Droit d’auteur : une police qui a du caractère !

Avocat droit d'auteur NantesDans une décision du 10 septembre 2025, le tribunal judiciaire de Nanterre a eu à se prononcer sur la protection par le droit d’auteur d’une police de caractères et sur les conséquences de son utilisation commerciale par des sociétés tierces.

 

Contexte : La reprise d’une typographie à des fins commerciales

 

Un dessinateur, graphiste et créateur de police de caractères commercialisait en ligne plusieurs polices, dont l’une intitulée « Lethal Slime », au style horrifique.

Dans le cadre d’un partenariat commercial, des sociétés espagnoles spécialisées dans la vente de produits capillaires avaient déposé une marque de l’Union européenne semi-figurative « My Monster Slime » et utilisé ce logo à des fins promotionnelles.

Or, constatant la reprise dans cette marque de sa police « Lethal Slime », sans son autorisation, son créateur avait mis en demeure les sociétés concernées de cesser cet usage et de l’indemniser du préjudice subi, puis les avait assignées devant le tribunal judiciaire de Nanterre, en contrefaçon de ses droits d’auteur.

 

Solution : La reprise d’une police de caractères originale sanctionnée par la contrefaçon  

 

L’originalité d’une police de caractères reconnue

 

Le tribunal se penche d’abord sur la question de l’éligibilité de la police de caractères à la protection par le droit d’auteur, ce qui suppose la démonstration de son originalité. Il rappelle tout d’abord que les œuvres graphiques et typographiques peuvent constituer des œuvres de l’esprit protégées, dès lors qu’elles traduisent des choix libres et créatifs de leur auteur.

Contrairement à ce que soutenaient les défenderesses, à savoir que la conception d’une police de caractères ne suppose pas un effort créatif particulier, qu’elle pouvait être créée à partir de logiciels accessibles sans requérir de technique particulière, qu’elle s’inspire de typographies déjà présentes en ligne, le tribunal rejoint la démonstration de l’originalité opérée par le demandeur, à savoir que le parti-pris esthétique réside dans la combinaison de diverses particularités graphiques (style horrifique, aspect visqueux des lettres, délimitation tortueuse et irrégulière, certaine épaisseur, délimitation noire et un intérieur blanc, etc.).

Ces choix créatifs étaient en outre corroborés par la production d’une planche manuscrite de dessins, démontrant un véritable travail préparatoire.

Le tribunal conclut ainsi à l’originalité de la police de caractères.

 

Des actes de contrefaçon caractérisés

 

Dans un second temps le tribunal examine la caractérisation des actes de contrefaçon.

Il était reproché aux défenderesses l’usage à des fins commerciales de la police de caractère, notamment dans le logo apposé sur leur gamme de shampoings, sous forme de dépôt de marque, sur leurs pages Facebook et Youtube destinées à la promotion desdits produits, sur les visuels d’un jeu édité par elles.

Le dessinateur démontrait par ailleurs que le site de téléchargement précisait explicitement : « Cette police est gratuite pour un usage personnel. Pour toute utilisation commerciale, contactez-moi ».

Le tribunal retient finalement que les défenderesses ont reproduit la police de caractères litigieuse dans l’exercice de leur activité commerciale sans autorisation, acte constitutif de contrefaçon. Il constate également l’atteinte au droit moral de l’auteur puisque l’usage a été réalisé sans mention de sa paternité.

 

En conséquence, bien que le chiffre d’affaires généré au titre de la vente des produits ne puisse être établi, les juges retiennent que cet usage a permis aux défenderesses de faire l’économie d’investissements matériels et créatifs et a nécessairement engendré un manque à gagner financier pour l’auteur. Ils les condamnent donc à 6.000 euros au titre de l’atteinte portée aux droits patrimoniaux de l’auteur et à 1.000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral.

 

Vous souhaitez creuser le sujet ? Vous pouvez prendre attache avec un avocat droit de la propriété intellectuelle du cabinet.

 

Comment déposer un dessin et modèle dans l’Union Européenne et à l’étranger ?

Avocat droit dessins et modèlesComme les autres droits de propriété industrielle, les dessins et modèles sont des droits territoriaux, ce qui signifie qu’ils offrent une protection dans les territoires où ils sont déposés, mais pas en dehors. Dès lors qu’une entreprise exerce son activité dans plusieurs Etats à la fois, va donc se poser la question de la stratégie à déployer pour permettre la protection la plus efficace de l’apparence de ses produits.

