusieurs programmes anormaux du logiciel avaient été exécutés et avaient générés des flux anormaux. Parallèlement, le partenaire précité lui faisait parvenir une demande de désactivation de certaines des pharmacies couvertes par le contrat signés entre les parties. Par la suite, le partenaire a lancé son propre logiciel.

Après avoir pratiqué plusieurs saisies contrefaçon, l’éditeur a assigné son ancien partenaire devant le Tribunal Judiciaire de Paris en contrefaçon de son logiciel et en concurrence déloyale et parasitaire pour l’avoir utilisé sans autorisation.

 

Solution : la preuve de l’originalité du logiciel non rapportée faute de communication des sources

 

Sans code source, l’originalité d’un logiciel ne peut être appréciée

 

Pour mémoire, un logiciel n’est protégeable que sous réserve son originalité soit démontrée. Pour démontrer le respect de la condition d’originalité nécessaire au bon succès de l’action en contrefaçon de son logiciel, le demandeur produisait un rapport d’expertise ne contenant pas l’intégralité du code source de son logiciel mais seulement trois extraits.

Selon le Tribunal Judiciaire de Paris les conclusions de l’expert « apparaissent d’une faible valeur probante » en ce qu’il n’a pas pu se voir communiquer l’intégralité du code source. En effet, ce dernier s’était vu communiquer seulement trois extraits du code source du logiciel.

L’originalité d’une œuvre s’apprécie au regard de l’œuvre dans son ensemble afin d’apprécier l’existence d’un effort personnalisé allant au-delà « d’une logique automatique et contraignante ». Ainsi, en l’absence de communication de l’intégralité du code source et en présence seulement d’extraits choisis (minutieusement) par la demanderesse, le Tribunal Judiciaire de Paris n’a pas pu apprécier l’originalité du logiciel.

La demande fondée sur la contrefaçon de logiciel a donc été rejetée.

 

Le secret ne peut justifier l’absence de communication intégrale du code source

 

C’est dans l’objectif de conserver secret son code source que le demandeur soutenait avoir délibérément communiqué seulement trois extraits à l’expert dont les conclusions allaient, selon elle, permettre de démontrer l’originalité de son logiciel.

Le Tribunal Judiciaire de Paris précise cependant qu’il lui appartenait d’aménager la communication du code source ou de ses extraits au cours de la procédure, le cas échéant en saisissant le juge de la mise en état d’un incident.

Cette décision confirme une nouvelle fois que la preuve de l’originalité d’un logiciel n’est pas une mince affaire (cf. notamment en ce sens un arrêt de CA de Nancy du 5 février 2024 ayant également conclu au défaut d’originalité).

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Pas de nullité pour la marque « Compton » pour des vêtements

Avocat droit des marques NantesPar une décision du 28 février 2024 (n°T-746/22), le Tribunal de l’Union Européenne s’est prononcé sur la validité d’une marque portant sur le nom géographique « Compton ».

 

Contexte : Dépôt d’une marque portant sur le nom géographique « Compton » pour des vêtements

 

Dans cette affaire, une société a déposé, le 8 septembre 2015, une marque de l’Union européenne portant sur le signe verbal « Compton » pour désigner des produits de la classe 25, à savoir « vêtements ; chapellerie ; chaussures ».

Le 30 juillet 2020, une société américaine a présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), une demande de nullité de ladite marque.

Cette demande, après avoir été rejetée, a finalement été accueillie par l’EUIPO, la chambre de recours ayant estimé en substance qu’elle indiquait l’origine géographique des produits visés et était, de ce fait, descriptive. Elle a également retenu qu’elle était dépourvue de caractère distinctif car ne permettant pas d’indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits.

La marque en cause est en effet le nom d’une ville située en Californie, considérée comme le berceau du gangsta rap et du hip-hop américain.

Le Tribunal de l’Union Européenne a été saisi de l’affaire.

 

Solution : Rejet par le TUE de la nullité de la marque portant sur le nom d’une ville

 

L’importance de la détermination du public pertinent pour trancher sur le caractère descriptif d’une marque

 

Il ressort des textes européens qu’une marque doit être refusée à l’enregistrement si elle est composée exclusivement d’indications qui servent notamment à désigner la provenance ou la destination géographique des produits.

Pour ce faire, il faut être à même de démontrer que le nom concerné est connu dans les milieux intéressés en tant que désignation d’un lieu et que le nom en cause présente ou est susceptible de présenter, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits ou de services concernés.

En l’espèce, le Tribunal de l’Union européenne a retenu que le public concerné était le grand public et que la chambre de recours pouvait « tenir plus particulièrement compte de la perception de la partie de ce public qui s’intéress[e] à la street fashion et qui [est] influencé par la culture hip-hop et la musique rap ».

