Contrefaçon et concurrence déloyale : toute une gamme de qualifications pour sanctionner la copie… d’une gamme de bijoux

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisLe tribunal judiciaire de Paris a rendu, le 18 juin 2025 (n°23/10855), une décision en matière de contrefaçon et de concurrence déloyale dans le domaine de la joaillerie de luxe.

 

Contexte : la vente d’une gamme de bijoux copiant ceux d’une maison de luxe

 

La maison française de joaillerie de luxe Fred Paris propose notamment une gamme de bijoux nommée « Force 10 » composée de bracelets, de colliers, de bagues et de boucles d’oreilles disponibles en différents formats, couleurs et matériaux.

Elle est également titulaire d’un modèle communautaire sur la boucle en forme de manille stylisée des bijoux de cette gamme.

Estimant qu’une créatrice proposait, sur son site Internet, des bijoux reprenant les caractéristiques de sa gamme, elle l’a assignée en contrefaçon de droits d’auteurs et de son modèle ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitisme.

 

Solution : un cumul de condamnations au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale

 

1/ La contrefaçon reconnue sur les deux fondements

 

S’agissant tout d’abord des droits d’auteur, le Tribunal judiciaire a retenu que la société Fred Paris justifiait d’une exploitation publique et non équivoque de sa gamme de bijoux depuis plus de 15 ans et conclut à la similarité des produits.

Par une motivation quelque peu maladroite, il a ensuite repris les caractéristiques invoquées par la titulaire des droits pour justifier de l’originalité commune à l’ensemble de ses bijoux, semblant considérer que la combinaison de ces caractéristiques communes rendait au global les bijoux originaux, puis relevé que les bijoux de la créatrice reprenaient toutes ces caractéristiques et constituaient donc une contrefaçon.

S’agissant ensuite du modèle, le Tribunal a relevé que l’utilisateur averti pour apprécier l’existence d’une contrefaçon est un amateur de bijoux moyen de haut de gamme.

Il a ensuite estimé que les bijoux de la créatrice reproduisaient les caractéristiques essentielles du modèle et caractérisaient donc la contrefaçon.

Si la défenderesse mettait en avant d’autre bijoux similaires, le juge a relevé que les pièces versées n’étaient pas datées de sorte qu’elle ne permettaient pas de remettre en cause la nouveauté ou le caractère propre du modèle.

 

2/ La concurrence déloyale et le parasitisme reconnu en raison d’un effet de gamme

 

Le Tribunal a tout d’abord rappelé que la concurrence déloyale et le parasitisme, s’ils pouvaient être invoqués conjointement à une contrefaçon, exigeaient la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (solution classique en la matière).

Il a ensuite considéré que l’effet de gamme, à savoir la reprise de toute une gamme de produits (telle qu’une reprise des déclinaisons de couleurs, de taille et d’ornements), constituait un tel fait distinct de la contrefaçon.

En l’occurrence, cette reprise de la gamme par la créatrice créait un risque de confusion entre ses produits et ceux de la société Fred Paris, témoignant en plus d’une volonté de sa part de se placer dans le sillage de la maison de luxe.

Pour ces différents agissements, la créatrice est condamnée à indemniser le préjudice de la société Fred Paris, le Tribunal s’étant basé sur le chiffre d’affaires généré par la créatrice pour fixer le montant des dommages et intérêts (correspondant en l’occurrence à environ 2 mois de chiffre d’affaires).

En résumé, si la copie d’une création protégée est sanctionnable au titre de la contrefaçon, la reprise de plusieurs créations et surtout de leurs déclinaisons est sanctionnable de manière indépendante, au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, par application de la théorie de l’effet de gamme.

 

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Entreprises : quels sont les droits sur vos créations ?

Avocat droit d'auteur NantesPour une entreprise, il est essentiel d’être au clair sur la question de savoir qui est titulaire des droits sur les créations qu’elle fait réaliser en interne pour ses propres besoins et/ou en externe pour ses clients (ex : logo, logiciel, catalogue, site internet, plaquette commerciale, etc.). Nous vous proposons un petit tour d’horizon des règles en la matière.

 

Le principe : l’auteur est titulaire des droits sur ses créations

 

Le Code de la Propriété Intellectuelle (article L.111-1) pose le principe selon lequel « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Les droits d’auteur naissent donc, par principe, sur la tête de l’auteur dès l’origine (ex : salarié, freelance, etc.), à condition bien entendu que la création soit originale.