 

Nous vous proposons de voir ci-dessous les bons réflexes à adopter pour déterminer cette stratégie.

 

Mais tout d’abord : un dessin et modèle enregistré, qu’est-ce que c’est ?

 

Un dessin et modèle est un droit de propriété industrielle qui protège l’apparence d’un produit.

Un tel droit, dont l’enregistrement doit être demandé à un office de propriété intellectuelle (tel que l’Institut National de la Propriété Industrielle en France), permet d’empêcher des tiers de fabriquer, de vendre, d’importer ou d’exporter des produits ayant la même apparence sur le territoire couvert par le dessin et modèle.

La question de la territorialité du dessin et modèle est donc cruciale, car son titulaire ne sera protégé que dans les pays où il dispose de droits.

 

Dans quel délai faire un dépôt de dessin et modèle à l’étranger ?

 

Le dépôt au même moment (le même jour) de plusieurs dessins et modèles, dans plusieurs pays différents, pour une même apparence de produits est en principe compliqué.

En effet, pour être enregistré, un dessin et modèle doit être nouveau : au jour où il est déposé, aucun dessin et modèle identique ne doit avoir été divulgué, étant précisé que seront considérés comme identiques tous dessins et modèles qui ne différeraient que par des détails insignifiants.

Dès lors, lorsqu’un dessin ou modèle a été déposé dans un pays, il ne peut par définition plus être nouveau dans les autres : pour déposer à l’étranger, il faudrait donc pouvoir déposer au même moment dans tous les pays visés, ce qui est quasiment impossible en pratique.

Pour remédier à cette difficulté, il existe un mécanisme de délai de priorité qui permet, dans les six mois suivant le dépôt initial, de déposer le dessin et modèle sous priorité dans d’autres Etats, sans que l’on considère que le dessin et modèle n’est plus nouveau.

Autre bénéfice, les dessins et modèles déposés dans les autres Etats bénéficient de la date du dépôt initial, permettant ainsi d’éviter que les dépôts effectués dans le temps intercalaire vous soient opposés.

 

Comment déposer un dessin et modèle à l’étranger ?

 

La protection à l’étranger peut s’opérer par différents biais potentiellement cumulatifs :

  • Soit des dépôts nationaux directement dans les pays qui vous intéressent. Cette solution peut toutefois s’avérer relativement coûteuse lorsque de nombreux pays sont désignés.
  • Soit par des systèmes de dépôts régionaux, tels que le dessin ou modèle de l’Union Européenne (si ce n’est pas votre dépôt de base) qui permet d’avoir une protection unitaire dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne (pour un coût bien plus avantageux que si le dépôt avait été fait dans chaque pays individuellement).
  • Soit via un dessin ou modèle international qui permet, par un tronc commun, de désigner plusieurs pays/territoires et faire ainsi des économies d’échelles significatives. À noter cependant que tous les pays ne sont pas membres de ce système et qu’il sera donc nécessaire, pour certains Etats, de passer par des dépôts nationaux.

Il est important, pour déterminer où déposer, de réfléchir à la fois aux pays dans lesquels l’exploitation est envisagée mais également de confronter l’ampleur de cette exploitation aux coûts d’un dépôt dans un pays concerné.

Chaque pays pratique en effet ses propres tarifs (même pour un dépôt international), avec des ordres de grandeurs très différents (de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros).

 

Comment bien préparer un dépôt ?

 

Chaque office a ses propres pratiques et conditions pour l’enregistrement d’un dessin et modèle, il est donc parfois compliqué d’anticiper l’intégralité des points qui pourront être soulevés lors d’un dépôt.

Pour améliorer ses chances d’un dépôt qui se passe bien, à savoir un dépôt limitant au maximum les coûts et évitant autant que possible des irrégularités (qui peuvent dans certains cas être corrigées, mais nécessitent parfois d’engager des frais complémentaires), il faut néanmoins se poser les questions suivantes :

  • Est-ce que l’office concerné autorise le dépôt de plusieurs dessins et modèles en un ? Par exemple, en France, il est possible au sein d’un seul dépôt de déposer plusieurs dessins et modèles différents pour autant qu’ils portent sur une même catégorie de produits.
  • Combien de vues inclure : un dessin et modèle est composé de plusieurs « vues », à savoir des angles sous lesquels l’apparence est observée.

Les offices ont des règles différentes sur le nombre de vues qui peuvent être fournies et sur quelles vues doivent absolument être présentes. En règle générale, il est recommandé d’inclure a minima les vues suivantes : face, arrière, profil gauche, profil droit, dessus, dessous et une vue de trois-quarts (perspective).

