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CNIL et recrutement : quel cadre pour les outils vidéo dans le processus de recrutement ?

Avocat rgpd

 

Dans un Guide Recrutement publié le 30 janvier 2023, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) s’est prononcée sur l’utilisation par le recruteur d’outils vidéo permettant la collecte, l’analyse, la conservation, et la communication de données personnelles relatives au candidat, et notamment aux outils d’analyse vidéo des émotions et expressions du visage des candidats, au regard du RGPD.

 

Contexte : l’usage par les recruteurs d’outils vidéo

 

A l’heure de l’intelligence artificielle, de nombreux logiciels et autres outils numériques voient le jour et sont susceptibles d’effectuer des traitements des données personnelles.

Les outils vidéo ont dorénavant atteint la sphère de l’emploi et sont régulièrement utilisés par les recruteurs lors des processus de recrutement. C’est le cas par exemple des logiciels de visioconférence, de la pratique des CV vidéo, ou des algorithmes de traitement des expressions du visage qui collectent des données relatives aux candidats.

La problématique de leur réglementation s’est donc posée à la CNIL au regard de la protection des données personnelles.

 

La position de la CNIL relative aux conditions d’usage des outils vidéo dans le processus de recrutement

 

L’importance de la détermination des finalités du traitement lorsqu’il y a utilisation d’outils vidéo

 

Dans la fiche n° 12 « A quelles conditions un recruteur peut-il utiliser la vidéo dans le processus de recrutement » du Guide, la CNIL pose tout d’abord comme principe que les outils vidéo permettant, lors du recrutement, la collecte, la conservation, la transmission ainsi que l’analyse des images captées constituent des traitements de données personnelles.

Le recruteur assume donc la responsabilité du traitement des données collectées et se doit donc de respecter les règles en matière de protection des données personnelles.

Elle précise à cet égard qu’« un traitement qui violerait les dispositions du code du travail en matière de recrutement ne saurait être considéré comme licite au sens du RGPD ».

La CNIL indique en outre que le recruteur doit s’assurer que les données et informations collectées relatives au candidat présentent un lien direct et nécessaire avec les finalités poursuivies que sont la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé ou l’évaluation des aptitudes professionnelles.

La CNIL affirme qu’en pratique les deux principaux objectifs poursuivis dans le cadre du recrutement et qui justifient le recours aux outils vidéos au regard de ces finalités sont de « simplifier la communication en permettant notamment aux interlocuteurs d’éviter des déplacements » et de « capter des entretiens en vue de leur analyse ultérieure par le recruteur ».

Selon la CNIL, il en va ainsi de toutes les données collectées lors de la captation de l’image (les flux vidéo et sons ; les données techniques de connexion).

En ce qui concerne la mise en œuvre de tels outils, la CNIL rappelle que le recruteur doit informer les candidats préalablement qu’un traitement par vidéo est envisagé, ainsi que des finalités explicites et des modalités de mises en œuvre d’un tel traitement. Elle se fonde là aussi sur l’article L. 1221-8 du Code du travail qui dispose que « le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard ». Cet article rappelle de plus que ces méthodes doivent être « pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».

Enfin la CNIL estime que, de même que pour les entretiens physiques, les entretiens vidéo ne peuvent être conservés sans justification spécifique du besoin effectif du recruteur. C’est le cas par exemple lorsque le processus de recrutement passe par un cabinet de recrutement. En tout état de cause, la durée de conservation des données ainsi collectées ne peut excéder la date de la décision d’embauche.

 

Plus spécifiquement : l’analyse vidéo des émotions des candidats

 

Plus spécifiquement, certains recruteurs souhaiteraient mettre en place des outils permettant de capter par vidéo le candidat afin de procéder par la suite, via un algorithme de traitement d’images vidéo, à une analyse de ses expressions, émotions et comportements non-verbaux et de les comparer à une liste de qualité pré-requises déterminées par le recruteur en amont.

L’algorithme attribuerait ensuite des scores de correspondances au candidat (par exemple : « rigueur : 83%, capacité d’adaptation : 61%, agréabilité : 48% ») pour in fine déterminer ses compatibilités avec l’emploi proposé.

Si l’employeur décide de se fier uniquement au traitement algorithmique, sans prise de décision individuelle humaine, il s’agira d’une prise de décision dite automatisée produisant des effets juridiques pour le candidat ou l’affectant de manière significative de façon similaire. Cette possibilité n’est envisageable que si, nous dit l’article 22 du RGPD, la décision est nécessaire à la conclusion d’un contrat » ; autorisée par certaines dispositions légales ; fondée sur le consentement explicite de la personne concernée.

Ce traitement par analyse des informations acquises par vidéo n’échappe pas à la règle et doit également être justifié au regard des finalités poursuivies par le recruteur et avoir un lien direct et nécessaire avec celles-ci, à savoir apprécier la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé et mesurer leur aptitudes professionnelles.

Sur ce point la CNIL est mitigée.

D’une part elle estime qu’« en l’état actuel de la recherche, la fiabilités des résultats obtenus à partir des micro-expressions faciales ne semble pas avoir été corroborée par des études scientifiques sérieuses ». Elle en déduit donc que le recours à de tels outils d’analyse des émotions des candidats dans le cadre des processus de recrutement ne doit pas être retenu.

Cependant elle admet également qu’une telle méthode soit mise en place si le recruteur parvient à « particulièrement » justifier la nécessité d’y recourir. En tout état de cause elle conclut en précisant qu’« une appréciation de la conformité de tels dispositifs ne peut donc être faite qu’au cas par cas ».

Il faudra donc être particulièrement vigilant si l’on souhaite recourir à des telles méthodes dans le cadre d’un recrutement puisqu’aucune finalité ne permet réellement de justifier un tel recours, qui plus est en l’état actuel de la recherche.

Vous souhaitez obtenir de plus amples informations en la matière notamment en ce qui concerne les règles applicables à la reconnaissance faciale, un avocat RGPD du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition si nécessaire.

 

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