 

L’importance de la démonstration de la connaissance de Compton par le public pertinent

 

Une fois le public pertinent validé par le Tribunal, ce dernier a jugé qu’il n’était finalement pas démontré qu’une partie non négligeable de ce public connaissait la ville de Compton et des évocations l’accompagnant, ne faisant donc pas de lien avec les produits proposés. Il sera par ailleurs noté que la juridiction a rappelé que la date de prise en compte de cette connaissance doit être fixée au dépôt de la marque.

Au final, la décision de l’EUIPO ayant conclu à la nullité de la marque « Compton » pour des produits vestimentaires a été annulée, cette dernière étant donc valide.

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Marque Pablo Escobar et ordre public : n’est pas Robin des bois qui veut…

Avocat droit des marques Nantes Dans un arrêt du 17 avril 2024 (T-255/23), le Tribunal de l’Union Européenne a examiné si le signe « Pablo Escobar » pouvait être enregistré en tant que marque ou s’il était contraire à l’ordre public.

 

Contexte : le dépôt de la marque communautaire Pablo Escobar

 

En septembre 2021, une société américaine nommée Escobar Inc. a sollicité auprès de l’Office Européen pour la propriété intellectuelle (l’EUIPO) l’enregistrement d’une marque de l’Union Européenne « Pablo Escobar » pour des produits et services divers et variés.

L’examinateur, puis la chambre de recours, ont tous deux rejetés l’enregistrement de cette marque.

Ils estimaient en effet que la marque demandée était contraire à l’ordre public (ce qui est un motif de nullité de marque), le nom de Pablo Escobar étant associé au narcoterrorisme et au cartel de Medellin.

Or, un signe contraire à l’ordre public ne peut en principe pas être enregistré en tant que marque, ce qui peut être le cas de signes insultants ou choquants.

 

Solution : une marque estimée contraire à l’ordre public

 

1/ la « réhabilitation populaire » de Pablo Escobar mise en avant par le déposant…

 

Pour contester le fait que le nom de Pablo Escobar soit contraire à l’ordre public, le déposant mettait en avant le fait que ce personnage soit devenu emblématique dans la culture populaire (notamment par l’intermédiaire de la série Narcos, retraçant son histoire).

Il indiquait ainsi que d’autres personnages, tels que Bonnie et Clyde, Al Capone ou Che Gevara avaient pu être enregistrés en tant que marque eu égard à la dimension symbolique de leurs noms, qui outrepassaient les éventuels crimes auxquels ils avaient été associés.

Enfin, le déposant mettait également en avant le fait que Pablo Escobar était également connu pour de nombreuses bonnes actions en faveur des personnes pauvres en Colombie, lui ayant valu le surnom de « Robin des Bois de Colombie », et qu’il n’avait jamais été condamné par la justice colombienne (s’il avait été incarcéré quelque temps, cela résultait d’un accord avec la justice colombienne – lui ayant permis de résider dans une prison qu’il avait lui-même construire, La Catedral – et non d’un procès).

 

2/ … insuffisante à effacer la contrariété à l’ordre public de la marque

 

Le Tribunal de l’Union Européenne n’a toutefois pas été convaincu par ces différents arguments.

Il rappelle tout d’abord que, pour apprécier la conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs d’une marque, il convient de vérifier si le signe sera perçu comme tel par le public pertinent, à savoir toute personne située dans l’Union Européenne qui, sans nécessairement être concernée par les produits et services visés, sera mise en présence du signe de manière incidente dans sa vie quotidienne.

En l’espèce, les examinateurs s’étaient davantage centrés sur le public espagnol, présentant historiquement une familiarité plus forte avec la Colombie et donc avec Pablo Escobar.

Pour le Tribunal, la chambre de recours était fondé à considérer que le public pertinent associerait le nom de Pablo Escobar au trafic de drogue et au narcoterrorisme ainsi qu’aux crimes et aux souffrances qui en découlaient, plutôt qu’à ses bonnes actions éventuelles en faveur des pauvres en Colombie et, partant, percevraient la marque demandée comme allant à l’encontre des valeurs et des normes morales prévalant au sein de la société espagnole.

La marque, si elle avait été enregistrée, aurait pu être perçue comme fortement offensante ou choquante, en tant qu’apologie du crime et que banalisation des souffrances causées aux milliers de personnes tuées ou blessées par le cartel de Medellin.

Le Tribunal de l’Union Européenne confirme donc le choix de l’EUIPO d’avoir refusé l’enregistrement de la marque Pablo Escobar.

 

En résumé, l’ordre public reste une notion subjective et, si  certains personnages historiques peuvent bénéficier d’une image plutôt positive dans une partie la culture populaire, l’enregistrement en tant que marque de leur nom impose néanmoins de s’assurer qu’une telle marque ne risque pas de heurter le public de manière générale : tel aurait été le cas, selon le Tribunal de l’Union Européenne, du nom Pablo Escobar, dont l’enregistrement est refusé.