  • Comment réaliser une vue : il faut également privilégier des vues du produit sur un fond neutre, sans éléments décoratifs, mise en scène ou arrière plan et sans annotations.

Il faut également veiller à conserver une certaine cohérence dans la présentation des vues et ne pas mélanger par exemple certaines en dessin et d’autres en photographies.

S’agissant de la couleur, il est aussi important de réfléchir à sa protection : si un produit a vocation à être déposé en plusieurs couleurs, il vaut mieux privilégier un dépôt en noir et blanc plutôt que plusieurs dépôts sur chaque couleur.

 

Et si je ne dépose pas de dessin et modèle, suis-je tout de même protégé ?

 

En l’absence de dessin et modèle déposé, que cela soit par stratégie ou en raison d’une impossibilité de procéder au dépôt (par exemple pour une apparence déjà divulguée), plusieurs autres droits de propriété intellectuelle peuvent néanmoins permettre potentiellement de bénéficier d’une protection sur l’apparence d’un produit.

De tels droits n’existent toutefois pas nécessairement dans tous les pays ou du moins pas toujours selon les mêmes conditions.

Tout d’abord, le droit d’auteur peut lui aussi s’appliquer à des créations intellectuelles telles que la forme d’un produit.

En France, ce droit s’applique dès lors que la création est originale, c’est-à-dire que l’on y retrouve la personnalité de son auteur et peut même s’appliquer cumulativement à un dessin et modèle enregistré.

Il faut néanmoins garder en tête que le droit d’auteur est un droit dont la logique même peut considérablement varier selon les pays concernés (la logique « copyright » est ainsi très différente de la logique du droit français) et qu’il ne sera donc pas nécessairement mobilisable partout.

Par ailleurs, l’Union Européenne prévoit un dispositif de protection des dessins et modèles non enregistrés.

Soumis aux mêmes conditions de validité qu’un dessin et modèle enregistré, les dessins et modèles communautaires non enregistrés bénéficient d’une protection sans dépôt mais à compter de leur première divulgation sur le territoire de l’Union Européenne et ce pendant 3 ans.

 

En résumé, déposer un dessin et modèle à l’étranger ne doit pas être fait à la légère mais nécessite une réflexion en amont, à la fois pour déterminer où déposer, pour optimiser les coûts de son dépôt et pour améliorer les chances que son dépôt soit accepté.

Nos avocats en dessins et modèles pourront bien sûr vous assister dans cette démarche.

 

 

Concurrence déloyale : 55 raisons de ne pas copier son voisin

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisLe Tribunal judiciaire de Marseille a, dans une décision du 12 juin 2025 (n°21/11195), tranché un conflit entre un club de plage de la Côte d’Azur et une boutique.

 

Contexte : un nom très proche pour des activités similaires

 

Le Club 55 est un bar-restaurant réputé de la Côte d’Azur, proche de Saint-Tropez, existant depuis près de 70 ans. Il dispose notamment d’une boutique d’articles de plage et a déposé plusieurs marques éponymes.

En 2017, une société a créé plusieurs magasins dans la même région, sous l’enseigne « L’Atelier 55 », spécialisés dans la vente d’objets divers et variés, de mobilier, de décoration, d’accessoires fantaisie ou encore de tableaux.

Elle a déposé, en 2020, une demande d’enregistrement de marque française « L’Atelier 55 ».

La société exploitant le Club 55 a formé opposition à l’encontre de cette demande d’enregistrement, estimant qu’elle portait atteinte à ses propres marques « CLUB 55 » et obtenu gain de cause auprès de l’INPI, qui a estimé que les signes étaient trop proches et pouvaient entraîner un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

En parallèle, elle a engagé une action en concurrence déloyale et en parasitisme contre l’Atelier 55, lui reprochant d’utiliser ce nom pour tirer partie de la notoriété du Club 55.

 

Solution : des actes de concurrence déloyale reconnus

 

1/ Une prise en compte de la notoriété du club de plage

 

Le Tribunal judiciaire rappelle dans un premier temps les règles applicables en matière de concurrence déloyale, à savoir que si tout commerçant peut par principe attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans se le voir reprocher, y compris en vendant des produits similaires voire identiques, il ne peut en revanche pas le faire de manière déloyale.

Il appartient donc à celui qui invoque une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent et notamment le risque de confusion sciemment entretenu dans l’esprit du consommateur sur l’origine des produits ou services.