Il n’a aucune formalité à accomplir, par exemple auprès de l’Institut National pour la Propriété Intellectuelle (INPI) pour en bénéficier, contrairement par exemple en matière de marques ou de brevets où un dépôt est nécessaire.

Cela signifie concrètement que si vous êtes par exemple une agence de communication qui crée des logos au quotidien pour ses clients, les droits sur ces créations ne vous sont pas automatiquement dévolus. Il faut ainsi formaliser une cession des droits de votre salarié à votre profit, pour ensuite être en capacité le cas échéant de les céder à votre tour à vos propres clients.

Cela signifie également que si vous faites travailler un freelance ou une entreprise tierce pour un travail créatif, du type dessin d’étiquettes, réalisation d’une plaquette commerciale ou encore création d’un logo, il faudra vous assurer de vous faire céder les droits sur ce travail, pour être en capacité de l’exploiter pleinement et éventuellement à l’avenir de le modifier ou faire modifier à votre convenance.

 

Comment faire en pratique ?

 

Contrairement à ce qui pourrait être pensé, le paiement du prix d’une prestation ou le paiement du salaire à son salarié créateur n’emporte pas de cession à votre profit.

Il faut donc idéalement formaliser entre les parties une cession de droits d’auteur écrite, respectant un formalisme particulier à peine de nullité (notamment lorsque le cédant est le créateur et est une personne physique).

Le principe est le suivant : tout ce qui n’est pas prévu clairement par la cession n’est pas compris. La cession devra en conséquence mentionner chaque droit cédé (par exemple, reproduire la création sur différents supports physiques, la représenter dans le cadre d’un spot publicitaire à la télé, la modifier soi-même ou la faire modifier par une autre personne que le créateur), la durée de la cession (pour la durée des droits d’auteur à savoir 70 ans après le décès de l’auteur ou pour une durée plus courte), etc.

Si la cession n’est pas bien calibrée et que la création est exploitée au-delà de ce qui est prévu, il s’agira potentiellement d’actes de contrefaçon.

À cet égard, il faut noter que le Code de la Propriété Intellectuelle interdit toute cession globale des œuvres futures. Il n’est donc pas possible, en principe, de céder des droits à l’avance sur une œuvre qui n’existe pas encore, sauf à ce qu’elle soit individualisée et déterminable.

On évitera donc dans les contrats de travail les formulations « râteau » du type « toutes les créations réalisées par le salarié dans le cadre de son contrat seront la propriété de la société ».

Il en va de même lorsque l’on travaille avec un tiers à l’entreprise sur le long terme qui aura vocation de produire plusieurs créations.

Mieux vaut alors préparer un contrat cadre qui prévoit la réitération des termes de la cession de manière périodique, par exemple en cas de prestataire tiers, via une mention spécifique dans les factures éditées par ce dernier en fin de chaque mission.

 

Deux exceptions au principe : l’œuvre collective et les logiciels

 

À chaque principe ses exceptions et le droit d’auteur n’échappe pas à la règle…

En matière logicielle tout d’abord, le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que lorsqu’une personne est employée pour réaliser des développements informatiques, alors les droits sur ces développements appartiennent à l’employeur. Pas de cession nécessaire en pareil cas.

En ce qui concerne ensuite les œuvres à l’élaboration desquelles plusieurs personnes sont intervenues sans que l’on ne puisse individualiser leurs contributions respectives, sous la houlette d’une personne physique ou morale qui en prend l’initiative, les publie/les divulgue sous son nom, elles sont la propriété de cette dernière. Il s’agit de ce que l’on appelle les œuvres collectives. Ce pourra par exemple être le cas de dictionnaires ou magazines écrits à plusieurs mains. Dans de telles hypothèses, il est important de pouvoir documenter le caractère collectif du processus créatif, par exemple des guidelines à l’appui.

 

Et pour les inventions de salariés ?

 

Attention à ne pas confondre créations et inventions, ces dernières relevant de la protection par le brevet et d’un régime plus favorable à l’entreprise.

En résumé, lorsqu’une invention technique potentiellement brevetable est réalisée par un salarié dans le cadre de son emploi selon son contrat de travail, la société dispose du droit de déposer le brevet, sous réserve du règlement d’une contrepartie.

 

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La signature d’un procès-verbal de recette signé jugé insuffisante pour démontrer la délivrance conforme d’un site internet

avocat contrat informatiqueDans un arrêt du 5 mars 2025 (22/06503), la Cour d’appel de Versailles s’est prononcée sur l’efficacité d’un procès-verbal de réception signé pour démontrer une délivrance conforme des prestations sur un site internet.