En l’espèce, eu égard à la proximité géographique entre les deux parties, le juge considère qu’il ne fait aucun doute que la clientèle du Club 55 pourrait se rendre dans les boutiques de l’Atelier 55 et inversement, les deux sites balnéaires limitrophes développant une activité commerciale destinée à une même clientèle aisée.

Or, la boutique de plage du Club 55 bénéficie selon le juge, de par son nom, de la très forte notoriété du club de plage auquel elle est rattachée.

 

2/ Une condamnation du fait du risque de confusion

 

Le juge considère que les boutiques du Club 55 et de l’Atelier 55 s’adressent à la même clientèle sur la même zone géographique et que de tels clients peuvent dès lors croire qu’il existe un lien entre les deux boutiques.

Il relève par ailleurs que l’élément le plus distinctif des signes en cause est le « 55 », repris à l’identique entre les deux noms, reprenant sur ce point le raisonnement précédemment tenu par l’INPI (le risque de confusion étant également une condition applicable en droit des marques).

Ce risque de confusion est, selon le juge, renforcé par le fait que le Club 55 est un signe très distinctif pour les activités en cause, exploité sans interruption depuis plusieurs décennies et particulièrement notoire sur la Côte d’Azur.

La société exploitant l’Atelier 55 est donc condamnée pour concurrence déloyale et parasitisme à un préjudice – au moins aussi salé que la mer qui l’entoure – de 100.000 euros.

 

En résumé, en matière de concurrence déloyale, la notoriété du nom d’un tiers concurrent peut être un facteur jouant dans l’appréciation du risque de confusion entre ce nom et le vôtre.

 

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, un avocat en concurrence déloyale du cabinet SOLVOXIA AVOCATS se tient à votre disposition.

 

 

L’IA chantonne, la justice sanctionne

Avocat droit d'auteur NantesDans une décision du 11 novembre 2025 (affaire n° 42 O 14139/24), le Tribunal régional de Munich s’est prononcé sur la reproduction de paroles protégées par une IA.

 

Contexte : OpenAI mémorise et restitue des paroles de chanson protégées

 

L’organisme de gestion de droits d’auteur allemand, « GEMA », a engagé une action à l’encontre de la société américaine OpenAI après avoir constaté que celle-ci intégrait des paroles de chansons appartenant à son répertoire pour entraîner ses modèles IA, sans autorisation.

GEMA lui reprochait de mémoriser les chansons dans ses paramètres et le fait que les modèles de langage étaient capables de citer quasiment à l’identique ces dernières.

 

Solution : L’IA coupable de violation de droits d’auteurs

 

OpenAI condamnée pour violations de droit d’auteur

 

Le tribunal de Munich a jugé que les « modèles linguistiques » utilisés par OpenAI ainsi que « la reproduction des textes des chansons dans les résultats du chatbot » constituaient des atteintes aux droits d’exploitation protégés par le droit d’auteur.

En effet, il retient que la mémorisation des paroles dans les paramètres des modèles constitue une reproduction des œuvres et que leur restitution au public dans les outputs constitue une atteinte aux droits exclusifs des auteurs.

OpenAI invoquait entre autres l’exception de text & data mining qui permet à une intelligence artificielle d’utiliser des textes protégés à des fins d’entraînements pour ses modèles. Toutefois, le tribunal rejette cet argument au motif que, selon lui, OpenAI ne réalise pas une simple fouille et analyse de données, mais effectue bien une reproduction durable et récupérable des œuvres dans les paramètres de ses modèles d’entraînement aux fins d’exploitation par la suite.

Dès lors, la mémorisation et la reproduction de paroles protégées dans les réponses générées par l’IA enfreint les droits d’auteur des musiciens.

 

La responsabilité de l’éditeur retenue plutôt que celle des utilisateurs

 

Bien qu’avancée comme argument par la société défenderesse, l’irresponsabilité de l’éditeur n’a pas été retenue. En effet, OpenAI renversait la faute sur les utilisateurs du chatbot puisque les réponses (outputs) n’étaient générées qu’à la suite d’une démarche active de ceux-ci.

Le tribunal a, au contraire, jugé que la responsabilité devait peser sur l’éditeur du modèle (ici OpenAI). Il a retenu en effet que celui-ci doit veiller à ce que son modèle ne puisse pas générer des outputs contrefaisants et est responsable de l’architecture des modèles de langage et des données mémorisées lors de l’entraînement.

En l’espèce, les réponses générées par l’outil résultaient directement de l’entraînement des modèles sur des œuvres protégées, opération imputable à l’éditeur et non à l’utilisateur.

 

Vous voulez en savoir plus sur le sujet ? Un avocat droit d’auteur du Cabinet est à votre disposition.

 

 

Dessin et modèle : le masque de plongée évite la noyade

Avocat droit dessins et modèlesDans une décision du 4 juin 2025 (T-1060/23), le Tribunal de l’Union Européenne s’est prononcé sur la validité d’un modèle de l’Union Européenne portant sur un masque de plongée.

 

Contexte : Une demande en nullité d’un dessin ou modèle portant sur un masque de plongée

 

La société Décathlon a déposé, en 2013, un dessin et modèle communautaire sur un masque de plongée.

En mars 2021, une autre société avait soulevé auprès de l’Office Européen (l’EUIPO) une demande en nullité de ce dessin ou modèle, soutenant :

  • Que les caractéristiques de ce masque étaient exclusivement imposées par sa fonction technique,
  • Que ce dessin ou modèle était dépourvu de caractère individuel (équivalent du caractère propre en droit français).

Sa demande en nullité avait été rejetée une première fois par l’EUIPO, puis une seconde fois par sa chambre de recours, conduisant donc l’affaire à être portée devant le Tribunal de l’Union Européenne.

 

Solution : La validité du dessin ou modèle confirmée

 

1/ Des caractéristiques non exclusivement imposées par la fonction du masque

 

La requérante faisait valoir que les caractéristiques essentielles du dessin ou modèle contesté étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit, à savoir que la forme ovale du masque correspondait à l’anatomie du visage humain, avec un champ de vision aussi large que possible et l’utilisation d’une sangle nécessaire pour fixer de manière confortable le masque.

Le Tribunal rappelle tout d’abord que la nullité n’est encourue par un dessin ou modèle que si l’intégralité de ses caractéristiques sont imposées par la fonction technique du produit : il suffit dès lors qu’une d’entre elles ne le soit pas pour sauver le droit.

Par ailleurs, le dessin ou modèle n’est pas non plus nul si l’agencement des caractéristiques est choisi selon des considérations ne relevant pas exclusivement de la nécessité de remplir la fonction technique du produit.

Or, selon le Tribunal, deux caractéristiques au moins n’étaient pas imposées par la fonction d’un masque de plongée :

  • Le masque avait une forme de goutte renversée, entourant totalement le visage, alors que d’autres formes plus anguleuses auraient très bien pu être choisies,
  • La sangle du masque présentait une forme particulière en X, qui participait d’un choix esthétique.

Dès lors, la forme du masque n’était pas entièrement imposée par sa fonction technique.

 

2/ Le caractère individuel du dessin ou modèle retenu

 

La requérante faisait aussi valoir que des brevets et modèles antérieurs avaient été divulgués au public et produisaient la même impression d’ensemble que le dessin ou modèle contesté.

Or, comme le rappelle le Tribunal, pour être valide, un dessin ou modèle doit avoir un caractère individuel ce qui implique qu’il procure une impression globale de différence ou d’absence de déjà-vu.

Pour apprécier ce critère, le Tribunal rappelle que plusieurs critères peuvent être pris en compte : nature du produit, secteur industriel dont il relève, degré de liberté du créateur dans son élaboration, saturation de l’état de l’art, manière dont le produit est utilisé…

Il relève ensuite qu’en l’occurrence, un masque de plongée devait être conçu en prenant en considération des contraintes liées à ses fonctionnalités, à savoir pouvoir respirer sous l’eau, mais que pour la partie esthétique le créateur disposait d’une liberté plutôt large.

Or, par rapport aux antériorités fournies par la requérante, les similitudes résidaient ici plutôt dans des éléments communs à tous les masques (vitre, tuba, etc.) mais les autres caractéristiques étaient suffisamment marquées pour que le dessin ou modèle procure une impression d’ensemble différente.

La demande en nullité du dessin ou modèle est donc, une nouvelle fois, rejetée.

En résumé, même si certaines caractéristiques d’un produit sont déterminées par ses fonctions techniques, le dessin ou modèle portant sur ce produit peut être valide si au moins l’une des caractéristiques n’était pas imposée par cette fonction technique et si, parmi les caractéristiques laissées au choix du créateur, se trouvent des caractéristiques conférant au dessin ou modèle un caractère propre.

Vous voulez en savoir plus ? Un avocat droit des dessins et modèles du Cabinet est à votre disposition.