 

Contexte : un site internet ne fonctionnait pas correctement

 

Une société avait fait appel à un prestataire pour la refonte de son site Internet. Invoquant des dysfonctionnements, elle poursuivait son prestataire pour solliciter la résolution du contrat.

Elle fournissait notamment un rapport d’expertise amiable, qui justifiait que les dysfonctionnements portaient sur des besoins essentiels de son site, qui avaient été exprimés par le client en avant-vente.

Par ailleurs, le prestataire avait fait le choix de recourir à une version instable du logiciel sur lequel devait se baser le site Internet, ce qui avait été source de difficultés.

La société cliente avait donc assigné le prestataire devant le tribunal de commerce de Nanterre en résolution du contrat et remboursement des sommes engagées. Le tribunal avait prononcé la résolution du contrat aux torts du prestataire. La société prestataire avait donc interjeté appel de la décision.

 

Solution : la signature par la cliente d’un procès-verbal de recette du site internet n’exonère pas le prestataire de sa responsabilité

 

La signature d’un procès-verbal de recette du site empêchait, selon le prestataire, toute contestation de la conformité de ce dernier

 

La société prestataire de service invoquait que la signature par la société cliente d’un procès-verbal de conformité, était une preuve de la validité du bon fonctionnement du site et une confirmation que les livrables avaient été correctement réalisés.

La société cliente réfutait cependant d’avoir signé un procès-verbal de conformité validant le bon fonctionnement du site internet, et donc des livrables demandés au prestataire dans la réalisation de ses obligations. En effet, il affirmait avoir signé « un procès-verbal de réception, qui a pour seule vocation de matérialiser l’entrée en possession des livrables ».

 

Le procès-verbal de recette signé jugé sans effet sur l’obligation de délivrance conforme

 

La Cour, attentive aux continuels dysfonctionnement du site, va confirmer que cette signature d’un procès-verbal ne constitue pas preuve de la réalisation de l’obligation conforme. Elle précise en effet « Aussi, nonobstant la signature par la société prestataire du procès-verbal de réception précité, il ne peut en être déduit qu’à cette date, la solution était conforme et qu’il appartenait à celle-ci de dénoncer tout dysfonctionnement dans le délai de garantie de 3 mois ».

La Cour note notamment que le prestataire avait avoué que les défauts n’étaient « pas aussi simples et rapides à corriger ». Elle caractérise alors le manquement à l’obligation contractuelle de délivrance d’un site exploitable. La Cour d’appel de Versailles précise que la gravité du manquement est de nature à justifier la résolution du contrat.

 

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Commentaires dénigrants et demande de suppression d’URL

Avocat e-réputationDans une décision du 13 juin 2025, la Cour d’appel de Paris s’est penchée sur des propos dénigrants tenus par des consommateurs concernant deux sites internet et les demandes de suppression les concernant.

 

Contexte : une demande de suppression d’avis jugés dénigrants

 

Une société exploite différents sites internet permettant d’envoyer des documents préparés par des professionnels, et notamment www.lettre-officielle.com et www.stratdoc.fr.

Une autre société exploite quant à elle deux sites internet www.signal-arnaques.com et www.scamdoc.com à l’attention des consommateurs sur les pièges à éviter en ligne.

Estimant que des commentaires dénigrants sur les sites précités étaient publiés, la première société a assigné la seconde pour obtenir suppression desdits commentaires.

Après un jugement de première instance rendu par le Tribunal de commerce de Paris, un appel a été formé par la société demanderesse dans la mesure où, si les contenus en cause avaient été jugés manifestement illicites et leur suppression avait été ordonnée, ils avaient été rediffusés avec une mesure de géo-blocage depuis la France et d’autres commentaires avaient dans l’intervalle été ajoutés.

 

Solution : des avis dénigrants considérés comme valablement supprimés

 

Confirmation du caractère dénigrant des commentaires

 

La Cour a en somme confirmé le jugement de première instance, notant tout d’abord que le terme « arnaque » « peut être considéré comme entrant dans le langage courant pour dénoncer un mécontentement de la part d’utilisateurs du service décrié, sans pour autant être dénigrant ».

Elle a ensuite souligné qu’il n’en allait cependant pas de même concernant des termes forts renvoyant à des infractions pénales, du type « escrocs » ou encore « abus de confiance », caractérisant « des propos de nature à jeter le discrédit sur les services proposés par [la société] sachant que l’absence d’information claire sur l’expérience de consommation et l’identification des auteurs ne permet pas d’asseoir une base factuelle suffisante ».

 

Demande de suppression des commentaires rejetée

 

L’appelante faisait par ailleurs, entre autres, valoir en cause d’appel que l’intimée n’avait pas respecté les conditions imposées par la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) concernant le retrait de contenus illicites en procédant uniquement à leur géo-blocage pour les internautes en France.

La Cour a cependant considéré que cette mesure était suffisante, prise avec également des mesures de modération, pour rejeter la demande de suppression des URL en cause.

Le jugement de première instance a pour le reste été confirmé, notamment concernant la condamnation au paiement de dommages et intérêts.

 

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La marque BOOKING.COM : distinctive pour des services de « booking » ?

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 4 juin 2025, l’EUIPO, l’Office européen pour la protection des marques notamment, a rejeté la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne « BOOKING.COM » pour des services en classes 35, 39, 41, 42 et 43.

 

Contexte : la demande d’enregistrement de la marque « BOOKING.COM » pour des services liés à la réservation d’hôtels en ligne

 

La société Booking.com a souhaité déposer la marque de l’UE « BOOKING.COM » pour les services qu’on lui connaît bien, à savoir globalement les services de réservation ainsi que les services annexes, notamment des services de publicité pour le voyage, de partage d’informations sur les voyages, déplacements, transports, etc., en classes 35, 39, 41, 42 et 43.

Après objection et après examen des observations du déposant, l’EUIPO a finalement refusé l’enregistrement de ladite marque.

 

Solution : le refus d’enregistrement de la marque « BOOKING.COM »

 

Le défaut de distinctivité du signe « BOOKING.COM » pour les services de réservation en ligne 

 

L’Office a estimé que la marque « BOOKING.COM » était descriptive des services visés au dépôt et donc dépourvue de caractère distinctif et ne pouvait en conséquence remplir les conditions de validité d’une marque.

Il a rappelé que ne pouvaient être enregistrées les marques composées de signes pouvant servir à désigner les produits ou les services proposés. Bien que le déposant ait tenté de se défendre en indiquant que personne n’utilisait le terme « booking.com » pour rechercher une plateforme qui fournit des services de réservation de voyages mais bien pour désigner sa société, l’Office a estimé que le signe était descriptif des services visés car pouvant être perçu dans sa signification, à savoir : « réservation en ligne ». Ainsi, les éléments composant le signe, à savoir « booking » et « .com », était purement, selon lui, descriptifs, « .com » permettant d’indiquer que les services visés peuvent être obtenus en ligne.

Le déposant arguait également du fait que la marque éponyme était enregistrée au niveau national dans plusieurs autres pays, ou sous forme figurative, mais l’EUIPO lui a rappelé qu’il n’était pas lié par les décisions rendues par les offices nationaux, et que la protection par la marque de l’UE est une protection autonome.

S’agissant des services visés, l’Office n’a pas examiné individuellement ceux-ci mais les a traités comme appartenant à une catégorie homogène plus large : il a considéré qu’ils étaient tous accessoires au domaine de la réservation en ligne.

En conclusion, l’Office a estimé que le signe était impropre à indiquer l’origine des services en cause.

 

Le refus de l’acquisition de la distinctivité par l’usage

 

Le déposant tentait par ailleurs de faire valoir que la marque « BOOKING.COM », si elle n’était pas distinctive à l’origine, avait acquis indubitablement une distinctivité par l’usage, tant elle était connue des consommateurs de l’UE.

Toutefois, l’Office a considéré que les preuves – bien que très étayées – fournies par le déposant (copies de sites internet, d’articles, de magazines, palmarès des marques connues dans certains pays, classement des meilleurs sites, utilisation massive du logo coloré, avis de clients, rapports, etc.) ne constituaient pas des preuves directes permettant de démontrer qu’une partie significative du public concerné, notamment à Malte et en Irlande (pays anglophones) et les pays dans lesquels le public possède une maîtrise suffisante de l’anglais, identifierait les services comme provenant de l’entreprise du demandeur. Il aurait fallu selon lui rapporter des éléments tels que les parts de marché, le chiffre d’affaires, des déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou encore d’autres associations commerciales et professionnelles.

Pas suffisamment de preuves pour l’acquisition de la distinctivité par l’usage donc.

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